Loïc Armand

Premium Beauty News - Vous annoncez cette année une légère progression du marché des cosmétiques en Europe. Quelles sont les perspectives pour l’industrie européenne ?

Loïc Armand - Nous sommes extrêmement positifs sur les perspectives de notre industrie ! Dans l’immédiat, nous pouvons dire que la crise est terminée en Europe. Le marché a progressé de +0,5% en 2014, contre une baisse de -1,4% en 2013. Certains pays souffrent encore et restent en récession, mais d’une manière générale le marché européen repart, et même dans les pays où ce redémarrage a été plus lent il commence à s’enclencher. L’industrie des cosmétiques en Europe c’est 4500 entreprises, dont plus de 4000 PME, et 1,5 millions d’emplois directs, dont 25000 emplois scientifiques (en hausse de 5,3% depuis 2004).

L’autre raison de notre optimisme tient à nos performances sur les marchés internationaux. L’industrie européenne est le plus grand exportateur mondial de produits cosmétiques. Dans les 15 prochaines années, 1,5 milliards de personnes dans le monde vont entrer dans la classe moyenne. C’est une opportunité extraordinaire pour notre industrie qui se mobilise pour apporter sa contribution à la satisfaction des besoins de ces nouveaux consommateurs.

Premium Beauty News - Et comment se traduit cette mobilisation ?

Loïc Armand - D’abord par la recherche et l’innovation. Nous prévoyons en effet un véritable changement de paradigme. Avec notamment une révolution de la relation avec les consommateurs et aussi de nombreux enjeux environnementaux. La révolution digitale, les réseaux sociaux, transforment les circuits de distribution tout comme les rapports entre consommateurs et marques. On va vers une personnalisation croissante de l’offre et un dialogue toujours plus proche avec les consommateurs. Les produits cosmétiques sont d’autant plus sensibles à ce phénomène qu’ils ont une forte charge intime. Ce n’est pas anodin de se mettre un produit sur la peau.

Premium Beauty News - Et en ce qui concerne l’environnement ?

Loïc Armand - L’industrie cosmétique est très consciente des enjeux liés à l’augmentation de la demande mondiale. Au niveau, collectif, l’industrie européenne s’est ainsi portée volontaire dans le cadre du projet Product Environmental Footprint (PEF) piloté par le Commission européenne pour développer une méthode harmonisée pour le calcul de l’empreinte environnementale. Pour des raisons techniques, notre projet concernant les produits rincés n’a pas été sélectionné parmi les projets pilotes de la Commission mais nous l’avons poursuivi de façon volontaire et nous espérons disposer de résultats applicables en 2016.

Au-delà des projets supervisés par Cosmetics Europe au nom de l’ensemble de l’industrie, les entreprises s’engagent individuellement et fortement dans des projets ambitieux de réduction de leur impact environnemental. L’Oréal, par exemple, s’est engagé à réduire de 60% ses émissions de CO2 en valeur absolue d’ici 2020. D’autres entreprises, comme Unilever et un grand nombre de nos membres, ont leurs propres objectifs.

Premium Beauty News - Parmi les principaux objectifs de Cosmetics Europe, il y a aussi l’harmonisation réglementaire.

Loïc Armand - Parlons plutôt de convergence. C’est un objectif très ancien de l’industrie des cosmétiques qui prend tout son sens dans un contexte de développement des marchés internationaux et du commerce en ligne. Les ventes sur internet risquent en effet de limiter la capacité des états à contrôler leur marché.

Pour l’industrie européenne, qui est très exportatrice, la convergence est un enjeu important. Nous considérons que le modèle réglementaire européen est l’un des plus protecteurs des consommateurs et de l’environnement. Il est basé sur l’évaluation scientifique du risque, et c’est sur la base de ce principe que nous en faisons la promotion dans le monde.

En pratique, nous sommes l’une des industries les plus sûres du monde et nous pensons mériter la confiance des régulateurs.

Premium Beauty News - Que donnent les négociations sur le Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) dans le domaine des cosmétiques ?

Loïc Armand - Le TIPP constituait une opportunité unique de résoudre des divergences réglementaires importantes entre l’Europe et les États-Unis. Notamment la définition des cosmétiques qui est très différente de part et d’autre de l’Atlantique. Force est de constater qu’il n’y a pas de volonté politique de mettre sur la table des négociations les éléments de divergence les plus importants. Cosmetics Europe a travaillé avec son homologue américain, le Personal Care Products Council, sur une liste de divergences que nous souhaitions résoudre. Cette liste a été transmise aux autorités en charge des négociations, mais visiblement elles ne souhaitaient pas aller aussi loin. Pourtant, si l’Europe et les États-Unis s’étaient entendus sur un modèle réglementaire, leur influence sur le monde aurait été considérable.

Nous n’avons pas totalement renoncé à avancer dans cette direction mais, actuellement, les négociations dans le cadre du TTIP se concentrent sur des questions plus techniques, telles que la reconnaissance mutuelle des listes de filtres UV reconnus efficaces et sans danger, ou bien la reconnaissance mutuelle des alternatives aux tests sur animaux validées par l’OCDE.

Cela dit, nous sommes convaincus que les transformations à venir du marché des cosmétiques, notamment la montée des ventes sur internet, encourageront cette convergence.