TikTok a profité de la Fashion Week de Paris pour organiser des évènements exclusifs avec certaines maisons, comme Off-White. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Charles Levecque - Concernant Off-White, c’était un très beau projet pour nous, pour montrer de nouveaux outils expérientiels pour la communauté ou la manière dont on pouvait immerger encore plus la communauté TikTok au sein des défilés. Il y a eu plusieurs caméras qui étaient positionnées sur le défilé, cela donnait vraiment une immersion totale. On avait déjà fait de nombreux défilés dans le passé, en 2020, avec de nombreuses maisons. Là, on a l’impression de passer à une nouvelle étape dans l’expérience. Bien évidemment, d’autres défilés vont avoir lieu sur la plateforme. On a déjà eu celui de Dior ou Balenciaga, pour lequel la communauté pouvait s’enregistrer en amont pour pouvoir le consulter le jour J sur la plateforme.

Quels types de contenus sont les plus appréciés chez les utilisateurs concernant le luxe et la mode ?

Charles Levecque - Il y a une tendance qui m’a marqué sur le défilé Homme de janvier. C’est tout ce qui est vlogging autour des coulisses ou des pré défilés. J’ai vu énormément de contenus émerger là-dessus. Sur les dernières années, on avait beaucoup de contenus intra-défilés. Et là, on voit, par exemple avec AMI Paris ou Dior, des contenus sur TikTok qui ont été créés avant les défilés, sur les célébrités qui venaient, mais aussi sur toute l’excitation qui se crée autour. Ces contenus sont énormément regardés.

Quelles sont les opérations entre la mode et le luxe qui ont le mieux fonctionné sur TikTok ? Quelle est la maison de mode la plus populaire sur TikTok ?

Charles Levecque - Alors ça, c’est une question difficile. Il y a deux ou trois défilés qui m’ont surpris pour plusieurs raisons et qui ont étaient très populaires sur la plateforme. Gucci, lors de la Fashion Week de Milan, a réalisé un pré-show pour préparer les utilisateurs aux défilés en amont avec des contenus assez exclusifs avec un créateur qui s’appelle Francis Bourgeois. C’est des contenus totalement décalés qui utilisent à 200% les codes de la plateforme et surtout, qui utilisent tous les codes de ce créateur. C’est un fan de trains qui avait eu un succès assez retentissant avec plusieurs millions de vues sur la plateforme lors d’une première collaboration avec North Face. Du coup, ils l’ont repris, quelques jours avant le défilé, pour le faire venir à Milan. On le voit arriver à la gare. On le voit récupérer le carton d’invitation. Il va se changer en amont du défilé, tout en Gucci bien évidemment, dans une boutique où il a une expérience un peu privée de shopping, etc. Et après, il arrive sur le défilé, il découvre un peu la scénographie. On voit qu’il explique un peu tout ça. Pendant le défilé, tout le monde, tous les TikTokeurs se sont demandé "Où est Francis ?". On a senti un engouement se créer autour de lui.

Il y a un autre exemple sur Balmain avec la musique. C’était en septembre dernier. Ils avaient fait le festival Balmain. Pour le coup, il avait fait un concert avec Dodja Cat, en live via TikTok. Les utilisateurs pouvaient voir le mini concert, et juste derrière le défilé. C’est des contenus que la communauté adore. On voit que les gens ont quand même un intérêt certain pour les défilés.

On l’a vu avec le créateur Khaby Lame qui est devenu l’égérie de mode d’Hugo Boss, les créateurs de contenus sont prisés par les marques. Est-ce qu’ils peuvent influencer la mode de demain ?

Charles Levecque - J’ai été assez bluffé par toute l’opération Hugo Boss. C’est une transformation, rien à voir avec la marque d’il y a deux ou trois ans. Ils sont super modernes. C’est assez puissant ce qu’ils ont fait parce que la communauté de Khaby Lame, c’est quand même des millions de personnes, mais qui ne sont pas venues du tout pour la mode. Ils sont venus pour des contenus plutôt humoristiques. Ils viennent chercher une audience, qui est aussi assez nouvelle pour ce milieu-là. C’est ça que je trouve intéressant, c’est de voir si ces communautés peuvent se mélanger et du coup, faire des marques plus globales et des marques plus inclusives. Est-ce qu’ils vont façonner la mode de demain ? Pour moi, ce sont surtout des amplificateurs.

