La France appelle l’Union européenne à réduire drastiquement dès 2027, l’utilisation de l’octocrylène, un filtre anti-UV courant dans les produits de protection solaire et le maquillage. Selon les éléments rassemblés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) et transmis à l’ECHA, ce filtre solaire est nocif pour l’environnement et facile à remplacer à des coûts raisonnables.
"Chaque année, plus de 1.500 tonnes d’octocrylène sont utilisées dans les produits cosmétiques en Europe", contaminent les milieux aquatiques et les sols ce qui entraîne "des risques inacceptables" pour "la reproduction et la croissance des espèces aquatiques" (crevettes, poissons, algues) et les organismes "terrestres", fait valoir l’ANSES.
Rejets dans l’environnement
Car cette substance chimique, utilisée comme "filtre UV, absorbeur d’UV et photo-stabilisant" dans environ 30% des produits solaires, mais aussi du maquillage, des crèmes de jour ou encore des parfums, "se retrouve dans les eaux usées domestiques", dans le sol via "les boues de station d’épuration" et "contamine aussi les lacs, rivières et mers côtières lors des baignades", expose-t-elle dans un avis.
Au-delà de ses effets nocifs sur les espèces aquatiques, cette substance, qui s’accumule et persiste dans l’environnement dans des quantités très élevées, suscite des inquiétudes pour la santé humaine. L’Anses évoque ainsi d’éventuels effets toxiques pour la thyroïde et la reproduction. L’octocrylène pourrait aussi être un perturbateur endocrinien, mais les industriels n’ont pas fourni à temps les données requises pour évaluer ce dernier risque, précise l’agence.
L’ANSES scrute la substance depuis 2012 et avait déjà fait connaître, en 2023, son souhait d’en voir l’usage interdit en cosmétique.
Si "on en retrouve des quantités importantes dans les crèmes solaires", avec une concentration maximale de 10% autorisée par la réglementation européenne, "les rejets dans l’environnement sont multiples" et dépendent "des types de produits, des volumes de vente", explique à l’AFP Stéphane Jomini, chef de projet scientifique à l’ANSES.
L’Agence a ainsi élaboré, au nom de la France, une proposition visant à "réduire drastiquement" la concentration autorisée de l’octocrylène dans les cosmétiques pour "préserver l’environnement", dans le cadre du règlement européen REACH, qui encadre la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’UE.
Surcôuts "modérés"
Fixée à 0.001%, cette restriction de la concentration maximale aboutirait "en pratique à la suppression de la mise sur le marché" de cosmétiques contenant de l’octocrylène. À ce nouveau niveau maximal, ses capacités à filtrer les UV seraient nulles et son incorporation dans les formules deviendrait sans objet. L’ANSES ne demande pas l’interdiction car elle peut être présente comme impureté dans certains produits.
Ayant évalué les "impacts socio-économiques" de cette mesure, l’agence juge "modérés" les surcoûts induits par une fabrication des produits solaires avec une "association de substances" alternatives : 39 millions d’euros par an de 2027 à 2036, soit 0,04% des ventes de produits cosmétiques en Europe en 2023, chiffre-t-elle.
Au regard des "marges actuelles des fabricants sur ces produits, ces coûts seraient absorbés sans trop de difficultés", indique Karine Fiore, directrice adjointe à la direction des sciences sociales de l’ANSES. De fait, "il existe déjà depuis plusieurs années des crèmes solaires sans octocrylène", note-t-elle.
L’agence sanitaire a aussi mesuré l’acceptabilité par les consommateurs des éventuelles hausses de prix de ces produits, via une enquête auprès de 7.200 personnes dans 6 pays européens. Résultat : le prix qu’ils sont prêts à payer "dépasse largement les coûts engendrés par la restriction", attestant de "la volonté des Européens à agir pour améliorer la qualité des environnements aquatiques", selon elle.
Cette proposition est en consultation publique sur le site de l’ECHA jusqu’au 24 mars 2026. Ses deux comités (évaluation des risques, analyse socio-économique) devraient rendre leurs avis en septembre 2026, permettant à la Commission européenne de trancher sur l’application de cette restriction dans l’UE au plus tôt en 2027.
























