Nathalie Pichard, fondatrice de la société toPNotes

Premium Beauty News - À l’heure où les boutiques physiques sont concurrencées par la vente en ligne, quelle place pour les vendeuses et vendeurs ?

Nathalie Pichard - Une place qui reste centrale mais de plus en plus difficile. Aujourd’hui, il y a beaucoup de confusion dans les points de vente. Le marché de la parfumerie est devenu très complexe. Les lancements se sont multipliés sans que la formation suive. De nouveaux concepts ont été lancés, sans qu’ils soient toujours bien expliqués.

Je pense, par exemple, au cas récent d’une marque de parfumerie lancée autour d’un concept vegan : dans les points de vente, le personnel était bien souvent incapable d’expliquer précisément ce que cela signifiait.

Trop souvent, la perception de la marque par les beauty assistants n’est pas anticipée et le sujet n’est soulevé que lorsque les problèmes surviennent. De ce point de vue, la critique des vendeurs est un peu facile. C’est un métier exigeant, où l’on est souvent peu considéré et pas très bien payé et sur lequel les marques investissent relativement peu.

Premium Beauty News - On dit souvent que face à des clientes et clients devenus experts, qui se sont longuement informés sur internet, les vendeurs sont dépassés.

Nathalie Pichard - Là encore c’est une manière de voir trop simpliste. Les conseillers et conseillères de vente s’informent également sur internet. Et toutes les personnes qui entrent dans les points de vente sont loin d’être expertes. Dans tous les cas, un discours précis et bien construit aura un impact et une efficacité incomparable, qui peut compléter et amplifier les actions de marketing digital.

Mais il est vrai qu’un travail important reste à faire. Aujourd’hui, la « conseillère de vente augmentée », équipée d’outils numériques connectés et capable d’apporter une expertise et des expériences supplémentaires, est encore loin d’être une généralité. Là encore, le problème est le manque d’investissement. Je reste convaincue que dans le retail de demain, même ultra connecté, c’est encore l’humain qui fera vendre.

Premium Beauty News - Mais la formation ne peut pas tout ?

Nathalie Pichard - Je ne prétends pas le contraire. La formation est un outil puissant au service des marques, mais elle ne se substitue pas à un bon produit et à un concept solide. Elle permet toutefois de créer un environnement favorable et d’accélérer la performance, notamment en ancrant le discours de la marque dans les esprits. Si la marque ne se vend pas auprès des vendeurs, il y a peu de chance que ces mêmes vendeurs se motivent dans leur relation avec les clients pour leur faire vivre la fameuse « expérience » de la marque. La formation fait partie des armes ultra puissantes et à longue portée, dont on ne mesure pas suffisamment les effets tangibles et les impacts positifs.

Premium Beauty News - Et quels sont les ingrédients indispensables d’une formation réussie ?

Nathalie Pichard - D’abord, elle devra être récurrente. Une formation one-shot ne sert pas à grand-chose. Le métier de vendeur est difficile et comme dans tous les métiers, la lassitude et la routine peuvent parfois prendre le dessus. Il faut sans cesse nourrir les points de vente avec de l’information et de l’émotion liées à la marque. Il faut soutenir les vendeurs, les encourager, les accompagner dans le temps. Il faut des discours pragmatiques et des recettes faciles à utiliser, surtout pour le parfum, ce produit si difficile à vendre.

Premium Beauty News - Un bon produit, bien vendu sur internet, a-t-il vraiment besoin de vendeurs ?

Nathalie Pichard - Probablement pas. Mais on ne crée pas une marque uniquement avec des produits. Un produit bien conçu, bien positionné, peut se vendre très bien et presque tout seul. Dans ce cas, le risque est toujours que la situation échappe à la marque qui s’efface derrière son produit, que son discours ne soit plus diffusé ni ancré dans l’esprit des consommateurs.

Premium Beauty News - Vous avez fêté au mois d’août les 10 ans de toPNotes, votre société de conseil et de formation dédiée au monde du parfum. Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?

Nathalie Pichard - L’aventure a même commencé un peu plus tôt, avec le lancement de la newsletter toPNotes dédiée à la parfumerie il y a 12 ans. Il s’agissait d’un outil de réflexion et d’échanges entre professionnels du parfum. Maintenant publiée tous les trois mois, elle est un outil de liaison et de visibilité pour les acteurs du monde du parfum. C’est aussi un outil de promotion de l’activité de formation et de conseil que j’ai créée il y a dix ans.

Concrètement, nous proposons des supports et ateliers sur mesure destinés aux professionnels de la vente et aux métiers de la parfumerie (marques et fournisseurs). À cela s’ajoute des activités très complémentaires d’écriture marketing et communication pour les marques, notamment dans l’univers digital. Notre expertise englobe le parcours client et l’expérience en boutique, les techniques de vente, la création du cérémonial de marque, etc. Paradoxalement, dans un marché en quête de création et d’innovation, on a parfois trop de prétention et l’on recherche le mouton à cinq pattes… Notre rôle est aussi d’aider les marques à faire simple…

Nos clients sont aussi bien des multinationales que de jeunes marques, en France ou à l’international, qui cherchent à former leurs équipes. Nous avons ainsi récemment travaillé avec un distributeur indien soucieux d’éduquer ses vendeurs à l’univers de la parfumerie de niche, aux techniques de ventes de ces produits.

Notre atout est que nous sommes issus du monde de la parfumerie, nous avons une expérience métier incontournable là où l’on trouve beaucoup d’acteurs généralistes. Nos clients sont presque tous dans l’industrie du parfum, même s’il est vrai que certaines de nos méthodes pourraient être dupliquées dans d’autres catégories.

Fragrance Innovation Summit

Nathalie Pichard interviendra dans le cadre du prochain Fragrance Innovation Summit, qui se tiendra à Paris le 7 novembre 2019.

Programme et inscription : Fragrance Innovation Summit 2019