Les marques de mode et de luxe sont de plus en plus présentes sur TikTok. Qu’est-ce qui, selon vous, les a attirées sur cette plateforme par rapport à d’autres réseaux sociaux ?

Charles Levecque - Il y a plusieurs axes. Le premier pour moi, c’est qu’on est la porte d’entrée la plus facile pour atteindre une nouvelle génération d’utilisateurs, de nouveaux consommateurs, de nouveaux codes, de nouveaux moyens d’expression. Tik Tok, c’est cette porte d’entrée qui leur permet d’aller les comprendre. On sait que les Millennials, et même la génération Z, vont être les consommateurs massivement du luxe de demain. Cela va représenter je crois plus de 70% des consommateurs du luxe dans quelques années. TikTok peut être un bon moyen de les rencontrer et surtout de discuter, d’engager avec eux.

On devient aussi une plateforme qui a un écrin créatif assez parfait parce que c’est une plateforme qui est en plein écran. Il n’y a pas d’autres contenus autour. C’est des créateurs qui font plein de contenus sur la plateforme, qui sont hyper dynamiques, hyper originaux, hyper créatifs. Je me dis que les marques ont plein d’histoires à raconter. Elles ont de beaux messages, et aussi beaucoup de contenus très bien réalisés. Je pense que c’est un bel endroit pour elles pour exprimer leur créativité.

Les utilisateurs de TikTok sont majoritairement très jeunes. Une audience qui n’est pas forcément capable d’acheter des produits de luxe. Quel est alors l’intérêt pour ces marques de s’implanter sur TikTok ?

Charles Levecque - La plateforme grandit énormément. Notre base d’utilisateurs a très vite augmenté. Aujourd’hui, on a quand même un chiffre qui est fort : 67% de notre audience a plus de 25 ans. Je voulais juste préciser cela parce que c’est aussi une image qu’on essaie de changer. Il y a peut-être deux ans, la plateforme ne ressemblait pas à ce qu’elle est aujourd’hui.

On le sait, c’est le naturel qui fonctionne sur TikTok, ce qui ne correspond pas forcément à l’image très codée des marques de mode et de luxe. Jusqu’où sont-elles prêtes à aller ?

Charles Levecque - Mais, est-ce que les marques, vu qu’elles ont des codes très forts, doivent forcément s’adapter à TikTok ? Je pense que c’est une discussion qu’on va voir évoluer. Notre application est assez jeune. Déjà, on voit qu’il y a une évolution très forte depuis le début, il y a un an et demi, bientôt deux ans, où les contenus étaient un peu du copier-coller d’autres plateformes ou des tests. Là, on voit qu’on a quand même un niveau beaucoup plus avancé.

Le commerce sur les réseaux sociaux est une véritable tendance cette année. Comment TikTok compte-t-il s’implanter sur ce nouveau marché ?

Charles Levecque - Le commerce, c’est un peu la suite logique de l’histoire. Aujourd’hui, on a des utilisateurs qui consomment des contenus sur une plateforme de divertissement très forte. La suite logique est de savoir comment on les aide à générer des actions, découvrir, peut-être sur un site internet ou autre part, des produits et potentiellement aller acheter des produits de luxe.

On a fait différentes opérations avec des maisons, comme Make Up For Ever ou le groupe LVHM avec Dior. Des créateurs TikTok présentaient des moments beauté avec la possibilité d’aller pousser la collection qui était montrée à l’achat. Cela ne veut pas dire forcément "acheter maintenant". C’est plus, "regarder un contenu sur TikTok, regardez cette vidéo et regardez les produits qu’on essaye de vous mettre en avant et de vous matérialiser".

Il faut encore réfléchir à comment on peut créer des expériences plus intégrées sur la plateforme pour faire des ponts plus simples. C’est-à-dire que faire sortir l’utilisateur de la plateforme, créer trop de chemins, cela peut être compliqué pour lui.