Tombés en désuétude pendant plusieurs décennies, les produits d’hygiène et de soin proposés sous forme de poudre reviennent en force. Après l’installation du format solide, c’est la galénique du moment. Elle se décline dans des formats à utiliser tels quels ou, de plus en plus, de façon extemporanée, dans des formules à reconstituer. Plusieurs jeunes marques de la clean beauty se sont déjà emparées du concept en mettant en avant la naturalité des formules et le bénéfice de la réduction d’emballages.

C’est le cas de l’une des dernières en date Neo By Nature, qui s’est lancée à l’automne dernier. La jeune marque propose un gel douche à reconstituer à partir de pastilles de poudre compactée, dans un flacon pompe en acier inoxydable. La formule certifiée bio est composée à 99% d’ingrédients d’origine naturelle et le flacon élégant est rechargeable à l’infini.

« Pour nous le bénéfice client c’est pas l’écoresponsabilité, ça c’est notre mission ! Son bénéfice doit être d’avoir le meilleur gel douche possible. Pour cela, nous utilisons des principes actifs naturels de grande qualité dont un biosaccharide au pouvoir hydratant et anti-âge. Ce n’est pas un simple gel douche mais un super gel douche », déclare Hector Sentilhes, co-fondateur de la marque.

Pour parvenir au niveau d’efficacité et de sensorialité exigé pour rivaliser avec les formules conventionnelles liquides, les deux fondateurs se sont tournés vers l’expertise de leur partenaire Fareva, expert de la sous-traitance en produits cosmétiques. La collaboration a donné lieu à 18 mois de développement et permis d’établir le bon équilibre des formules et de la fabrication en dépit de contraintes bien spécifiques.

Des défis de formulation et d’industrialisation

Parmi ses 42 sites de production, Fareva possède notamment en France le Laboratoire du Bain, un site à l’origine dédié aux poudres effervescentes et aux galets de bain.

« Cette activité marquait le pas car les gens prennent moins de bains, mais nous avions la volonté de mettre en avant notre savoir faire dans la fabrication et la compaction de poudres avec des formules dotées de vraies fonctionnalités. Nous travaillons les poudres en utilisation directe et les poudres à diluer  », explique Antoine Dubrana, directeur marketing et communication du groupe Fareva.

Pour les deux solutions, le fabricant met son expertise au service de problématiques identifiées, propres à ce type de produits.

« C’est une approche totalement différente. Nous travaillons en voie sèche donc les actifs, les tensioactifs et tout ce qui va permettre de conférer une efficacité à la formule doivent être sous forme de poudre, cela réduit considérablement la palette d’ingrédients, qui doivent en général aussi être d’origine naturelle, voire bio. Idem pour le parfum, huile, colorant, qu’il va falloir travailler différemment car ce sont des ingrédients liquides », précise l’expert.

« Le compactage est compliqué sur une formule qui n’est pas complètement sèche, ce qui fut notre cas car nous avions 1% de parfum qui s’ajoute au moment du mélange », ajoute Hector Sentilhes.

Autre critère important, la bonne coulabilité de la poudre qui induira le libre écoulement dans les différents canaux sans effets collants. « C’est un des points les plus complexe et technique de la formulation des poudres », assure Antoine Dubrana.

Sur le format des poudres compressées en pastilles que le consommateur devra diluer, des challenges supplémentaires liés aux scenarios d’utilisation viennent s’ajouter.

« Il faut trouver le bon équilibre pour que ce soit bien compacté tout en évitant une dissolution trop lente chez l’utilisateur, sachant que le temps de dilution est généralement de 6 à 8 heures pour les gros formats, et de 3 à 4 heures pour des formats pilules », précise Antoine Dubrana.

Mêmes remarques chez Lessonia, concepteur et fabricant d’ingrédients et de cosmétiques. Déjà spécialisé dans les masques poudres à reconstituer, le laboratoire s’est équipé d’un outil industriel adapté à la production, au conditionnement et à la compression des poudres. Il propose par ailleurs une gamme de produits à façon à réhydrater, shampoings, gels douche, eau micellaire et mousse à raser, sous forme de poudre, granulés et pastilles.

« Nous sommes sur des technologies qui maitrisent la rhéologie des poudres, la granulométrie, leur comportement, leur écoulement. Notre savoir faire repose sur la capacité à les mélanger, à les tamiser, les rendre fluides et aussi à les conditionner », déclare Charles Henri Morice, directeur de l’innovation.

Le granulé, nouveau format à suivre

« Le format de pastilles à réhydrater s’accélère parce que c’est plus simple pour le consommateur, mais elles doivent se solubiliser facilement donc c’est un challenge de développement. L’année dernière, nous avons fait un investissement industriel pour conditionner des poudres en flacon, plus récemment nous avons investi dans une comprimeuse, et actuellement nous sommes en cours d’investissement pour une machine de granulation », ajoute le directeur de l’innovation de Lessonia.

Le format de granulés, soit une poudre avec une ganulométrie plus grosse, présente en effet plusieurs intérêts selon le spécialiste. « Avec les granulés nous pouvons résoudre les problèmes de poudres fines et volatiles qui pourraient être inhalés, ensuite l’écoulement est plus facile, le conditionnement également, les granulés sont plus facilement solubilisables et enfin plus simples à travailler car il y a moins de problématiques de mélanges ou démélanges éventuels qui peuvent changer la composition initiale  », indique-t-il.

Un format d’innovation

Si le développement du format poudre quel qu’il soit, reste encore aujourd’hui principalement réservé aux jeunes marques indépendantes, la démarche répond à bien des avantages d’écoconception. Un shampoing poudre permettrait une économie de moitié d’eau, d’énergie, et d’émissions de gaz à effet de serre par rapport à un shampoing liquide, selon une étude de cycle de vie du produit réalisée par Lessonia.

Le gel douche Neo By Nature, disponible en trois parfums — amande douce, lavande romarin citron et bambou chanvre — est aujourd’hui distribué sur le site de la marque, dans les 90 points de vente Nature & Découvert en France, une quinzaine de pharmacies et plusieurs boutiques indépendantes.

Une récente levée de fonds de 1 million d’euros, va permettre le développement de quatre nouveaux produits. « Ce seront toujours des produits de salle de bain, toujours à diluer, avec un aspect fort sur l’innovation. Deux d’entre eux sont des concepts encore jamais vus », révèle Hector Sentilhes.

Chez Fareva, on annonce pour le printemps, le développement d’un déodorant poudre à réhydrader dans un roll on rechargeable.

« Les grandes marques ne se sont pas encore réellement emparées du sujet car l’écosystème doit se développer, notamment au niveau des ingrédients qui apportent naturalité et sensorialité. Le concept confère aussi un grand pouvoir au consommateur, il est responsable de sa dilution et du bon nettoyage du contenant, il peut y avoir la peur d’un mésusage qui se retourne contre la marque. La mise en place de la loi AGEC ou de l’éco score cosmétique seront certainement des vecteurs d’accélération de ce type de format », conclut Antoine Dubrana.