Jean-François Nicolas

Premium Beauty News - Quels sont vos axes de recherche ?

Jean-François Nicolas - Nos activités et recherches s’intéressent non seulement à la physiopathologie des maladies allergiques cutanées telles que l’eczéma, le psoriasis, la dermatite atopique de contact mais aussi aux allergies médicamenteuses. Nous travaillons sur la compréhension des mécanismes cellulaires engagés, nous développons des outils de diagnostique et de prédiction et nous proposons de nouvelles stratégies thérapeutiques. Nous avons des modèles cellulaires et animaux relatifs à l’eczéma allergique de contact, aux dermatites atopiques qui nous permettent de définir les molécules et les cellules responsables de l’inflammation et celles qui pourraient être des cibles de traitement.

Nos équipes sont organisées autour de trois structures, deux services cliniques de l’hôpital universitaire de Lyon à savoir le service d’allergologie et d’immunologie clinique dirigé par Frédéric Bérard et l’unité de recherche clinique sur les diagnostiques, les traitements et les tests de médicaments sous la responsabilité de Catherine Goujon et l’équipe de l’unité INSERM 851 [1]. Nos travaux sont orientés bien évidemment vers le milieu médical mais nous collaborons depuis de nombreuses années avec l’industrie cosmétique et dermocosmétique. Lyon est un pôle d’expertise reconnu en biologie de la peau, et le Centre européen de dermocosmétologie (CED) en fait partie.

Premium Beauty News - Quels travaux avez-vous conduits pour l’industrie cosmétique ?

Jean-François Nicolas - Par notre connaissance de l’immunisation et du développement des allergies de contact, nous intéressons l’industrie cosmétique avec laquelle nous travaillons depuis plus de vingt ans. Par ailleurs, en tant que spécialistes des méthodes alternatives in chemico, in silico, in vitro nous mettons au point des tests in vitro de sensibilisation aux allergènes de contact. Actuellement, nous étudions une méthode pour remplacer les tests sur animaux comme le préconise la directive européenne.

Nous venons également de finir une étude « Blind Study » sur la détection d’allergènes faibles. Sur 16 composés testés en aveugle, nous avons individualisé 10 des 12 allergènes présents ce qui donne pour ce test une excellente sensibilité/spécificité. Nous sommes aussi impliqués dans un programme européen « Cosmetics Europe » dont le but est d’arriver au développement d’un test alternatif in vitro sur cellules T (test hTCPA pour human T cell priming assay).

De nombreux industriels nous demandent par ailleurs de détecter les allergènes potentiels dans leurs produits : parfums, capillaires, crème de soin.

Premium Beauty News - On lit très régulièrement dans la presse grand public que les populations sont de plus en plus allergiques. Quel est votre regard d’expert sur ce sujet ?

Jean-François Nicolas - Je ne suis pas sûr que l’allergie augmente, par contre on dénombre de plus en plus de personnes sensibles et dans ce groupe il y a les sensibles non allergiques et les sensibles allergiques. La personne que nous appelons hypersensible allergique sera immunisée contre la molécule, elle aura développé des anticorps ou des lymphocytes spécifiques à la molécule et c’est cela qui est responsable de l’inflammation et de la maladie allergique. La personne hypersensible non allergique sera sensible à l’effet pro inflammatoire de la molécule conduisant à une inflammation.

Sur 100 patients il y a au maximum 10 personnes allergiques et l’extrême majorité (90%) est hypersensible non allergique. L’exposition de plus en plus fréquente à des produits pro inflammatoires comme le sont les produits chimiques sont des facteurs de prédisposition. Lorsque la capacité d’adaptation biologique des tissus est dépassée, les réactions inflammatoires apparaissent. Chaque personne à partir d’une certaine dose d’exposition à une molécule peut devenir hypersensible mais des cofacteurs s’ajoutent souvent comme l’état de santé, le stress, la nourriture.

Premium Beauty News - L’actualité pointe de nouveau du doigt les parfums comme source d’allergènes et certains médias n’hésitent pas à mentionner que 10% de la population est allergique au parfum, c’est beaucoup ?

Jean-François Nicolas - Tout peut être allergène, tout dépend de la dose. Lorsque l’on parle de 10 % de la population allergique au parfum il faut préciser les conditions dans lesquelles on trouve ce résultat. Les études réalisées se font selon des tests épicutanés. Les molécules sont mises en solution dans de la vaseline et appliquées sous patch occlusif pendant 48 heures, les allergies révélées ne sont alors pas d’usage. Les conditions sont très différentes du parfum vaporisé le matin sur la peau et parfois même seulement sur le vêtement. Par rapport à des conditions d’usage, le pourcentage d’allergique aux parfums hydro-alcooliques est beaucoup plus faible, probablement de 1/1000.

Premium Beauty News - Y-a-t-il des solutions pour contrer l’effet allergisant de certaines molécules autres que l’éviction ou le traitement thérapeutique de désensibilisation ?

Jean-François Nicolas - Une voie de recherche pourrait être de « quencher » les molécules allergisantes entre elles et voir comment elles répondent. Mettre une molécule avec un fort pouvoir allergène comme l’hexyl cinnamique aldéhyde dans un test tel que le hTCPA par exemple et voir si son effet ne pourrait pas s’inhiber en association avec un autre allergène. Il faut savoir que les allergènes, les agents infectieux sont nécessaires au maintien de notre bonne santé, tout est question de dose.