Le microbiote cutané, la communauté de micro-organismes qui recouvre le corps humain, aurait de multiples propriétés encore inexplorées et une composition - donc un génome - unique pour chaque individu. Une hygiène excessive ou un soin non adapté pourraient l’affaiblir. Nous pouvons « nourrir » ce microbiote cutané à l’aide de probiotiques (« bonnes » bactéries vivantes) ou de prébiotiques (nourriture pour bactéries).

Si les fabricants de cosmétiques s’intéressent depuis quelques temps au sujet, les obstacles à surmonter demeurent nombreux : tant en termes de formulation que de marketing. En effet comment utiliser des organismes vivants dans des crèmes de beauté, s’assurer d’un usage adapté et comment communiquer sur les bactéries lorsque le discours ambiant pousse l’hygiène à son paroxysme ?

Quelques marques s’attaquent de front au sujet

Claire Vero, fondatrice d’Aurelia Probiotic Skincare

AObiome aurait développé un produit avec des bactéries vivantes naturellement présentes dans notre microbiome mais qui auraient disparu à cause d’une hygiène « trop » développée. Le spray AO-mist se conserve pendant 4 semaines à température ambiante ou 1 mois complémentaire au réfrigérateur, et s’applique en dernière couche, après application de la routine beauté quotidienne. Le shampoing et le nettoyant corps et visage ne contiennent pas de bactéries vivantes, mais sont sans conservateurs, pour ne pas agresser le microbiome cutané.

Une autre solution est d’utiliser des bactéries « désactivées ». Mais pouvons-nous toujours parler de probiotiques (qui, théoriquement, sont des bactéries « vivantes ») ? C’est pour cela que les marques parlent alors de « technologie probiotiques ».

Chez Aurelia Probiotic Skincare on cherche à favoriser la réduction des inflammations pour limiter le vieillissement de la peau. La glycoprotéine de bifidobacterium, le probiotique utilisé par la marque, aide à nourrir, protéger, contrôler et soutenir les cellules de la peau en agissant sur le niveau de cytokines (responsable de réactions inflammatoires cutanées). Tous les autres ingrédients de la marque sont naturels et obtenus dans des sources responsables ou même bio.

Aurelia Probiotic Skincare a une approche haut de gamme et scientifique. Pour Claire Vero, la fondatrice, « nous essayons d’éduquer le monde de la beauté, en commençant par les journalistes, les blogueuses et les consommatrices. Les probiotiques sont une nouvelle approche en cosmétique, il faut donc avoir une démarche claire et didactique  ». Et cela semble fonctionner puisque qu’Aurelia Probiotic Skincare enchaîne les citations dans les magazines (Elle, Vogue, Grazia, Glamour, etc.) et les trophées dans l’industrie (35 depuis le lancement). « Notre marque se fait connaître grâce à la presse mais aussi grâce au bouche-à-oreille car nos consommatrices sont très fidèles. Elles ont choisi notre approche naturelle mais aussi scientifique - parfois en délaissant les produits bio - et voient les résultats sur leur peau. »

Depuis le lancement en 2013, Aurelia Probiotic Skincare connaît la croissance la plus rapide pour une marque de beauté chez Liberty et a déjà son propre « corner ». Elle est présente en France chez Oh-My-Cream, et souhaite se développer en Europe (Italie, Espagne, Pays-Bas notamment).

Marie Drago, créatrice de Gallinée

Une autre marque sort le bout de son nez, Gallinée, qui sera lancée début mars 2016. Sa créatrice, Marie Drago est pharmacienne et a écrit sa thèse de recherche sur l’usage des probiotiques en cosmétique. Gallinée ambitionne de prendre soin du microbiome avec un triple complexe de prébiotique, probiotique et acide lactique. Objectif : retrouver une peau saine en stimulant ses fonctions de base pour reformer le manteau acide cutané naturel en supprimant les irritations et les agressions de la peau et en stimulant le microbiome. La gamme La Culture proposera cinq produits (Crème Visage, Mousse Nettoyante, Masque & Scrub, Crème Mains et Lait Corps). L’ambition est de sortir une gamme complète avec des produits pour les cheveux pour prendre soin de l’intégralité du microbiote cutané. « La peau a un pH de 5,5, nous souhaitons retrouver cet équilibre avec notre complexe pre / probiotique et acide lactique. Le cuir chevelu est par exemple censé être un terrain acide, or il ne l’est plus », explique Marie Drago. Le discours marketing de la marque est axé sur la science et le bien-être au naturel.

D’autres marques utilisent des probiotiques et le revendiquent comme Clinique avec sa gamme anti-rougeurs à base « Lactobacillus helveticus ».

Les probiotiques restent encore un sujet sensible. Les marques et les distributeurs sont pour l’instant frileux, car il n’est pas simple de tenir discours pro-bactéries après les avoir attaquées pendant des années. Certaines marques choisissent d’orienter leur discours vers la science, d’autre vers le naturel. Les consommatrices cherchent avant tout les résultats. Sur le site d’Aurelia Probiotic Skincare ce ne sont pas les pages « scientifiques » qui sont les plus visitées mais les témoignages de clientes.