À l’instar de nombreux secteurs, la cosmétique n’échappe pas à la demande croissante de transparence sur les produits et leur fabrication. À l’initiative de LVMH, le monde du luxe s’est emparé du sujet avec le lancement du consortium Aura Blockchain, qui doit permettre la création d’un protocole informatique sécurisé donnant au client, via à un certificat numérique, un accès direct à l’historique du produit acheté - de sa conception à sa distribution - et à ses certificats d’authenticité. Car la blockchain est un outil idéal pour permettre aux consommateurs d’accéder facilement à une information sécurisée sur les produits (composition des formules, packaging ou engagements de la marque, par exemple).

« Le consommateur ne veut plus de déclaratif, il lui faut des preuves », assure Philippe Guguen, directeur de la société MAP Emulsion à l’origine de Sorga, une technologie française de blockchain déjà adoptée par plusieurs marques du secteur. Sorga crée, pour chaque produit, un passeport unique contenant un large éventail d’informations.

Le grand intérêt de la blockchain est qu’elle apporte par son fonctionnement décentralisé, la garantie que ces informations sont accessibles par tous, à n’importe quel moment, mais ne peuvent être modifiées.

« Il n’y a pas une plateforme centrale, mais éclatée sur des dizaines de milliers de serveurs. Donc l’information est ineffaçable. Quand on entre une information, elle est signée et datée, ce qui pour le secteur cosmétique, permet de garantir l’authenticité du produit et lutter contre la contrefaçon », explique Philippe Guguen.

Retracer le parcours du produit

« Il faut sortir d’un marketing de story-telling pour entrer dans un marketing de preuves », confirme Maxime Finaz de Villaine, CEO de Bloomup Energie Fruit.

Cette marque de produits de soins et d’hygiène naturels et bio a lancé l’application B-Heart qui permet, toujours via la technologie blockchain, d’offrir une transparence et une traçabilité totale sur les produits, l’origine des ingrédients, les packagings, et la fabrication. Le principe est de donner accès, par simple scan d’un QR Code, à une plateforme sécurisée par la technologie blockchain. Une fois le numéro de lot du produit renseigné, l’utilisateur accède à l’ensemble des informations fournies par les différentes parties prenantes de la chaîne de valeur du produit.

« La blockchain permet de remonter l’information du sourcing au produit, mais surtout comme elle est renseignée par chacun de nos fournisseurs et non par nos soins, elle est donnée de manière indépendante, sécurisée, inaltérable, elle est vraie. Cela redonne le pouvoir au consommateur qui veut des preuves et des faits », assure Maxime Finaz de Villaine.

Identification et expérience uniques

Pour sa marque de vernis Clever Beauty, Maeva Bentitallah a été séduite par la technologie Sorga dont l’identification numérique est ici unique à chaque référence. « Chaque passeport est unique avec un code qui lui est propre. Chaque vernis peut donc transporter une information complètement personnalisée, ce qui permet aussi de créer une expérience unique avec la cliente », explique -t-elle.

En achetant le produit, le consommateur s’approprie personnellement ce passeport. Il accède en scannant le « tag » à quatre types d’informations clés :
 Who : qui se cache derrière le produit - l’équipe, les fabricants et différents fournisseurs ;
 Where : le lieu de fabrication ;
 What : La description du produit sous tous ses aspects (couleurs, tenue, formule INCI, …) ;
 Why : l’histoire de la marque et ses engagements.

« Je peux également ajouter des certificats comme par exemple celui du laboratoire qui atteste que notre innovation Bouchon anti-gaspi permet de gagner 20% de produit en plus, ou les résultats de tests prouvant que nos vernis sont sans danger pour les femmes enceintes, ou encore mon label vegan. C’est inviolable. Cela permet de communiquer et avoir une complète transparence avec une information prouvée », ajoute la fondatrice.

En termes d’expérience, des communications ou vidéos personnalisées peuvent être ajoutée au passeport et établir ainsi un lien direct avec la consommatrice.

Enfin, la démarche permettrait aussi de limiter l’impact environnemental, voire de s’affranchir des packs secondaires. « L’intérêt pour les marques est aussi de remplacer les notices en différentes langues. Les informations sont plus compréhensibles, dans toutes les langues, on peut ajouter des tutoriels… et tout cela est mis à jour en temps réel  », assure Philippe Guguen.

« Sorga permet d’apporter des preuves vérifiables, originales, de rendre accessible toutes les informations à qui le souhaite à n’importe quel moment, tout en limitant l’impact environnemental par un procédé de basse consommation. C’est aussi une solution souveraine numériquement, donc 100% étanche logiciels américains des GAFAM », résume le dirigeant.

Les consommateurs, devenus familiers au geste du scanning, pourraient trouver dans cette approche un nouveau moyen de réassurance dans les produits et marques de cosmétique.

« 70% des consommateurs ont du mal à croire les affirmations des marques sur leur durabilité, 94% pensent qu’elles doivent faire preuve de plus de transparence et 71% seraient même prêts à payer plus cher pour des marques qui fourniraient une traçabilité de leurs produits. Il y a donc un immense enjeu. Si la blockchain arrive à se démocratiser, je pense que c’est l’avenir », conclut Maxime Finaz de Villaine.