En France, les ventes de parfums de niche et de collection à plus de 175 euros ont progressé de 36% en 2024, selon Circana. Le dynamisme du marché attire les nouveaux entrants mais, hors-ligne, les marques ont souvent du mal à assurer leur visibilité auprès des consommateurs. « Chaque semaine, je refuse plusieurs sollicitations », dépeint Jérôme Herrgott, agent commercial spécialisé sur le segment de la niche et fondateur de Spray Conseil. Tout comme Emmanuel Haddad (Niche Beauty Brand) et Manon Carrère (Ma Note de Cœur), sa mission consiste à faire le lien entre les marques et les détaillants.
L’enjeu du référencement
Avec une distribution spécialisée relativement dispersée sur le territoire, le marché français est réputé particulièrement difficile. « Pour les jeunes marques, ce n’est pas facile de rentrer dans des points de vente et d’obtenir un rendez-vous. Nous leur permettons de surmonter cette barrière à l’entrée car les boutiques nous font confiance. Cela va beaucoup plus vite avec nous », explique Manon Carrère.
« Le partenariat avec Manon s’est avéré structurant en nous permettant de poser les premières pierres de notre réseau physique en France dans un marché extrêmement concurrentiel », confirme Fanny Fortin Descamps, co-fondatrice de Fascent. « C’est à ce moment-là que l’accompagnement est le plus précieux : quand il faut convaincre, sans notoriété, mais avec une vision forte ».
Signer avec un agent permet aussi de limiter les risques financiers, car le contrat est basé sur une commission à la vente (environ 15%). Les frais de déplacement sont réduits car l’agent représente un portefeuille de marques. « C’est un modèle souple et vertueux, particulièrement adapté aux jeunes marques qui souhaitent grandir et se concentrer sur la création et le développement, sans sacrifier l’attention portée à chaque point de vente », témoigne Fascent.
Les agents sont aussi des experts du marché qui peuvent conseiller les marques. « Dans les premières années, plutôt que de chercher à investir tous les points de vente, j’ai recommandé à Thomas de Monaco des boutiques avec lesquelles il y a une affinité et qui vont servir sa visibilité et ses ventes sur le long terme », explique Jérôme Herrgott.
Animation du réseau
La relation humaine est au cœur de ce métier : les agents travaillent avec les détaillants sur la durée, dans la confiance et la transparence. Ils arpentent les salons internationaux et sont en mesure de proposer un pré-tri pertinent parmi les nouveautés. Leur portefeuille est composé de façon à couvrir plusieurs segments du marché, sans cannibalisation entre marques. Ils connaissent les attentes de leur réseau.
« Je construis mon portefeuille avec l’ambition de représenter des marques à forte identité, qu’elles soient transgressives ou ancrées dans la contre-culture comme Room 1015, ou encore empreintes d’un second degré assumé. L’essentiel pour moi, c’est une esthétique forte. Je ne cherche pas à séduire tout le monde », expose Emmanuel Haddad. « Ma valeur ajoutée réside dans ma capacité à convaincre les détaillants. Le marché français reste attaché à des valeurs établies, ce qui demande patience et persévérance. Tout l’enjeu est de construire un discours pertinent pour que le public perçoive clairement ce que ces maisons peuvent leur offrir ».
L’agent effectue des tournées régulières, assure le merchandising, forme les équipes de vente. Il peut être présent lors des lancements. « C’est important de proposer une expérience en magasin et d’être en contact avec les clients finaux. Les animations peuvent prendre la forme d’une présentation, d’un atelier matières premières, d’une rencontre, voire d’une expérience croisée avec une marque d’un secteur différent en concept store… », détaille Manon Carrère.
La polyvalence des agents et l’importance du facteur humain expliquent que même des marques établies, qui disposent parfois d’une ou plusieurs boutiques en propre, comme État Libre d’Orange ou L’Atelier Parfum, ont recours à leurs services. « Elles viennent chercher un réseau constitué et un rapport étroit avec les revendeurs. J’exerce ce métier depuis presque 10 ans et je cultive la proximité. Vu le nombre de points vente, il est difficile pour elles d’être présentes sur le terrain », souligne Jérôme Herrgott.
De son côté, Manon Carrère soutient depuis ses débuts Essential Parfums. « Nous avons grandi ensemble. Je continue à contribuer à développer le chiffre d’affaires. Cette collaboration me challenge et m’a poussée à développer ma structure ».
Détecter les opportunités
La jeune entrepreneuse s’est donc entourée de deux commerciaux en régions et de compétences en marketing opérationnel et digital. « Le marché est en expansion et c’est le moment d’investir. Cette année, encore dix nouvelles parfumeries de niche se sont créées en France. Les marques de mon portefeuille font au minimum +40% de croissance par an. Je projette de doubler notre chiffre d’affaires l’année prochaine ».
Le marché français semble capable d’absorber de nouvelles références. « Je travaille depuis peu avec la marque Xerjoff. Je pressens un fort potentiel en France. Certaines boutiques me l’ont déjà réclamée », relate Jérôme Herrgott.
« La niche est un marché en plein essor, et je pense que d’ici 2027, nous verrons apparaître davantage de points de vente spécialisés », confirme Emmanuel Haddad.
De nouveaux circuits de distribution pourraient par ailleurs soutenir la croissance du segment. Emmanuel Haddad observe ainsi qu’aux États-Unis, la distribution des parfums de niche passe davantage par les concept-stores. « En France aussi, ces points de vente sont preneurs de nos produits. Le véritable défi, c’est la formation des équipes de vente, qui ne sont pas toujours initiées à l’univers olfactif », conclut-il.