« Lors de mes études et de mes premières expériences en cosmétique, les bactéries étaient uniquement perçues comme un problème, jamais comme une solution », explique Marie Drago, la fondatrice de Gallinée.
Docteure en pharmacie industrielle, formée à la Faculté des Sciences d’Orsay à Chatenay Malabry (Université Paris-Saclay), Marie Drago a effectué la majeure partie de sa carrière professionnelle dans le secteur de la cosmétique, de Dublin à Londres puis Paris, entre startups et grandes marques. Son expérience aux débuts de Soap & Glory la familiarise avec l’ultra-croissance. Son expertise en formulation, mais aussi dans le marketing, le contrôle qualité ou en conformité réglementaire, se révèlent autant d’atouts précieux lorsqu’elle fonde Gallinée en 2016.
Repenser la cosmétique par la biologie
« L’idée, c’était de faire travailler les bactéries naturellement présentes sur la peau », raconte la créatrice.
La marque est créée à Londres avec un capital de 100.000 euros, essentiellement grâce au soutien de proches. Tout juste de quoi lancer cinq soins basés sur un complexe breveté de pré, pro et post-biotiques. « C’est la première fois qu’on s’appuyait sur la biologie, et non sur la chimie, pour formuler des cosmétiques », rappelle-t-elle.
Atteinte d’une maladie auto-immune rare, Marie Drago s’est très tôt intéressée au rôle du microbiome sur la santé. Depuis ses débuts, Gallinée cible plus particulièrement les peaux sensibles, atopiques ou à tendance acnéique. La gamme de soins made in France se construit peu à peu une base de consommatrices fidèles, notamment grâce à son efficacité.
« Concevoir des soins destinés à renforcer les bactéries a nécessité de repenser toute la formulation et la production. Nous avons dû former nos fournisseurs et nos formulateurs en ce sens », confie Marie Drago. Un investissement et un apprentissage mutuels qui conduisent aujourd’hui la marque à poursuivre sa collaboration avec les partenaires de ses débuts.
Le charme discret des startups
Le lancement de Gallinée coïncide avec le succès mondial du livre de Giulia Enders, Le Charme discret de l’intestin (la première édition est publiée en 2014), qui popularise le concept de microbiome. Malgré des débuts modestes et des moyens limités, la marque bénéficie de nombreuses parutions dans la presse et s’installe chez Harvey Nichols à Londres et au Printemps Haussmann à Paris. Un passage remarqué dans l’émission Télématin la fait davantage connaître en France, qui devient vite son premier marché.
En dépit de ses débuts florissants, Gallinée reste une petite structure. Outre la recherche et la conception des produits, la fondatrice doit, comme beaucoup d’entrepreneurs, être « au four et au moulin » : gérer les sujets commerciaux et opérationnels, la formation et la communication, seulement soutenue par un board externe et une stagiaire, qu’elle embauche en 2018.
Mais très vite, Gallinée attire des investisseurs. En 2018, Unilever Ventures entre au capital. La marque bénéficie en outre de l’appui d’un consortium de business angels issus de Deloitte. « Cela nous a permis de nous structurer efficacement. Lorsque nous avons envisagé une acquisition, nos comptes étaient impeccables », se souvient la fondatrice.
Croissance centrée sur les pharmacies
Séduit par l’ADN différenciant de la marque et son expertise pionnière, le groupe Shiseido acquiert Gallinée en 2022, avec l’ambition d’en faire un instrument de conquête du marché dermo-cosmétique en France et en Europe.
Le groupe japonais revoit la distribution, rencentrée sur la zone EMEA, et renforce son positionnement de marque experte. La marque est aujourd’hui disponible dans des pharmacies en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Espagne et en Italie.
« Le potentiel du microbiome en cosmétique avait besoin d’épaules plus grandes que les miennes pour se développer », assume la fondatrice. Elle rejoint alors l’équipe EMEA du groupe en tant que Chief Creative Officer, travaillant en binôme avec un General Manager. Délestée des aspects opérationnels et commerciaux, elle peut désormais se recentrer pleinement sur son coeur de passion : la recherche et le développement produit.
En parallèle, Marie Drago continue à se former et nourrit sa réflexion scientifique dans un cursus universitaire consacré au microbiome à l’Université de la Sorbonne, à Paris. Elle consacre une part importante de son temps à la veille scientifique, participe à des congrès et s’enrichit d’échanges avec les chercheurs du réseau Shiseido, en Europe et en Asie.
« On constate aujourd’hui que l’intérêt pour le microbiome n’était pas une tendance mais une révolution en cosmétique », souligne Marie Drago.
À l’approche de son dixième anniversaire, Gallinée entend rester fidèle à sa mission en poursuivant l’exploration des liens entre la santé de la peau et celle des microorganismes qui la peuplent.
Pour l’heure, la marque vient de lancer une crème contour des yeux anti-âge, basée sur les bactéries que la mère transmet à ses enfants lors de l’accouchement. L’idée est d’utiliser le microbiome « comme une petite usine pour la peau. Nous avons mis au point un système dans lequel les bactéries cutanées produisent elles-mêmes des céramides à partir de précurseurs spécifiques », précise la fondatrice.
La marque s’engage également dans une nouvelle étape de croissance via la boutique Premium Beauty d’Amazon. « Mettre la science à la portée de tous, c’est lui donner une vraie vie. Notre arrivée sur Amazon, c’est la même exigence, les mêmes formules, la même pédagogie, avec plus d’accessibilité pour celles et ceux qui ont besoin de douceur et d’efficacité au quotidien », conclut Marie Drago.





























