Des brevets par milliers

« Le mascara est un domaine d’intense innovation, » annonce d’emblée Jean-Louis Mathiez, président de Cinqpats, société spécialisée en innovation packaging. Pour Jean Louis Mathiez, qui s’intéresse au marché du mascara depuis 1983, le nombre de brevets associés à la conception d’un mascara est tout simplement étourdissant. « Au niveau de la propriété intellectuelle, le terrain est miné ce qui rend le métier complexe mais aussi très intéressant,  » confirme Aurélie Émond, responsable marketing créatif et innovation chez Albéa.

En France, la société L’Oréal avec pas moins de 300 brevets sur ce produit, dont 1/3 provenant de l’inventeur Jean-Louis Guéret, fait figure de principal déposant dans ce domaine. Mais le géant français des cosmétiques est loin d’être seul actif sur ce marché, on recense en effet plus de 2500 brevets au niveau mondial, que ce soit sur le conditionnement, la formule ou encore sur de nouveaux modes, tous plus originaux les uns que les autres, pour appliquer du mascara. Toutes les idées ne se sont pas traduites en produit, tout du moins pas encore. « On trouve des brevets sur l’utilisation des pack airless pour le mascara, à ce jour non commercialisés mais répondant au souhait de protection maximale des formules fragiles, » explique Jean-Louis Mathiez. Même des sociétés extérieures à l’univers de la cosmétique déposent parfois des brevets sur ce produit. « Moulinex est à l’origine d’un brevet déposé en 1976 pour un mascara tournant et à ressort. Actuellement les leaders de l’électronique comme Sansung ou Matsushita s’y sont mis, avec des brevets sur des systèmes vibrants, chauffants ou tournants,  » ajoute-t-il.

La concurrence est grande et les fenêtres d’innovation étroites mais suffisantes pour continuer à voir sur le marché des nouveautés. « Les brevets concurrents ne sont pas forcément un frein à l’innovation, des idées peuvent en émerger, » témoigne Jean-Louis Mathiez. Et il est vrai que les chercheurs ne manquent pas d’idées pour proposer des produits qui savent séduire les clientes.

Fibres ou matières injectées ?

Les lancements réalisés depuis le début des années 2000 permettent de dégager quelques grandes tendances concernant les matériaux utilisés pour les brosses.

« En 2000, L’Oréal a proposé des brosses fibres retravaillées avec des traitements et des coupes de filaments spéciaux. Ce fut un succès et le groupe s’est emparé de plus de 50% des parts de marché. Coty, de son côté, a riposté en lançant un mascara sous forme de stylo avec un applicateur peigne sous la marque Rimmel avec à la clef +16% de parts de marché. En 2002-2003, pour sortir des brevets déposés par différents acteurs, notamment L’Oréal, sur les brosses fibres, il y a l’apparition des brosses injectées en plastique élastomère. En 2005-2006, c’est la vague des mascaras doubles avec la possibilité d’avoir deux effets avec un même produit : du volume et de la séparation, du soin et de la couleur … À partir de 2008, c’est la montée des mascaras devices, tels que les mascaras vibrants, lancés par Lancôme (Oscillation) et Estée Lauder (Turbo Lash), puis des tournants, ) suivis par les mascaras tournants de Bourjois et de Dior… Plusieurs marques ont même développé des mascaras chauffants (brevets publiés) mais ne les ont pas à ce jour mis sur le marché... Et aujourd’hui on revient à l’essentiel, une simplification des produits et la recherche des valeurs fortes pour la consommatrice, la facilité d’application et l’effet volume,  » se remémore Jean-Louis Mathiez.

En 2012, la part des brosses de mascaras fibres et celle des brosses injectées est équivalente. De plus, certains brevets de brosses à base de fibres étant tombés dans le domaine public, le champ des applications sur ce segment s’ouvre de nouveau.

Effet volume et ingrédients actifs

Les lancements 2012 mettent énormément l’accent sur le volume, mais aussi sur les effets actifs des mascaras.

Un volume multiplié par 8 avec des revendications maximisées pour le mascara Volume Glamour chez Bourjois qui présente une maxi brosse, un maxi pack, une maxi formule, une maxi précision, un maxi black et des actifs activateur de volume. Mega Volume Collagène de L’Oréal enrichi en biosphères de collagène et équipée d’une brosse géante brevetée promet, lui aussi, un volume démesuré et une efficacité sur 24h. Mais ils ne sont pas les seuls à surfer sur cette tendance. On trouve de même Volume Accelerator de Rimmel avec une brosse dotée de picots insérés de telle façon qu’ils gainent les cils. Volum’express, The Colossal Cat Eyes chez Gemey-maybelline est doté d’une brosse en forme de queue de chat recourbée permettant de déposer la matière jusqu’au coin externe de l’œil et assurant ainsi un résultat total. Le Mascara Volume Curl & Shock chez Biguine avec sa brosse incurvée exclusive promet « d’assurer un rendu qui mettra KO les plus perplexes ».

« L’effet volume présente de façon incontestable la plus grande demande, » témoigne Pauline Starck, Make-Up Business Developer chez IL Cosmetics. Mais selon Aurélie Émond d’Albéa : « D’un pays à l’autre, d’une marque à l’autre, le résultat maquillage demandé et associé au terme volume n’est pas toujours le même. Aux États-Unis, le volume est associé à un résultat maquillage très souligné, des cils chargés en produit alors qu’en Europe le volume sera plus défini avec des cils démultipliés ».

Les sous-traitants ciblent le volume

Tous les sous-traitants actifs dans le domaine du mascara travaillent cette thématique. Geka a lancé au printemps 2012 une collection King Size Collection for Eyes avec trois typologies de brosses : Super LASH™ avec une très forte densité de fibres de polyamide et un diamètre important, lashSEDUCTION™ présentant de larges espacements entre des bouquets de fibres pour un effet réservoir maximal et flirtaciousEYES™ combinant des coupes spéciales et des fibres innovantes. Albéa de son côté s’est distingué fin 2011 en lançant deux références en élastomère plus courtes que les brosses classiques, Nano Hollow™ et Nano Disco™ et ayant un réservoir au milieu afin de piéger d’avantage de formule et assurer une application généreuse. . Depuis, cette technologie de brosse injectée creuse a été déclinée avec 3 nouvelles brosses, Venice™, Corset™ et Dolce Vita™ permettant en plus d’avoir du volume d’avoir soit de la définition, soit de la longueur, soit du courbant. Mais ils ne sont pas les seuls et tous que ce soit Mascara Plus, Ancorotti, Brivaplast, Luxcos IL Cosmetics s’accordent pour dire que le volume est une demande récurrente et que la synergie entre la brosse et la formule est essentielle pour atteindre les effets désirés.