« Nous sommes faits à 90% de bactéries avec la grande majorité présente dans l’intestin » explique Pierre Rimbaud, de la société Enterome, en introduction de la réunion que la SFA consacrée au microbiote humain début novembre. Le corps humain adulte compte près de 1000 milliards de bactéries, environ 10 fois plus que ses propres cellules. Ces microorganismes sont localisés d’une manière prépondérante dans le système digestif, mais les yeux, les muqueuses et la peau en sont pourvus aussi.

« Dans l’intestin, trois phylums bactériens coexistent : les bactéroidètes, les firmicutes et les actinobactéries » précise-t-il. Sur la peau saine, « plus de 500 espèces bactériennes ont été détectées rassemblant plus de 2 millions de gènes, elles se situent au niveau de l’épiderme mais on en trouve aussi jusqu’au derme » complète Audrey Guéniche de L’Oréal Recherche. On dénombre sur chaque cm2 de peau plus de 1 million de bactéries. Le profil des espèces présentes dans le microbiote est stable pour un individu à partir de l’âge de 3 ans et jusqu’à 60 ans environ, seule la composition varie quantitativement. Chaque personne a son propre microbiote défini selon des facteurs de naissance mais aussi son mode de vie, son alimentation. « Les américains ont un nombre d’espèces bactériennes nettement inférieur aux amérindiens, » précise Pierre Rimbaud.

Fonctionnalités microbiotiques

Mais la diversité microbienne d’un environnement est une chose, l’indentification de ses fonctionnalités et de leur intérêt en est une autre. De ce point de vue, le développement de la métagénomique fonctionnelle ouvre un vaste champ d’investigation. « Seul 15% du génome du microbiote humain est connu » précise Jean-Hugues Masgnaux de l’INRA qui coordonne en association avec l’Institut Hospitalo-universiatire ICAN et l’Université Catholique de Lyon le vaste projet MétaGénopolis. « Notre but est de fournir à la communauté médicale, scientifique et industrielle des outils innovants pour l’analyse de ce génome. Ces équipements doivent permettre de faire progresser les connaissances pour démontrer l’impact du microbiote intestinal sur la santé et dans les maladies non-infectieuses, déterminer les composantes clés de l’interaction entre microflore et cellules intestinales, développer des approches pour moduler les populations microbiennes ».

De son côté, la société Libragen, via une thèse avec l’École Centrale de Lyon, s’est davantage intéressée au microbiote cutané et à ses fonctions. « Nous explorons le volet fonctionnel du microbiote cutané afin de comprendre quelles sont les fonctions enzymatiques permettant l’adaptation des microorganismes à l’environnement peau et inversement, » explique le jeune chercheur Alban Mathieu.

L’impact du microbiote sur certaines maladies

Avec ces nouvelles méthodes, l’importance de l’homéostasie du microbiote intestinal et cutané pourra être approfondie. Il a déjà été démontré que de nombreuses maladies intestinales, mais pas seulement, dépendaient de la qualité du microbiote. « Depuis quelques années, le microbiote intestinal commence à être reconnu comme un réel organe du corps humain jouant un rôle majeur dans la santé humaine, dans les années à venir faire une analyse du microbiote sera aussi courante qu’une analyse de sang, » affirme Pierre Rimbaud.

Pour Iradj Sobhani, médecin des hôpitaux et professeur à l’université de Créteil le microbiote est réellement un nouveau champ d’investigation. « Mon équipe a initié l’analyse du rôle du microbiote dans le cancer du colon et nous avons mis en lumière que le noyau phylogénétique du microbiote intestinal des patients atteints était différent de celui des sujets de même âge et du même sexe avec une coloscopie normale. » Une voie s’ouvre, peut-être, vers une nouvelle médecine, plus personnalisée et s’appuyant sur l’analyse du microbiote du patient.

« À la SFA, nous sommes convaincus, au regard des données scientifiques déjà disponibles, que le microbiote va jouer un rôle majeur dans la médecine de demain. Nous allons vers une médecine personnalisée, préventive et thérapeutique via la modulation de notre microbiote. C’est dans cette perspective que se tiendra à Paris la 2ème conférence mondiale sur le Microbiote les 26 et 27 juin 2014, » a conclu Marvin Edeas président de la SFA.