Matthieu Bourgeois, Avocat à la Cour

Dans une décision récente du 3 juin 2010 (Affaire C-127/09), la Cour de Justice de l’Union Européenne a conforté la société Coty Prestige Lancaster Group GmbH, en estimant que la fourniture de testeurs auprès de ses distributeurs n’emportait pas accord pour les revendre, faisant ainsi échec à la théorie de « l’épuisement des droits » invoquée par le revendeur des testeurs en cause.

Dans cette affaire, Coty avait constaté que certains testeurs diffusés auprès des membres de son réseau de distribution avaient été revendus à un détaillant hors réseau, la société allemande Sparfümerie, qui avait à son tour commercialisé ces testeurs auprès du public en Allemagne.

Ce revendeur prétendait que Coty, en ayant distribué des testeurs au sein de son réseau de distribution, avait donné son accord pour leur commercialisation et ne pouvait plus s’opposer à ce que ceux-ci soient ensuite librement distribués au sein du marché européen.

Cette argumentation s’appuyait sur la théorie de « l’épuisement des droits », qui signifie que le titulaire d’une marque ne peut pas interdire l’usage de celle-ci pour des produits qui ont déjà été mis dans le commerce, avec son accord, au sein de l’Union Européenne : en donnant son accord, celui-ci a ainsi « épuisé » ses droits.

Coty, au contraire, niait avoir donné un tel accord et invoquait les clauses du contrat de distribution liant l’ensemble des membres de son réseau de revendeurs agréés, qui prévoyaient notamment que ces testeurs demeuraient la propriété de Coty tant qu’ils n’avaient pas été remis au consommateur et interdisaient en outre, toute revente de ces testeurs.

Après avoir échoué en première instance, Coty a finalement obtenu gain de cause auprès du Tribunal régional supérieur de Nuremberg, qui a estimé que les stipulations contractuelles invoquées par Coty, ainsi que les mentions figurant sur les testeurs et leurs conditionnements (indications « démonstration » et « vente interdite ») excluaient l’existence d’un quelconque accord de la part de Coty pour commercialiser ces testeurs.

Saisie par la voie de la « question préjudicielle », la Cour de justice de l’Union Européenne devait répondre à la question suivante : «  la notion de mise dans le commerce (…) englobe-t-elle la remise - sans transfert de propriété et avec interdiction de vente - de testeurs à parfum à des intermédiaires liés par contrat pour que leurs clients potentiels puissent en essayer le contenu, alors que l’interdiction de vente est signalée sur la marchandise (…) ? ».

À cette question, la Cour de justice de l’Union Européenne a répondu par la négative, donnant ainsi raison à Coty, en retenant que l’indication apposée sur les testeurs traduisait « clairement la volonté du titulaire de la marque concernée que les produits revêtus de celle-ci ne fassent l’objet d’aucune vente », s’opposant ainsi à l’application de la théorie «  de l’épuisement des droits », dans cette affaire.

En conclusion de cette intéressante décision, l’on relèvera la nécessité de rédiger avec précision les clauses contractuelles relatives aux testeurs dans les contrats de distribution sélective en matière de parfum, afin de ne laisser planer aucune ambigüité sur l’interdiction de revendre ces testeurs sans l’accord du titulaire de la marque.