Ayant pour thème « Crack the Codes », la conférence comptait parmi ses intervenants Melilim Fu (de son vrai nom 傅沛 Fu Pei), une KOL chinoise venue de Pékin avec son petit-ami et associé, Elijah Whaley, un Américain spécialiste de contenus marketing avec lequel elle a créé sa plate-forme de vidéos de maquillage.

Niche différentiante

Depuis août 2015, Melilim Fu a mis en ligne une trentaine de tutoriels make-up, une douzaine de live-streamings et un millier de photos. Cheveux teints en bleu ou rose, lentilles colorées, maquillage appuyé, Melilim Fu a choisi de se démarquer dans un univers de vidéos de beauté dominé par les Coréennes à la peau claire, et où les Chinoises sont encore peu nombreuses, selon elle. « Je suis make-up artist et même si mon inspiration peut venir de l’Occident ou du Japon, ma priorité et d’aider et conseiller les Chinoises qui découvrent le maquillage, et leur donner confiance en elle », précise Melilim Fu. Si, à ses débuts, ses vidéos pouvaient choquer des internautes chinoises plutôt adeptes de la discrétion, elles sont maintenant bien acceptées par une clientèle en rapide évolution. Les contacts avec son audience sont essentiels, insiste-t-elle. « Je réponds à toutes les questions, et les échanges peuvent être parfois très personnels. Ma génération - je suis née en 1991 - est constituée d’enfants uniques avides d’interactions. »

Sur Weibo, le Twitter chinois, Melilim Fu compte actuellement près de 175.000 fans. « Dès notre lancement, nous avons choisi d’utiliser Weibo comme plate-forme. C’était un pari qui s’est avéré gagnant car Weibo continue à gagner en popularité et WeChat [la messagerie mobile la plus utilisée en Chine avec ses nombreuses applications] reste un environnement difficile pour la distribution de vidéos UGC [1] », explique Elijah Whaley, qui souligne que « l’écosystème chinois de vidéos en ligne diffère totalement du reste du monde, qui dépend fortement de Google et Youtube. » Selon lui, aucune plate-forme de vidéos en Chine ne peut se comparer à Youtube en termes de popularité et d’algorithmes de recherche sophistiqués - LeTV, l’un des sites de vidéos les plus visités en Chine, n’acceptant même pas de vidéos UGC. Melilim Fu est présente sur WeChat sans disposer de compte officiel, ainsi que sur Instagram et Snapchat « pour expérimenter le côté ludique des filtres, sans chercher particulièrement une audience occidentale, mais plutôt les Chinois à l’étranger. »

Approches variées pour une même cible

Melilim Fu annonce avoir travaillé « avec des marques internationales telles que H&M, Nike et Make-Up For Ever, et avec beaucoup de petites marques. » Peu de marques chinoises en revanche. « Il semble qu’il y ait un vrai problème de confiance des consommatrices vis-à-vis des produits chinois », estime-t-elle. Elijah Whaley précise que « même si nous n’en sommes pas encore à ce stade, le contrat d’exclusivité avec une marque est le meilleur moyen pour cette dernière de capitaliser sur un KOL  », faisant allusion aux collaborations exclusives avec des marques internationales signées par des stars de l’Internet chinois - dont les audiences dépassent les 800.000 fans sur Weibo - telles que celle signée entre l’humoriste Papi Jiang et le détaillant en ligne de cosmétiques basé à Shanghai Lili&Beauty, ou encore entre l’actrice et chanteuse Angelababy et la marque du groupe L’Oréal, Maybelline.

Le duo déclare travailler principalement au forfait. « Nous avons eu aussi récemment l’opportunité d’exercer notre capacité à l’e-commerce. Une personne qui vend des produits étrangers via des comptes WeChat et Weibo nous a proposé de diriger notre trafic vers ces deux comptes. En 7 jours nous avons permis US$25.000 de ventes, sur lesquelles nous avons perçu 20% », détaille Elijah Whaley, pour lequel ce type de collaboration ne peut marcher qu’avec des marques disposant de canaux de distribution limités.

Le boom du live-streaming

« D’autres collaborations nous permettent surtout de gagner de l’attention et d’accroître notre audience, poursuit Elijah Whaley. Avec Yes, une marque qui a développé une application de live-streaming to e-commerce, nous avons filmé une heure de direct dans un centre commercial qui vendait les produits de la marque, générant un volume de ventes équivalent US$5.000.  » Cette expérience au cours de laquelle les internautes pouvaient réagir a été très positive, selon Melilim Fu. « Certaines m’ont dit qu’elles avaient l’impression de faire du shopping avec moi. »

Ces vidéos en direct s’inscrivent dans une tendance forte qui s’est imposée l’an dernier en Chine, au point de voir la marque Maybelline organiser à Shanghai un événement géant de live-streaming avec de nombreux KOLs pour le lancement d’un rouge à lèvres. La Chine compterait ainsi 344 millions d’utilisateurs de « live broadcast », soit quasiment la moitié du nombre d’internautes. Deux tiers d’entre eux sont des hommes et une majorité ont moins de 30 ans, selon l’institut iResearch, cité par Les Échos. Le nombre de plates-formes a littéralement explosé au cours des deux dernières années et il y en aurait aujourd’hui près de 200.

« Tout comme l’offre télévisuelle chinoise, le contenu de ces vidéos est sans intérêt pour la plupart, nous avons donc l’opportunité d’attirer l’attention en produisant de la qualité, tant en direct que dans nos vidéos », insiste Elijah Whaley, pour lequel un KOL performant a « la capacité de déplacer une audience d’une plate-forme de social média vers un environnement d’achat ». Un point de vue partagé par Kim Leitzes (ParkLU) qui conseille aux marques d’investir du temps avec le KOL pour élaborer une stratégie de contenu.