Un salon de niche pour des parfums de niche

C’était une bonne idée ! C’est évidemment ce que se disent aujourd’hui les organisateurs d’Esxence, qui vient de tenir sa deuxième édition à Milan. Pour les exposants présents, il n’y a vraiment pas de comparaison par rapport au hall dédié que proposait Cosmoprof Bologne, la section dite Masterpieces. « Nous avons à faire à de vrais professionnels pendant ces quatre jours, le tout dans une atmosphère très conviviale et bien mieux adapté à notre marché ».

Esxence, 25-28 mars 2010, Milan

Un marché bien difficile à cerner. Les organisateurs d’Esxence préfèrent d’ailleurs parler de «  parfumerie d’art », un concept qui combine la qualité et l’originalité des produits avec le soin particulier accordé à la distribution. Une parfumerie de caractère qui contraste avec la production de masse touchée de plein fouet par la crise et que les professionnels présents sur le salon estiment surtout frappée « par une vraie crise d’identité ».

« Sortir un nouveau parfum comme on sort une marque de lessive ne peut pas contribuer à assainir la situation », expliquent-ils.

Des résultats à la clef

Alors les marques de parfum de niches réussissent-elles là où les autres sont à la peine ? «  Des petites marques qui marchent, il y en a beaucoup plus qu’on ne pense », explique Sylvie Dumontier de Parfums L.T. Piver. «  À commencer par la nôtre ! ». L.T. Piver pèse aujourd’hui 7 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec 40 personnes, une usine à Chartres, une présence dans 150 points de vente en Italie, 45 parfumeries en France et 150 salons de beauté. « Et nous venons de commencer à attaquer le marché américain », ajoute Sylvie Dumontier.

Même enthousiasme de la part de Bashar Nasri, Président de France Excellence et propriétaire de la marque Maison Dorin. Un parcours étonnant et passionnant qui commence en 1998 avec le rachat de cette marque.

« La Maison Dorin est née dans cette dernière période de l’Ancien Régime où l’Art et la Beauté eurent tous les honneurs », explique Bashar Nasri.

La Maison Dorin est une des plus anciennes héritières de la tradition de la parfumerie française consacrée par le choix de l’aristocratie. Dès 1780, elle était devenue fournisseur de la Cour. Par la suite, son histoire se calque en grande partie avec celle du rayonnement international de la France. Les expositions de Paris en 1839, 1855, 1867, et 1889 ayant ouvert l’étranger aux fabrications de luxe françaises, la Maison Dorin conquit une place prépondérante parmi les exportateurs en Angleterre, Russie, Espagne, dans les deux Amériques, et dans le monde entier.

Excellence française, goût italien

Car c’est aussi un paradoxe, dans ce salon milanais entièrement voué au culte de l’art du parfum et sans équivalent en France, plus de la moitié des stands était louée par des marques françaises. Rien d’étonnant compte tenu de la tradition d’excellence française en la matière. Pourtant, ces marques de niches, ou de parfumerie d’art, ont du mal à se faire une place sur le marché français !

L’explication semble d’abord résider dans le système de distribution. Alors qu’en France les parfumeries indépendantes ont été massivement absorbées par les chaînes spécialisées - les Séphora, Marionnaud et autres Beauty Success - elles ont bien mieux résisté en Italie. L’Italie compte ainsi quasiment deux fois plus de points de vente spécialisés que la France. Et pour ne pas subir le même sort que leurs confrères transalpins, les détaillants indépendants italiens investissent massivement dans la qualité et la différentiation. Et puis la France représente encore 41% des importations totales de parfums et cosmétiques en Italie.

Esxence, 25-28 mars 2010, Milan

Rien d’étonnant finalement, à ce que certaines des meilleures réussites françaises se donnent rendez-vous dans ce salon, fait pour eux et leurs fournisseurs. À l’image de Marie Huet, une passionnée qui en mars 2007 a pris en charge les destinées des Parfums d’Orsay, une très ancienne maison de parfum à laquelle elle décide de redonner ses lettres de noblesse. «  Le Chevalier d’Orsay, explique-t-elle, est né en 1801 d’un père général d’Empire et d’une mère baronne. En 1908, la Compagnie Française des Parfums d’Orsay est créée. Plus de 5 millions de flacons sont vendus en 1931 ».

À l’image également des Parfums Nicolaï, dont l’histoire est beaucoup plus récente. Patricia de Nicolaï et son mari Jean-Louis Michau ont lancé ensemble en 1989 cette marque de parfums, en reprenant un concept simple et fort, issu d’un long historique familial : «  un parfumeur libre de son style de création, pour des parfums de très haute qualité, sans contrainte de marketing ».

Un double objectif : Patricia de Nicolaï avait l’expérience du travail au sein d’une des meilleures équipes de création en parfumerie, et voulait poursuivre son travail de manière plus indépendante et plus libre. Jean-Louis Michau, consultant en organisation et chercheur en économie, souhaitait aussi se fixer un nouveau challenge.

La marque dispose aujourd’hui d’un atelier de conditionnement situé à La ferté Saint Aubin, près d’Orléans, dans la Cosmetic Valley française. D’une surface de 2.000m2 couverts, la capacité de production permet de répondre rapidement aux demandes.

Nicolaï dispose d’une des plus riches collections de la parfumerie contemporaine : 12 parfums féminins, 6 parfums masculins, 5 eaux de Cologne, 4 eaux fraîches. De toutes ces créations, un style personnel se dégage, avec une prédilection pour les fleurs blanches et les notes ambrées.

La maison s’est aussi fortement développée dans la création de parfums d’ambiance, avec aujourd’hui déclinées en bougie, en vaporisateurs, et en parfum pour lampe. Depuis 2006, toutes les lampes à parfum ont été regroupées sous la marque La Maison du Parfumeur.

Avec quatre boutique en propre en France (la dernière étant située au Palais Royal à Paris) et plus de 700 points de vente à travers le monde, la marque dispose dorénavant de la base nécessaire pour envisager un développement à plus grande échelle, tout en conservant une grande sélectivité.