Le signalement de quatre cas d’insuffisance rénale aiguë faisant suite à l’application de produits dits « lissages brésiliens » contenant de l’acide glyoxylique, on conduit les autorités françaises — l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la Direction générale de la santé (DGS) — à déconseiller leur utilisation, « par précaution ».
Quatre cas déclarés
Les cas signalés concernent des personnes âgées de 28 à 42 ans. Hospitalisées, ces quatre personnes, intoxiquées entre janvier et août 2024, « ont guéri suite à un traitement », précise l’ANSES, qui indique avoir lancé une expertise sur la toxicité rénale, en application capillaire, de l’acide glyoxylique, qui ne fait à ce jour par l’objet d’aucune restriction d’utilisation dans la réglementation européenne des cosmétiques. L’acide glyoxylique est souvent utilisé en substitution au formaldéhyde, classé cancérigène depuis 2013. Il permet notamment le frisage ou le défrisage des cheveux.
Ces quatre cas sont survenus après application de produits lissants dans un salon de coiffure.
Lorsque l’acide glyoxylique « passe dans le sang par le cuir chevelu », il peut « se transformer en cristaux d’oxalate » de calcium, qui vont causer des dommages rénaux, a expliqué à l’AFP le Dr Juliette Bloch, directrice des alertes et des vigilances sanitaires à l’ANSES.
« Il est très probable que d’autres cas soient passés sous les radars : parfois, la personne va aller boire et les cristaux vont s’éliminer, cela passera donc inaperçu. Et même s’il y a eu des insuffisances rénales diagnostiquées dans les heures qui suivent, la personne peut ne pas faire le lien », a-t-elle poursuivi. « L’intérêt de notre alerte est que les gens y pensent ».
Il est donc recommandé aux salons de coiffure et aux particuliers de ne pas utiliser ces produits et aux commerces de produits cosmétiques de ne pas les vendre, en attendant les conclusions de l’expertise de l’ANSES fin 2024.
En cas de signes d’insuffisance rénale - douleurs abdominales ou lombaires, nausées et/ou vomissements - quelques heures après application d’un produit capillaire contenant de l’acide glyoxylique, il faut « consulter rapidement un médecin ou appeler un centre antipoison » en mentionnant cette utilisation, prévient l’ANSES.
Évaluation scientifique
« Une vingtaine de cas ont été rapportés en Israël ces dernières années, la même chose que ce qui a été observé en France », a indiqué Sandrine Charles, cheffe de projet produits cosmétiques à l’Anses, « et un en Suisse ».
En juin, l’Académie de médecine a recommandé, au vu d’articles scientifiques, de « diffuser des messages d’alerte et d’information auprès des professionnels de santé, des salons de coiffure et des commerces de produits cosmétiques ». Insistant sur « un risque sanitaire qui pourrait être sous-estimé, car méconnu », elle soulignait « l’importance de ne pas réaliser de lissage des cheveux en cas de lésions du cuir chevelu, ce qui augmente la pénétration de l’acide glyoxylique ».
Mercredi 16 octobre, la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA), le syndicat professionnel représentant les fabricants de produits cosmétiques en France, a indiqué que malgré ces « suspicions concernant la toxicité concernant la l’acide glyoxylique », « les éléments actuels ne permettent pas de tirer de conclusions définitives et conduisent à rappeler de suivre les instructions d’utilisation et précautions d’emploi ».
Selon la FEBEA, il est important de n’appliquer ces produits que sur un cuir chevelu sain, c’est à dire sans lésion et de faire appel aux services d’un professionnel de la coiffure formé à l’application de ces produits.
De son côté, le groupe L’Oréal, sollicité par l’AFP, a affirmé ne pas « ajoute(r) d’acide glyoxylique en tant qu’ingrédient dans aucun de ses produits, sur aucun marché dans le monde ».
Selon ses conclusions, l’expertise engagée par l’ANSES pourra conduire la France à proposer une évolution des dispositions réglementaires européennes encadrant les produits cosmétiques.