Premium Beauty News - Quelles sont les clés d’une implantation réussie en pharmacie pour une marque ?
Cédric Riveslange - Il n’y a pas de recette magique ! En revanche, il existe selon moi trois étapes incontournables, qui peuvent vraiment faire la différence. D’abord, il est primordial de penser la distribution dès la construction du business plan. Si l’on choisit la pharmacie, il faut se poser les bonnes questions : est-ce que je vais travailler avec une force de vente intégrée, mutualisée ou via un VRP multicarte ? Ce choix est déterminant. En intégrant la distribution dès le départ, on limite les risques financiers.
La deuxième clé est de bien cibler ses partenaires. En phase de lancement, il faut être stratégique et concentrer ses moyens sur les bons points de vente. Aujourd’hui en France, 32 pharmacies font autant de chiffre d’affaires en cosmétique que 9000 autres. Ce qu’il faut savoir, c’est que 100% des top pharmacies appartiennent à des groupements, tels que Pharmabest, Lafayette, Apotical, Boticinal… Approcher ces groupements est donc indispensable. Ça ne garantit pas le succès, mais c’est un passage obligé si l’on veut exister rapidement. Pour autant, chaque officine est unique et le relationnel est absolument fondamental. Ce sont les rencontres, le contact humain, la régularité des échanges qui font la différence. On ne peut pas réussir en pharmacie sans une vraie proximité terrain.
Enfin, la troisième clé est l’accompagnement sur le point de vente. Une fois qu’on a géré le sell-in, il faut absolument se concentrer sur le sell-out. Et pour ça, il n’y a pas de secret : il faut être présent. Aujourd’hui, dans les 50 plus grosses pharmacies françaises, on compte en moyenne huit animatrices en cosmétiques présentes tous les jours. Le produit peut être excellent mais s’il n’est pas mis en avant, il ne se vendra pas. Les marques qui réussissent en pharmacie investissent autant dans la force de vente que dans les équipes d’animation et de formation. C’est un équilibre à trouver, mais il est indispensable pour durer.
Premium Beauty News - Quelles sont les attentes des officines en matière de cosmétiques ?
Cédric Riveslange - Elles s’articulent clairement autour de deux grands axes. D’abord, il y a la politique de l’offre. Dans un contexte où près de 20.000 pharmacies se disputent les mêmes clients – et sont en concurrence avec la grande distribution, la parfumerie sélective et le digital – le pharmacien doit impérativement se différencier. Pour lui, cela passe par l’intégration régulière de nouveautés ou de marques capables d’apporter une réelle valeur ajoutée : innovation, positionnement inédit, technicité produit, packaging attrayant… Chaque nouveau produit doit moderniser l’image de l’officine et répondre, presque en temps réel, aux tendances qui animent les consommateurs.
Ensuite vient naturellement le profit économique. Le pharmacien évalue l’offre en prenant en compte trois indicateurs clés : la marge, la rotation des références et la rentabilité du mètre linéaire. Concrètement, une marque doit être en mesure de dynamiser le sell out et d’accroître la profitabilité de l’espace qu’elle occupe.
En somme, pour convaincre une officine, une marque doit arriver avec un triptyque gagnant : une offre différenciante, un rapport qualité prix compétitif, et un accompagnement complet qui garantit marge, rotation et chiffre d’affaires.
Premium Beauty News - Le réseau des pharmacies séduit toujours plus d’acteurs. Peut-on dire qu’il est aujourd’hui saturé ?
Cédric Riveslange - Le circuit officinal est devenu the place to be en matière de beauté et de cosmétique. Trois raisons principales expliquent cet engouement. D’abord, la sécurité : le diplôme du pharmacien reste une puissante caution. Les consommatrices associent l’officine à un conseil expert, et par ricochet, à un niveau de confiance rarement égalé dans d’autres circuits. Ensuite, la qualité : de nombreuses marques historiques d’hygiène-beauté se sont construites en pharmacie, où elles maintiennent des standards élevés. Enfin, le prix : sur des segments comme l’hygiène ou le solaire, par exemple, les tarifs pratiqués sont très compétitifs. À ces facteurs s’ajoute la richesse de l’offre : l’officine propose aussi bien des gammes conventionnelles que naturelles, bio ou premium, capables de répondre à tous les budgets et à toutes les attentes. Le flux est également incomparable : une pharmacie draine un trafic quotidien très dense. Par ailleurs, son maillage est unique : près de 20.000 points de vente en France, contre environ 2500 parfumeries.
Alors peut on parler de saturation ? Le marché est exigeant, c’est certain, mais il n’est pas saturé. La pharmacie reste le circuit physique qui connaît la croissance la plus dynamique pour la cosmétique (+10% en valeur en 2024), quand d’autres circuits plafonnent ou reculent. En revanche, l’accès s’est complexifié. Confronté à une offre foisonnante, le pharmacien choisit des marques au positionnement clair, capables d’innover en continu et de répondre aux tendances émergentes. Prenons le solaire : hier centré sur des formats familiaux et saisonniers, il s’intègre désormais aux routines visage quotidiennes, tout l’année, via des formules hybrides mêlant protection et soin. Les marques qui ont anticipé cette évolution ont gagné des parts de marché.
En définitive, la pharmacie n’est pas saturée ; elle est concurrentielle et exige une stratégie claire, différenciante et agile. C’est à ce prix qu’une marque peut y écrire de belles histoires… ou essuyer de cuisants revers.




























