Qu’entend-on au juste par marketplace ?

Les marketplaces font partie des « plateformes numériques » et désignent habituellement les plateformes mettant en relation des vendeurs et des acheteurs en vue de la vente d‘un produit. À ce titre, les marketplaces présentent une formidable opportunité pour les vendeurs, d’accéder à de nouvelles clientèles.

Ces plateformes ne doivent pas être confondues avec les sites de e-commerce multimarques qui n’agissent pas comme intermédiaires mais sont eux-mêmes vendeurs des produits proposés. À l’instar d’Amazon, certains sites font les deux, c’est le cas notamment de Go Ethnyk ou encore de Feelunique, qui proposent à la fois de la distribution de cosmétiques et de la mise en relation entre marques et acheteurs.

La distinction entre les modèles est-elle si importante ? Oui assurément, car les régimes de responsabilité associés ne sont pas du tout les mêmes, et les conséquences de cette qualification, si l’on prend le seul exemple de la conformité des produits, sont loin d’être anodines en pratique, tant pour les opérateurs que pour les consommateurs.

Le régime juridique spécifique des marketplaces

En effet, si les marketplaces sont soumises à un certain nombre d’obligations propres à leur activité de plateformes en ligne (notamment en termes de transparence et de loyauté), elles n’opèrent pas comme des vendeurs et bénéficient en tant qu’intermédiaires, d’un régime de responsabilité limitée excluant leur responsabilité (civile ou pénale) en cas de vente sur leur plateforme de produits non conformes à la réglementation [1].

Mais ce régime de responsabilité limitée, qui leur permet également de ne pas être soumis à une obligation générale de surveillance des contenus accessibles sur leurs plateformes, est soumis à conditions. Il implique notamment qu’elles n’aient pas connaissance du caractère illicite des produits et qu’une fois averties du caractère illicite d’un produit, elles le retirent sans délai de leur plateforme. Surtout, ce régime est associé à leur qualité de simple « hébergeur », qui ne fait que stocker passivement et mettre à disposition du public les offres des vendeurs, sans avoir de « rôle actif » dans la vente ni aucun contrôle sur les produits. A défaut, elles sont considérées comme des « éditeurs » et peuvent faire l’objet de poursuites civiles ou pénales en cas de vente, par un utilisateur de leur plateforme, d’un produit illicite.

L’enjeu autour du rôle concret de la marketplace est donc de taille et les décisions de justice se succèdent à propos des plus importantes d’entre elles (Ebay, Alibaba ou encore Cdiscount) pour dessiner les contours du cadre à ne pas dépasser afin de ne pas tomber du côté obscur de la plateforme...

Côté consommateur, l’enjeu de la sécurité des produits

Le constat s’est imposé déjà depuis longtemps : les contrôles des autorités (notamment la DGCCRF en France) sur les places de marché révèlent des taux très élevés de non-conformité - voire de dangerosité - des produits, et 2020 n’a fait que renforcer la tendance. Dans ce contexte, les cosmétiques font régulièrement partie des produits présentant les plus forts taux de non-conformité.

De fait, les grandes marketplaces offrent à de très nombreux vendeurs situés hors de l’Union européenne, un accès direct au marché européen. Mais pour ces vendeurs, le respect de la règlementation européenne, particulièrement stricte, n‘apparait pas nécessairement comme une priorité. On trouve donc sur ces plateformes toute une série de produits ne répondant pas aux mêmes standards que les produits européens (notamment en ce qui concerne la composition, les allégations ou encore la désignation d’une Personne Responsable basée en Europe), dont certains sont dangereux pour les consommateurs.

Mais pour que les autorités puissent agir, encore faut-il qu’elles puissent accéder aux vendeurs. Or, bien que l’indication des coordonnées de ces vendeurs soit obligatoire sur les marketplaces, bien souvent elles ne permettent pas aux autorités nationales de prendre contact avec les vendeurs en infraction, établis à l’autre bout du monde (et dans des pays pas toujours enclins à coopérer avec les autorités européennes).

Un équilibre difficile à trouver

Pour les autorités, le défi est immense : leur seul interlocuteur reste souvent les marketplaces qui n’ont en principe qu’une responsabilité limitée face à ces non-conformités et, quand bien même elles se conforment à leurs obligations de retirer de la vente tout produit signalé comme non conforme, le nombre de produits en vente est tel que les ressources des autorités ne peuvent suffire à contrôler le marché.

Les relations oscillent donc entre bras-de-fer et coopération et, malgré les annonces provenant tant de Bruxelles que de Paris sur de nouvelles règlementations toujours plus contraignantes, l’équilibre est difficile à trouver entre une responsabilité des plateformes qui ne peut aller trop loin sous peine de condamner le système, et la nécessité de protéger les intérêts et la santé des consommateurs européens.

En tout état de cause, la prudence est de mise pour tout opérateur (actuel ou futur) de marketplace, afin de bien définir son rôle et ses interventions dans la relation vendeur-acheteur. Et l’on ne peut que lui recommander d’être bien accompagné, car au-delà du sujet de la sécurité des produits, de nombreuses autres contraintes règlementaires ne manqueront pas de venir impacter directement ce modèle, à l’image des nouvelles règles sur la fiscalité ou encore de celles relative à l’économie circulaire résultant de la loi AGEC [2].