Sandrine Héraud, LabSkin Creations (Photo : LabSkin Creations)

Premium Beauty News - Le domaine des substituts cutanés semble très porteur notamment depuis l’interdiction en 2013 de vendre dans l’Union Européenne des produits cosmétiques testés sur des animaux.

Sandrine Héraud - En effet, mimer la peau, cet organe aux multiples fonctionnalités, le plus grand du corps humain, qui fait la jonction entre l’interne et l’externe, est un sujet très vaste voire infini. Depuis 2014, Labskin Creations propose des modèles en ingénierie tissulaire de plus en plus aboutis pour les industries de la cosmétique, de la dermo-cosmétique mais aussi de la pharmacie. Depuis la création de la société, nous développons des peaux reconstruites sur mesure plus ou moins complexes sur lesquelles des tests d’efficacité d’ingrédients et de produits cosmétiques sont réalisés. Notre jeune société a déjà été récompensée par de nombreux prix comme le Trophée Acteurs de l’Économie et le Fast 50 Deloitte en 2017.

Premium Beauty News - Lors du colloque organisé par le Centre européen de dermocosmétologie (CED) en janvier 2019, votre société a présenté un modèle de peau reproduisant la dermatite atopique. Une approche originale !

Sandrine Héraud - La dermatite atopique est une maladie chronique inflammatoire qui concerne plus d’un nourrisson sur dix. Nous avons combiné plusieurs approches pour réaliser le modèle. L’innovation vient de l’utilisation de cellules issues de patients présentant de la dermatite atopique combinée à l’intégration de lymphocytes. Cela en fait le premier modèle in vitro humain de dermatite atopique intégrant une composante immunitaire. On observe une migration des cellules immunitaires dans l’ensemble du tissu et ce modèle présente un phénotype pathologique mimant le profil cutané altéré dans la dermatite atopique. Ce modèle permet de tester des actifs et des produits finis visant à traiter cette pathologie.

Premium Beauty News- L’impression 3D révolutionne l’ingénierie tissulaire. Où en est Labskin Creations sur ce sujet ?

Sandrine Héraud - En effet, la bioimpression est une technologie de rupture qui a opéré une petite révolution dans le domaine de l’ingénierie tissulaire par rapport aux approches existantes, raison pour laquelle nous avons orienté nos développements dans ce domaine. Nos travaux sont issus d’une collaboration très fructueuse avec les équipes de Christophe Marquette de 3d FAB, spécialisées dans l’impression 3D.

La bio-impression a l’avantage de permettre l’obtention de structures tridimensionnelles très complexes, de façon très précise, reproductible et automatisée. Avec cette approche nous obtenons un échantillon de peau mature en 21 jours contre 45 par culture in vitro. Nous avons déposé en 2016 un premier brevet sur un modèle de peau complet comportant le derme et l’épiderme. Par la suite, nous avons ajouté un hypoderme en travaillant à partir des cellules souches du tissu adipeux. Nous pouvons aussi enrichir le modèle avec la composante vasculaire, ajouter des annexes cutanées comme les glandes sébacées et pigmenter l’épiderme en ajoutant des mélanocytes. Les composantes cellulaires peuvent être modulées à façon ce qui apporte une grande flexibilité à nos clients.

Dans la peau, il existe plus de dix composantes cellulaires et notre souhait avec nos modèles 3D est de pouvoir aller le plus loin possible en ajoutant aussi des cellules de Langerhans ou une innervation cutanée. Nous cherchons aussi à reproduire la forme physiologique ondulée de la jonction dermo-épidermique, qui est de forme plate dans les modèles existants utilisant des méthodes d’ingénierie conventionnelles. C’est un gros challenge pour les équipes.

Nous sommes également investis dans le projet collaboratif Bloc-Print rassemblant notre société, 3d FAB, et les Hospices Civils de Lyon, en partenariat avec la Direction Générale de l’Armement. Il s’agit de permettre l’utilisation de la bio-impression pour traiter les soldats brûlés directement sur le champ de bataille. Les cellules extraites de la peau saine du patient seront intégrées dans notre bio-encre puis directement réimprimées sur le patient à l’aide d’une bio-imprimante équipée d’un bras articulé. Ce projet a reçu plusieurs prix en 2018 : le Prix de l’esprit d’entreprendre et le Trophée Lab Meeting de bref eco.

Premium Beauty News - Comment voyez-vous le futur des modèles 3D ?

Sandrine Héraud - Proposer des modèles 3D bio-imprimés nous a permis d’approcher de nouveaux clients. D’abord, la complexité des modèles 3D désormais accessibles grâce à la bio-impression nous offre de nouvelles perspectives de développements. Ensuite, cette approche permet de standardiser les modèles 3D et donc leur reproductibilité pour la découverte de nouveaux actifs. Le domaine des cosmétiques constitue 90% de nos clients mais les industries pharmaceutiques et médicales sont aussi très intéressées par des applications en médecine régénérative.