Après avoir séduit les marchés asiatiques et répandu leurs innovations (BB creams, CC creams, cushions…) dans le monde en entier, les marques sud-coréennes de cosmétiques tentent désormais de gagner le cœur des consommatrices européennes, en s’appuyant notamment sur leur savoir-faire en matière d’ingrédients naturels orientaux (thé vert, racine de ginseng et même bave d’escargot).

Les grandes innovations cosmétiques made in Seoul ont déjà été reprises par nombre de grandes marques occidentales. - Photo : © imtmphoto / IStock.com

En première ligne, le groupe Amore Pacific, le numéro un des cosmétiques en Corée, qui a lancé à l’automne dernier sa marque de soins haut de gamme Sulwhasoo en Europe avec une distribution exclusive aux Galeries Lafayette en France, avant un démarrage au Royaume-Uni en 2019, année du lancement européen d’une autre de ses marques phare, Laneige. Encore mal connu en Europe, Amore Pacific a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 4,5 milliards d’euros l’an dernier. Mais il dépend étroitement de son marché intérieur (65,3% des ventes de sa principale filiale Amore Pacific Corporation) et reste un poids plume hors Asie, avec à peine 67 millions d’euros de ventes combinées en Europe et Amérique du Nord l’an dernier.

« Le but du groupe aujourd’hui, c’est d’élargir sa présence géographique hors Asie », rappelle à l’AFP Thierry Maman, ancien cadre de LVMH devenu en 2015 patron d’Amore Pacific Europe.

« Besoin de pédagogie »

En Asie, les marques sud-coréennes du secteur s’appuient depuis longtemps sur le succès de la "Hallyu", la vague culturelle coréenne, en s’appuyant notamment sur les vedettes de la "K-pop" (la musique pop coréenne). Mais en Europe, l’écho de la Hallyu est faible, voire contre-productif pour la crédibilité des cosmétiques sud-coréens auprès d’une audience plus large, estime Laura Koeppler, responsable associée de la boutique en ligne Korean Smooch, qui distribue en Europe des cosmétiques "made in Seoul" avant-gardistes. Selon elle, les marques sud-coréennes qui ont d’abord été introduites en Europe surfaient sur l’engouement pour les produits kawaï (mignon en japonais), « comme TonyMoly ou Skin79, qui fait par exemple des masques faciaux en forme de panda... Les consommateurs se sont dits que c’est ça, la Corée du Sud ».

Or, « il y a un vrai savoir-faire » dans la K-Beauty, qui a changé la donne il y a une quinzaine d’années en inventant les BB creams, ces baumes teintés pour camoufler des rougeurs, réparer et apaiser la peau. Puis sont venues les CC creams (correcteurs de teint) et les cushions, des crèmes imbibées dans des coussins alliant soins de la peau et maquillage, rappelle Mme Koeppler, interrogée par l’AFP. Les Sud-Coréens excellent aussi dans l’art de marier des ingrédients naturels puisés dans la médecine orientale avec des composants cosmétiques de haute technologie, juge-t-elle encore.

Mais pour convaincre en Occident, «  il y a un besoin de pédagogie » autour de la cosmétique coréenne, en raison de ses routines de soins différentes, estime Thierry Maman.

Les grandes innovations cosmétiques made in Seoul ont souvent été reprises par nombre de grandes marques occidentales. Certaines n’hésitant pas à racheter des entreprises locales, perçues « comme un moyen rapide et efficace pour capter les marchés chinois et asiatiques émergents », note Sunny Um, analyste du secteur de la beauté en Asie chez Euromonitor.

En septembre dernier, le géant néerlandais Unilever a notamment acquis le fabricant sud-coréen de cosmétiques Carver pour plus de 2,2 milliards d’euros. En 2016 LVMH a investi dans CLIO Cosmetics, l’américain Estée Lauder a pris en 2015 des parts minoritaires dans Dr. Jart+ et DTRT, tandis que la marque franco-coréenne Erborian se développe depuis 2012 dans le giron de L’Occitane.