Stéphanie Briançon, CNRS

Premium Beauty News - Vos champs d’études intéressent particulièrement l’industrie cosmétique.

Stéphanie Briançon - Le moyen de délivrance des principes actifs est un sujet de grand intérêt. Atteindre la cible désirée et s’assurer de l’efficacité du produit administré : cela concerne non seulement l’industrie cosmétique mais aussi la pharmacie, la médicine dans le cadre des thérapies anti cancéreuses, le domaine vétérinaire pour des applications topiques.

Nous travaillons sur les liposomes qui, certes, sont des systèmes assez anciens puisque le premier brevet date de 1964, mais sont toujours d’actualité car universels et efficaces. Nos recherches portent sur leur fabrication et leur stabilisation en limitant l’emploi de solvants et en utilisant des matériaux biocompatibles. Les utilisations sont notamment l’encapsulation d’anticancéreux ou le développement de formes hydratantes pour la voie ophtalmique.

Nous nous intéressons aussi aux nanoparticules fabriquées à partir de polymères biodégradables de type polyesters (caprolactones, acides polylactiques), des polysaccharides et des lipides à base de mélanges de triglycérides. Les tailles de particules que l’on vise sont comprises entre 200 et 400nm. On les emploie dans le domaine du parfum pour encapsuler la fragrance et l’incorporer dans diverses formulations.

Nous travaillons aussi en collaboration avec des dermatologues pour utiliser les nanoparticules comme vecteurs dans des tests de diagnostic immunobiologique de l’allergie de contact aux parfums. L’un de nos objectifs de recherche sur ces méthodes particulières de formulation est de diminuer le potentiel inflammatoire des molécules.

Premium Beauty News - Lors des congrès scientifiques, on remarque une multiplication des communications au sujet des émulsions de Pickering. Votre laboratoire travaille cette thématique, va-t-on voir apparaître sur le marché des produits formulés ainsi ?

Stéphanie Briançon - Depuis 2006, nous avons un élève doctorant en continu sur ce sujet qui en effet intéresse de plus en plus la communauté scientifique. Les émulsions de Pickering formulées sans tensio-actifs mais avec des particules solides à l’interface entre l’huile et l’eau ont des comportements particuliers. Nous avons observé avec des particules de silice des modulations de passage hydrophile ou lipophile des actifs dans le stratum corneum [1] [2]. Ceci est très intéressant pour augmenter la pénétration d’un actif ou pour diminuer le passage transcutané pour des molécules irritantes telles que les filtres chimiques. Nous avions présenté à l’IFSCC 2012 des résultats sur la caféine et sur le rétinol [3]. Nous investiguons à partir de particules minérales telles que la silice mais aussi des particules polymériques où nous cherchons à générer dans une même étape les nanoparticules et l’émulsion de Pickering. Ce type d’émulsion reste pour nous un modèle d’étude intéressant par le fait que leur interface n’est pas complètement solide. Commercialement, elles sont encore peu développées car elles ont l’inconvénient de ne pas avoir de très bons touchers, au moins pour celles à base de particules minérales.

Premium Beauty News - La décontamination de la peau est un autre sujet d’intérêt pour votre laboratoire. Décontamination de la peau et dépollution de la peau, peut-on envisager des passerelles entre ces deux thématiques ?

Stéphanie Briançon - Il est encore un peu tôt pour émettre des hypothèses. Nous sommes au début de nos travaux avec une partie importante liée à la mise en place d’une méthodologie et la recherche de moyens de dosage des ions chimiques au niveau de la peau. Nous collaborons avec la DGA sur les molécules organophosphorées [4] [5] et le CEA sur les radios éléments. Nous sommes au stade de compréhension : comment les ions pénètrent dans la peau et sont stockés dans une couche cutanée, avec quelles cinétiques ? Comment peut-on doser la décontamination des molécules ou des ions ? Nous utilisons des techniques de spectroscopie atomique ou de chromatographie ionique.

Premium Beauty News - Comment voyez-vous le futur de la formulation ?

Stéphanie Briançon - L’avenir va beaucoup dépendre du développement des méthodes d’analyse et de caractérisation de l’efficacité des produits en relation avec leurs propriétés physicochimiques. Ces méthodes peuvent combiner des informations d’origine chimiques, biochimiques ou mécaniques.

Nous avons la chance à Lyon d’avoir la plateforme IVTV. Une visite du laboratoire est proposée lors de la journée post IFSCC organisée le 30 octobre 2014 par le Centre européen de dermocosmétologie (CED), dont nous sommes partenaires et qui rassemble en un même lieu des outils de haute technologie et des experts de différents domaines, de la biologie à la mécanique. Nous avons beaucoup à apprendre des autres. Les échanges sont indispensables tout comme les partenariats avec les industriels et les universités étrangères. Sur Lyon, le CED, dont nous sommes membre, regroupe de nombreux acteurs avec qui nous sommes en contact.