Le créateur japonais est mort 50 ans après le lancement de sa première collection à Paris. « Je pense avoir apporté la liberté dans la mode, dans la manière de porter les vêtements, de bouger dedans, des couleurs. La femme Kenzo est une femme libre, jolie et dynamique », confiait encore récemment le créateur à l’AFP.

Kenzo Takada a d’abord été un enfant timide né en 1939 au sein d’une fratrie de sept enfants, près d’Osaka. Passionné par le dessin, il observe les cours de couture de ses deux soeurs en rêvant à ses propres créations, puis suit les cours du Bunka Fashion College à Tokyo.

Tenter sa chance en France

A 24 ans, il débarque à Marseille après une traversée en bateau d’un mois et demi. Venu passer quelques semaines dans l’Hexagone, il n’en est jamais reparti.

« Je suis arrivé à la gare de Lyon le soir du 1er janvier 1965. Il faisait nuit et la gare était vieille, sale, noire. J’ai pris un taxi et ma première impression de Paris a été lugubre, sombre. (...) Puis le taxi est passé à côté de Notre-Dame (...) Elle était majestueuse. Cela m’a un peu consolé », racontait-il dans Kenzo Takada, un livre qui lui était consacré en 2018.

Dans les lettres à sa mère, il décrit ce Paris où le pain est tellement bon qu’il en mange trop, où il se baigne une fois par semaine parce que le bain public est cher, les cinq restaurants japonais qui ne servent pas de sushis et la beauté des boutiques des fleuristes. « Je suis venu pour six mois et je suis resté plus de cinquante ans dans cette ville qui reste farouchement indépendante », résume-t-il.

Fêtes mémorables

Il apprend le français, assiste à quelques défilés de grands couturiers et commence à vendre ses dessins. Louis Féraud, les magazines Elle et le Jardin des Modes en achètent. Rapidement, il ouvre une petite boutique à la galerie Vivienne à Paris, qu’il repeint d’un décor de jungle, et lance en 1969 sa marque Jungle Jap.

« À l’époque, les textile synthétiques étaient à la mode à Paris et les vêtements étaient assez sombres. J’ai profité d’un retour au Japon pour y acheter des tissus colorés en coton », se souvient-il. Les imprimés fleuris deviennent une de ses marques de fabrique.

Ses vêtements de coton, empruntant tout autant à la mode parisienne qu’aux kimonos traditionnels, mêlent avec audace couleurs et imprimés, tout comme ses défilés où les mannequins dansent et sautillent.

En 1970, il présente ses premiers vêtements créés dans des cotonnades japonaises, des tissus achetés pour rien au marché Saint-Pierre, au pied de la Butte Montmartre.

Deux ans plus tard, il fait défiler garçons et filles vêtus de la même façon de pantalons blancs et pulls rayés.

La suite est connue : en 1976, il inaugure son vaste magasin place des Victoires, dans le centre de Paris, rebaptisé de son seul prénom Kenzo, avant de lancer à la fin des années 1980 plusieurs lignes de parfums, dont Kenzo Kenzo en 1988 puis, Parfum d’été, Jungle et Flower, devenu un classique.

En 1993, Kenzo cède sa marque au géant LVMH avant de se retirer six ans plus tard. Kenzo Takada quitte la mode en 1999, pour en finir avec le rythme infernal des collections et se consacrer des projets plus ponctuels. « J’ai 60 ans et 30 ans de carrière. Depuis longtemps je voulais profiter de la vie, voyager, voir des amis », explique-t-il alors à l’AFP.

La pause durera presque vingt ans avant de se lancer dans le design avec K-3, une marque lancée en janvier.

Grand collectionneur, même s’il s’en défendait, celui qui a construit sa vie à Paris décide de "tourner la page" en 2009 et de quitter son immense maison à Bastille (1.100 m2) où il a vécu vingt ans. L’occasion également de se délester d’une collection d’objets d’arts, laques japonais, poupées amérindiennes ou statuettes chinoises.

Kenzo, infatigable voyageur, a longtemps été connu pour les fêtes qu’il organisait, parmi les plus courues de Paris dans les années 1980-90 dans cette maison devenue légendaire. Il était en revanche discret sur sa vie privée.