Aujourd’hui, la production de produits chimiques et de matériaux dérivés repose en grande partie sur l’utilisation de carbone fossile. Les processus industriels ont besoin d’hydrocarbures pour fournir de l’énergie de processus (électricité et chaleur) et pour fournir du carbone incorporé (c’est-à-dire le carbone lié dans les structures moléculaires) de diverses substances.

Au-delà des hydrocarbures fossiles, la capture de CO2 peut aussi être une source de carbone incorporé. Ainsi, Coty a commencé à fabriquer des parfums utilisant de l’éthanol fabriqué à partir de carbone recyclé. L’objectif du géant du parfum est d’incorporer l’éthanol durable de son partenaire LanzaTech dans la majeure partie de ses parfums d’ici 2023. Pionnier de la capture du carbone, LanzaTech s’est également associée au groupe L’Oréal et au géant de l’énergie Total pour développer un flacon en plastique fabriqué à partir de polyéthylène issu d’émissions de carbone recyclé. Après un test réussi, L’Oréal, Total et Lanzatech prévoient l’achèvement de la phase d’industrialisation d’ici 2024.

Scénario exploratoire

Dans un scénario exploratoire, l’étude CO2 reduction potential of the chemical industry through CCU [1] examine les réductions de gaz à effet de serre (GES) qui peuvent être obtenues dans les industries chimiques et des matériaux dérivés au niveau mondial si la totalité de la demande de carbone embarqué est satisfaite uniquement et exclusivement via le CO2 plutôt qu’à partir de sources fossiles.

Des simplifications majeures ont été utilisées dans l’étude. Ainsi, le méthanol (CH3OH) est considéré comme couvrant les besoins en hydrocarbures pour les produits chimiques et les matériaux dérivés parmi les divers intermédiaires chimiques comme une voie représentative du carbone renouvelable.

La route de production examinée comprend les émissions de CO2 comme un mélange de capture directe de l’air (CDA) et de capture à partir de différentes sources ponctuelles, l’approvisionnement en hydrogène et la réaction d’hydrogénation pour la synthèse du méthanol.

Réduction très importante des émissions de GES

Les émissions de GES liées à la synthèse du méthanol à partir de CCU dépendent des émissions de la production d’énergie renouvelable. Selon l’étude, l’empreinte carbone du méthanol basé sur la CCU pourrait être de 67 à 77% inférieure à celle du carbone incorporé issu de combustibles fossiles, en utilisant une alimentation en énergie courante basée sur le photovoltaïque. Avec des améliorations de la production d’énergie renouvelable, la réduction pourrait atteindre des niveaux compris entre 96 et 100%.

Répondre à la demande mondiale annuelle de carbone incorporé dans les produits chimiques et les matériaux dérivés (450 millions de tonnes aujourd’hui et peut-être 1000 millions de tonnes d’ici 2050) avec du méthanol à base de CCU entraînerait une immense demande d’énergie renouvelable.

Des efforts immenses devraient être faits pour déployer suffisamment d’énergie renouvelable. Mais le jeu en vaut la chandelle. En effet, avec un approvisionnement en énergie entièrement décarboné, un montant de 3,7 Gt de CO2 par an pourrait être économisé.

« Ces économies d’émissions de GES sont significatives - même en comparaison avec les émissions globales actuelles de 55,6 Gt de CO2 eq/an. Le résultat montre que la CCU est une technologie prometteuse pour réduire les émissions de GES liées à l’approvisionnement en carbone intégré - si une énergie renouvelable suffisante est disponible », expliquent les auteurs de l’étude.

En conclusion, si le carbone basé sur la CCU peut être un pilier important d’un futur basé sur le carbone renouvelable, en complément du carbone issu du recyclage et de la biomasse, les capacités mondiales des énergies renouvelables doivent être rapidement étendues pour permettre son plein déploiement.