Sur le marché hyper concurrentiel de la beauté, la première clé pour durer réside dans la validité du produit ou du service proposé. Une évidence qui doit être validée par population avertie et hyper-connectée. « Le premier tri se fait assez rapidement sur cette question. La réalité du produit versus la promesse de la marque est essentielle. On ne peut pas faire illusion longtemps dans un univers exacerbé par les influenceurs et les réseaux sociaux », note Maxime Garcia-Janin, créateur de Sillages Paris, la première Maison de Haute Parfumerie personnalisable en ligne.

L’adéquation du produit à sa cible potentielle passe aussi par le choix d’une distribution pertinente. « Souvent les entrepreneurs sont concentrés sur leur produit qu’ils veulent parfait, alors qu’il faut d’abord trouver son circuit de distribution pour proposer l’offre la plus adaptée possible », explique Laure Bouguen, fondatrice de la marque Ho Karan, une gamme naturelle, végane et made in France dont l’ingrédient phare est le cannabis. « Nous avions prévu au départ d’être distribués en pharmacie et en réseau bio, or c’est au moment où l’on a trouvé notre place dans le sélectif que l’on a pu se développer, mais en réadaptant le produit pour correspondre aux critères de ce circuit », ajoute-t-elle. Après une première version destinée aux hommes lancée en 2016, la marque a été refondue pour devenir mixte avec de nouvelles formules et de nouveaux packaging.

L’étape clé de la levée de fonds

Une fois l’élan pris, la jeune marque peut se trouver confrontée aux revers de son succès. Pour ne pas décevoir une clientèle naissante, elle se doit de pouvoir répondre à ses attentes par un développement plus structuré. « Le facteur limitant pour toutes les jeunes marques est la trésorerie. C’est difficile d’anticiper la gestion des stocks et l’avance de frais sur production », explique Marie Drago, créatrice de la marque Gallinée, une gamme de soins équilibrants du microbiome cutané, qui surfe après trois ans d’existence sur une croissance à trois chiffres. « Les distributeurs paient tardivement après la livraison des produits, qui sont eux déjà payés au fabriquant. Cela créé un important besoin en fond de roulement », poursuit-elle. À ces contraintes de gestion de production et de trésorerie, viennent s’ajouter de nouveaux besoins en logistique, en marketing ou encore en communication, avec la nécessité d’une équipe plus conséquente. Pour accompagner ces étapes, Marie Drago a fait le choix d’intégrer un actionnaire minoritaire à son capital, Unilever Venture.

« C’est vrai que j’ai dû céder une partie minime des parts mais cela me rapporte bien plus qu’un financement. Cela m’apporte aussi des conseils, des ouvertures vers d’autres distributeurs, un soutien d’experts », assure l’entrepreneuse.

Rapidement après sa création, Sillages Paris a également opéré une levée de fonds. « La marque a été lancée en novembre 2017 et en novembre 2018 nous faisions entrer L’Oréal au capital avec un investissement minoritaire, qui permettait de conserver notre totale indépendance. C’est la première fois que le groupe investissait dans une startup, qu’il jugeait répondre à l’évolution du parfum sur le digital. Il ne s’agit pas seulement de ressources financières, nous avons accès à des mentors qui nous aident d’un point de vue logistique, règlementaire, retail, sur l’optimisation de la présence en ligne… C’est vraiment un partenariat win win », assure Maxime Garcia Janin. Sillages Paris ouvrira le mois prochain son premier point de vente en propre.

Actuellement en recherche de financement pour structurer son équipe et se développer à l’international, Marine Chevalier, co-fondatrice de My Beauty Community doit faire face au succès de son application. Celle ci, destinée à guider les utilisateurs sur le choix de produits cosmétiques à partir d’avis partagés par une communauté sur mesure, va bientôt fêter ses trois ans et compte déjà plus de 50 000 abonnés. « Nous sommes toujours les premiers acteurs sur le marché à donner la parole aux consommateurs de cette manière, ce qui nous confère un statut reconnu de référence sur la data avec un réservoir d’insight exceptionnel. Nous recherchons des fonds pour maintenir cette avance, c’est crucial. Mais la clé de notre succès repose sur notre indépendance vis à vis des marques, elles ne peuvent donc pas entrer au capital. À nous de trouver des personnes qui comprennent ce que l’on fait, tout en étant impartiales », précise-t-elle.

En appui de ces différentes démarches, Marine Chevalier souligne l’importance du réseau d’experts ou d’autres startups, qui se construit le plus souvent par le biais d’incubateurs, qu’ils soient directement liés à l’univers cosmétique ou pas. « C’est important de passer du temps pour échanger avec d’autres startups. Ce n’est pas une perte de temps, au contraire, mais de l’entraide ! ».

Savoir gérer sa croissance

La nécessité de fonds supplémentaires à un moment clé de son développement s’inscrit dans l’obligation de rester dans la course d’un marché ultra rapide et concurrentiel. Pour autant, savoir rester maitre de sa progression sans céder à une frénésie de croissance fait partie de l’enjeu. « Nous avons tendance à oublier que l’hypercroissance est aussi dangereuse que la sous-croissance », note Maxime Garcia Janin.

C’est aussi le discours de Juliette Munoz, co-fondatrice avec sa sœur de la marque La Canopée, gamme de soins 100% d’origine naturelle, végane et made in France. « Nous avons démarré avec notre site internet qui a tout de suite très bien marché. Aujourd’hui, beaucoup de e-shops proposent la Canopée en ligne et nous sommes présents dans 90 points de vente en France et Europe et bientôt en Thaïlande. La difficulté est d’essayer de mettre un pas devant l’autre sans se précipiter, gérer cette croissance de façon à grandir sainement », déclare la fondatrice.

Après trois années de recherche et développement, le tandem a développé sa gamme sur le principe d’une fabrication « maison ». Un fonctionnement souhaité qui lui confère une grande flexibilité et une certaine indépendance face aux problématiques de gestion de trésorerie. « Nous maitrisons toute la chaine, du sourcing à la distribution. Donc pas de contraintes par rapport à des fabricants et d’argent à avancer. Cela nous aide à maitriser les choses », assure-t-elle. Le défi réside plutôt pour elle cette année dans l’abord de nouveaux marchés du grand export. « Comprendre comment cela fonctionne au niveau règlementaire pour chaque pays, se lancer à la rencontre de pays que l’on ne connaît pas  ».

Valider un concept porteur et différenciant, être proche de ses clients et le rester, bien choisir sa distribution, savoir s’entourer d’experts, partager ses expériences, intégrer un soutien financier tout en gardant son libre arbitre, intégrer sa chaine de fabrication, prendre du recul, ne pas se couper des tendances du marché, de sa base … quelques-unes des clés du succès pour durer !