Premium Beauty News - Comment s’organise l’innovation en matière d’ingrédients de parfumerie chez dsm-firmenich ?

Amaury Roquette - dsm-firmenich investit 700 millions d’euros par an en recherche et développement. Un engagement qui reflète notre conviction que l’innovation est indissociable de la créativité en parfumerie. La découverte de nouvelles molécules s’inscrit autour de trois axes : le naturel, la synthèse et la biotechnologie. Nous cherchons aussi à optimiser les procédés de fabrication, afin d’aligner des critères de performance et de durabilité.

Premium Beauty News - Comment abordez-vous la recherche de nouvelles molécules de synthèse ?

Amaury Roquette - Nous étudions environ 2000 molécules par an, dont seulement trois à cinq intègrent notre portefeuille. Elles restent à l’usage exclusif de dsm-firmenich pendant dix ou vingt ans - ce sont des captifs - pour être libérées ensuite sur le marché, à disposition de nos clients. En tant que leader de l’industrie, nous estimons que notre responsabilité est de mettre l’innovation au service de l’excellence de l’industrie.

Premium Beauty News - Qu’en est-il des ingrédients naturels ?

Wessel-Jan Kos - dsm-firmenich a récemment dévoilé la technologie Firgood, un savoir-faire unique dans l’industrie. Sur le salon, nous présentons l’extrait Firgood de café origine Pérou, au profil très réaliste et addictif, que nous libérons cette année sur le marché. Nous favorisons largement l’extraction au CO2 supercritique, (à l’image de l’extrait SFE de rhum que nous présentons sur le salon). Ces deux technologies ne requièrent pas de solvant additionnel. Pour les extraits Firgood, le solvant est l’eau naturellement contenue dans la biomasse, pour l’extraction au CO2 supercritique, on utilise du CO2 d’origine atmosphérique que l’on comprime fortement. Pour cette dernière, au-delà des extractions solides-liquides, nous sommes les seuls à réaliser des extractions liquides-liquides en conditions co-courant, à partir d’une essence. Soit une double extraction, en quelque sorte, qui permet d’obtenir un profil olfactif différent et plus puissant.

Premium Beauty News - Quel rôle jouent les ingrédients issus de la biotechnologie dans votre stratégie d’innovation  ?

Amaury Roquette - Le groupe investit dans la biotechnologie depuis près de quinze ans, à la fois en interne et à travers des partenariats avec plusieurs acteurs majeurs du secteur. L’un des exemples les plus significatifs est le Clearwood, lancé en 2014. Cette molécule, qui contient plus de 30% de patchoulol, permet de lisser la volatilité naturelle du patchouli, tout en offrant une alternative plus stable en période de tension -disponibilité, prix- sur la matière première. Elle présente également un intérêt environnemental, grâce à une empreinte carbone plus faible, et un impact positif d’un point de vue éthique. Cette année, nous mettons par exemple en avant le Clearwood Prisma, une version épurée qui résulte d’une fraction cœur, pour gommer ses aspects terreux, et obtenir une note linéaire, boisée, aux légers accents ambrés. C’est une molécule 100% renouvelable, issue de la biotechnologie, libérée sur le marché depuis deux ans, dont la production requiert jusqu’à 5 fois moins d’eau et de CO2 qu’un ingrédient classique.

Nous disposons aujourd’hui d’une dizaine d’ingrédients issus de la biotechnologie, très appréciés des parfumeurs. Nous utilisons la fermentation durable du sucre, la bioconversion et la distillation avancée pour créer des ingrédients de haute qualité à des prix abordables.

Premium Beauty News - Quelle est votre vision de l’innovation ?

Amaury Roquette - Notre stratégie d’innovation repose sur la différenciation. Le besoin de différenciation continue à être prégnant avec les tendances de parfumerie de niche, les collections exclusives des grandes maisons ou encore la haute parfumerie. Cette différenciation se traduit en partie par le développement continu d’ingrédients signatures, notamment des captifs, qui nous permettent de singulariser nos formules et nos créations. Après dix à vingt ans d’exclusivité, nous libérons des captifs sur le marché et développons ainsi les spécialités de demain. Cette dynamique crée de la valeur que nous réinjectons dans la recherche. C’est un business model vertueux.

Premium Beauty News - Proposez-vous aussi des exclusivités à certaines marques ?

Amaury Roquette - De man ière très confidentielle. Nous développons parfois des ingrédients naturels sur mesure pour certains clients, mais garder un captif en exclusivité totale n’est généralement pas rentable, au vu des investissements nécessaires pour sa mise au point et son industrialisation.

Premium Beauty News - Quel rôle joue l’intelligence artificielle dans l’innovation ?

Amaury Roquette - Elle intervient à tous les niveaux. Pour la création d’ingrédients, elle nous permet de modéliser des structures moléculaires afin de prévoir leur famille olfactive avant même la synthèse. En production, l’IA optimise les processus via le programme de Continuous Manufacturing Optimization, qui identifie les "golden batches" aux rendements les plus efficaces. C’est un vrai levier de compétitivité, à la fois en termes de coûts et d’empreinte carbone.