Patrick O’Quin, Président de la FEBEA

Premium Beauty News - Un peu plus de six mois après votre prise de fonction, quelle image avez-vous de l’industrie des cosmétiques ?

Patrick O’Quin - Je suis impressionné par la capacité de cette industrie à se renouveler et à se réinventer. Si la cosmétique française occupe la place qui est aujourd’hui la sienne dans le monde, c’est qu’elle n’a jamais eu l’illusion d’avoir gagné la partie. Face aux difficultés et aux évolutions des marchés, elle a toujours su se renouveler. Si l’on se base sur le nombre de brevets déposés, l’industrie des cosmétiques est le deuxième secteur le plus innovant en France après l’automobile ! C’est un secteur qui a réussi à ne pas s’enfermer dans la tradition mais qui, au contraire, a su capitaliser sur sa longue histoire pour en faire un élément de progression.

Le résultat est une industrie très compétitive, grâce à son image, sa capacité d’innovation, et la qualité de ses produits. Nous avons des entreprises de toutes tailles qui sont extraordinaires !

Premium Beauty News - Quelle est votre vision de l’évolution du marché ?

Patrick O’Quin - D’un point de vue général la conjoncture actuelle du marché français des cosmétiques est plutôt décevante, tout comme elle l’est pour les autres secteurs. Même si nous n’avons pas encore de chiffres définitifs on s’attend à une légère régression du marché en 2014 en France et, au mieux, à un marché stable en Europe. L’industrie devrait toutefois continuer à progresser grâce au dynamisme des marchés non européens. Certes la Chine et le Brésil ne sont plus d’aussi puissantes locomotives qu’auparavant et les exportations vers la Russie ont été perturbées par la situation géopolitique et par la chute du rouble. Mais d’autres marchés émergent, notamment en Afrique. Certes, les taux de croissance impressionnants que l’on observe ne sont pas toujours significatifs compte tenu de la faiblesse de la base de départ, mais plusieurs pays connaissent un vrai développement économique. Si le ciel est loin d’être dégagé il n’est pas non plus totalement sombre.

Premium Beauty News - Comment abordez-vous les discussions avec le gouvernement ?

Patrick O’Quin - Je suis convaincu qu’il faudrait que la cosmétique, en tant que secteur, soit davantage visible, que cette industrie soit plus fière de ce qu’elle représente pour la France. Loin de la futilité à laquelle on la confine souvent, l’industrie des cosmétiques est le 3e secteur exportateur de la balance commerciale française. Elle représente 42000 emplois directs et au moins trois fois plus d’emplois indirects. Les décideurs nationaux et les représentants politiques n’ont pas conscience de l‘importance de ce secteur pour la croissance ! Nous devons ainsi déplorer que de nombreuses décisions, prises à la hâte, sans vraie concertation, ni étude d’impact, parfois sans fondement scientifique, menacent directement des pans entiers de notre industrie. Nous devons reprendre la parole.

Mon prédécesseur, Alain Grangé Cabane, avait initié une étude sur l’image du secteur, de ses entreprises et de ses produits, les résultats nous serviront de base pour élaborer une stratégie visant à mieux valoriser les atouts de notre industrie.

Premium Beauty News - Quels vont être les grands enjeux de l’année 2015 ?

Patrick O’Quin - Nous avons plusieurs sujets de préoccupation. En tout premier lieu, tous les thèmes liés à la santé : les allergènes, les perturbateurs endocriniens. Notre souci est de garantir l’innocuité de nos produits, mais sur des bases factuelles et scientifiques plutôt qu’émotionnelles.

Le deuxième groupe de préoccupations concerne l’évolution des réglementations dans le monde, notamment en Chine.

Troisième sujet : la dénaturation de l’alcool, avec la remise en cause par la Commission européenne du système français qui permet la dénaturation par la composition parfumante. Il s’agit pour nous d’un élément clef de la qualité et de la réputation de la parfumerie française.

Autre enjeu important, que nous avons évoqué : la mise en place d’une stratégie de communication.

Enfin, j’ajouterai à cela, la synergie sectorielle. Il faut que les entreprises du secteur forment un front uni. Nous nous efforçons donc de renforcer nos liens et nos relations avec les autres entités, notamment avec la Cosmetic Valley dont les activités sont très complémentaires des nôtres.

Premium Beauty News - Et le traité TTIP ?

Patrick O’Quin - Les cosmétiques sont un volet important du partenariat transatlantique. [1] De façon tout à fait remarquable, il y a dans ce secteur une convergence de vue des industriels des deux côtés de l’Atlantique, et nous sommes soutenus par la Commission européenne. L’enjeu n’est pas de rechercher une harmonisation chimérique, mais de parvenir à une reconnaissance mutuelle. En effet, des deux côtés de l’Atlantique la sécurité des consommateurs est la préoccupation première des réglementations, et celle-ci est bien assurée. La plupart des opérateurs du secteur des cosmétiques sont présents des deux côtés de l’Atlantique, cela faciliterait les échanges commerciaux.