Premium Beauty News - Quelle est votre vision de la situation du travel retail ?

David Dayan - Avant la Covid, le travel retail était l’un des secteurs les plus porteurs en matière de chiffre d’affaires pour les marques de luxe en Parfums et Cosmétiques. Nous avions des progressions à deux chiffres depuis 10 ans. Les marques se battaient pour être présentes dans les aéroports. Aujourd’hui, face à la chute du trafic aérien, les boutiques d’aéroports ont perdu en moyenne entre 75% à 85% de leur chiffre d’affaires. Mais je veux être positif, je suis certain que cela va repartir, il y a d’ailleurs quelques signes encourageants. Mais je pense qu’il faudra entre 5 et 10 ans pour revenir au niveau de 2019. Notre secteur d’activité possède une grande faculté à réagir toujours plus vite pour trouver des solutions et alternatives. Nous allons devoir nous adapter à cette situation.

Premium Beauty News - Comment ?

David Dayan - Nous avons commencé dès février 2020 à trouver des parades avec le click & collect ou le call & collect, par exemple. Le voyageur peut voir en ligne si nos produits sont disponibles sur les points de vente en duty free, que ce soit à l’aéroport ou dans les magasins frontaliers (border shops), du pays où il se rend, il lui suffit pour cela de passer sa commande par téléphone ou sur internet. Ensuite, il récupère ses achats, qui ont été préparés et réservés, avant de prendre l’avion ou de passer la frontière et bien sûr en bénéficiant des tarifs hors taxes. Nous travaillons aussi avec les gouvernements de certains pays africains pour mettre en place des emplacements spécifiques pour le duty free à l’arrivée.

Premium Beauty News - Quel est l’enjeu pour le commerce ?

David Dayan - Il existe une dizaine d’opérateurs dans le monde, les plus connus étant Dufry, Heinemann ou Lagardère, pour ne citer qu’eux. Ils s’occupent, dans les aéroports, de toute cette partie que l’on appelle le « non-aérien » et acquièrent des concessions sur plusieurs années. Ces concessions sont ensuite transformées en boutiques ou restaurants. Pour vous donner un exemple, à Paris en 2018, les revenus « non aériens » étaient plus importants que les revenus aériens.

Les Asiatiques ont tout de suite compris l’engouement que générait l’achat hors taxes dans ces boutiques. À Pékin, l’aéroport représente une surface de 300.000 m2 et plus de 200.000 m2 sont réservés aux boutiques et restaurants. De même, les gouvernements ont compris l’intérêt d’ouvrir des duty free downtown (des magasins détaxés en centre-ville) pour les touristes. Pour vous donner un exemple concret, il y a un mois lors de la Golden Week sur l’île duty free de Sanya en Chine du sud, les voyageurs ont acheté pour plus de 1.2 milliards de dollars dans ce type de magasin !

Pourquoi un tel engouement ? Premièrement le prix sans taxe. Deuxièmement, la certitude que le produit est vrai car il existe beaucoup de contrefaçons sur ces marchés. Troisièmement, l’apport de devise étrangère. Et quatrièmement, pour les « Travel Retail Exclusive », des produits ou des promotions que vous ne trouverez qu’en aéroport ou en downtown duty free. Bien évidement c’est aussi le cas en Afrique.

Premium Beauty News - Justement, que représente le marché du Duty Free en Afrique ?

David Dayan - Depuis une dizaine d’années un grand nombre de pays africains ont su développer et mettre en avant leurs spécificités pour attirer de nombreux touristes. Le Rwanda comme éco-destination, la Tanzanie ou le Mozambique avec les safaris, l’Afrique de l’Ouest s’est, quant à elle, tournée vers un tourisme plutôt balnéaire. Les plus grosses compagnies aériennes ont commencé à signer des accords avec ces pays, c’est le cas d’Emirates Airlines, qui dessert aujourd’hui plus de 60 pays en Afrique. Un grand nombre d’aéroports africains sont équivalents aux aéroports européens, en termes d’infrastructure et de qualité de service, ce sont souvent les plus beaux endroits pour acquérir des produits de luxe. Entre 2018 et 2020, une quinzaine de nouveaux aéroports a vu le jour en Afrique. Les trois quarts d’entre eux ont été construits par des entreprises chinoises, ce qui a permis également l’afflux de touristes asiatiques dont la part est passée de 12 à 18% en 10 ans.

Beauté Luxe garantit aux marques qui lui confient leur distribution - Puig ou L’Oréal (avec Lancôme, Yves Saint Laurent), ou encore Hermès et bien d’autres - que leurs guidelines seront respectées que ce soit en termes de prix, de merchandising ou d’image. Mais notre rôle est aussi d’animer ce réseau, de choisir les meilleurs emplacements, de réaliser des vitrines attrayantes, de mettre en place des promotions, des podiums ou des exclusivités, de visiter régulièrement les points de vente. Ce travail de terrain est réalisé quotidiennement par nos équipes.

Premium Beauty News - Quelle évolution pour le marché de la beauté sur ce continent ?

David Dayan - Les marchés africains étaient les plus en retard dans de nombreux domaines. Mais beaucoup de pays ont rattrapé ce retard. Les salaires ont augmenté de plus de 20% en l’Afrique, et la beauté est l’une des premières dépenses pour une femme africaine, elle y a donc beaucoup d’avenir.