Florence Bernardin

Premium Beauty News - Au delà des raisons économiques, comment analysez-vous ces décisions successives ?

Florence Bernardin - Pour Revlon, c’est avant tout un problème lié à la distribution et à la communication pas assez centrée sur la Chine. Leurs ventes locales ne représentaient que 2% de leur Chiffre d’affaires. Concernant Garnier, ma première réaction fut de l’étonnement. C’est une marque qui avait une véritable histoire sur ce pays et une vraie légitimité, qui œuvrait beaucoup pour l’image internationale et pour l’accès aux produits occidentaux.

En même temps je comprends les raisons de rentabilité économique qu’il y a derrière. C’est très courageux et cela montre au monde que tout n’est pas possible aujourd’hui en Chine. Ce n’est pas l’Eldorado. Il y a encore beaucoup à faire mais il faut bien choisir son positionnement, son réseau de distribution et son univers concurrentiel. Il faut prendre ce retrait comme une leçon de sagesse, d’économie et de management, non pas comme une douche froide.

Premium Beauty News - Le mass market chinois est-il devenu inaccessible aux marques occidentales ?

Florence Bernardin - Le mass est difficilement attaquable aujourd’hui depuis l’export. Il devient complexe d’être concurrentiel avec des produits premier prix en mass market face au marché local. Ce n’est pas rentable. Il est difficile de faire décoller des ventes dans un contexte aussi concurrentiel économiquement parlant.

Les marques françaises notamment doivent continuer d’aller sur du masstige et du sélectif. C’est ce qu’elles savent très bien faire. Le luxe n’est pas réellement challengé par les marques locales car il reste encore lié à la culture des marques et à leur histoire.

Premium Beauty News - Comment envisager l’avenir sur ce marché ?

Florence Bernardin - La Chine va devenir un marché difficile comme le sont les autres marchés internationaux.

L’avenir va être de plus en plus aux joint-ventures, aux partenariats entre fabricants locaux et marques internationales, afin de favoriser les associations de savoir faire. C’est une des voies à privilégier car il faut faire attention à la qualité de la communication avec les équipes chinoises.

Il y a, et c’est très important, des leçons à prendre en management interculturel, savoir travailler avec les chinois et écouter leurs desideratas. Beaucoup de marques internationales, dont Garnier, d’après les réseaux sociaux chinois, semblent s’être heurtées aux difficultés de management en Chine. L’incompréhension s’installe et c’est très négatif. Beaucoup n’ont pas encore mis en place assez de compréhension interculturelle, n’ont pas donné assez de marge de manœuvre à un management local. C’est compliqué quand il faut préserver l’image stratégique d’une marque occidentale mais il va falloir faire des concessions. Le succès passe par une vraie collaboration avec des acteurs qui connaissent le marché local.

Premium Beauty News - Quels sont les segments porteurs ?

Florence Bernardin - Le moyen de gamme et le premium mais avec des marques qui font vraiment la différence, exactement comme sur les autres marchés internationaux.

Je pense aussi que le naturel, le bio, l’organic, vont avoir une place. L’axe de la santé va être très important, il y a une quête réelle de protection, de propreté, de sécurité de la part des consommateurs exposés aux scandales sanitaires et à la pollution. Les marques qui vont se positionner sur la sureté, la transparence, ont un rôle à jouer. Surtout si elles sont occidentales, car c’est un gage de qualité.

Premium Beauty News - Pensez vous que la fin de la politique de l’enfant unique peut avoir une conséquence sur la natalité et donc sur le segment des produits pour enfant ?

Florence Bernardin - Tout d’abord la loi n’est pas encore votée et on ne sait pas quand cela se fera. Je ne suis pas sure qu’il y aura ensuite un gros babyboom car il y a parallèlement une montée des coûts de l’immobilier et de l’éducation dont le niveau est déjà un des plus élevés au monde. Avoir un autre enfant coutera très cher ! Les gens vont réfléchir à deux fois. En revanche, le marché du bébé va évoluer et la cosmétique de l’enfant va se développer car n’oublions pas que l’on est au pays de l’enfant roi. Qui plus est, il y aura également une demande forte de produits safe pour cette cible.