Valérie Pasmanian

Actrice et observatrice attentive et passionnée du monde du luxe et de la création, Valérie Pasmanian a beaucoup appris de ses rencontres avec des personnalités remarquables et parfois atypiques de l’univers de la parfumerie et des cosmétiques. Mais elle a toujours conservé un regard éclectique, en multipliant ses centres d’intérêt et les projets. « Mes premières années consacrées à la prospective pure m’ont appris à m’imprégner de toutes les tendances, à aller dénicher des ruptures là où d’autres ne voient que des lubies. »

Aux côtés de Vera Strubi et Marielle Belin, elle apprécie l’esprit de coopération, la polyvalence et la réactivité de la petite équipe des Parfums Thierry Mugler. Elle travaille aussi bien sur les projets de packaging que sur les PLV et les dossiers de presse. « C’est là que j’ai découvert que l’innovation était vitale pour une marque, » explique-telle, « mais aussi qu’innover, c’est prendre des risques. »

Un esprit d’innovation véritable leitmotiv d’une équipe qui se trouvait alors dans une position de challenger, face à des marques dotées de moyens bien plus importants. « Tout le monde se souvient du lancement des sources de parfum qui ont révolutionné le rapport à la marque et au flacon. Nous proposions un flacon exceptionnel mais cher et il n’était pas raisonnable de demander aux clientes de le jeter à la poubelle et d’en acheter un nouveau à chaque fin d’utilisation. D’où l’idée de proposer de le recharger en boutique. C’était l’idée de Vera Strübi, mais personne n’avait jamais fait cela. Et les débuts ont été difficiles. Techniquement parlant, il a fallu trois générations de sources pour qu’elles soient réellement au point. » Mais aujourd’hui encore, la marque fait figure de pionnier dans ce domaine.

Full-service et standards

Directrice artistique et designer indépendante depuis plus de dix ans, Valérie Pasmanian est au cœur des évolutions de la création dans l’univers de la beauté et du luxe. Paradoxalement, selon elle, l’accélération des lancements ne s’est pas accompagnée d’une accélération aussi marquée de l’innovation. « Ce qui a progressé d’abord, c’est le raccourcissement des délais de mise sur le marché, qui a été rendu possible par le développement de l’offre de full service, et qui l’a également stimulée,  » explique-t-elle. Et la création n’a pas échappé au phénomène. « Le designer lui-même est de plus en plus sollicité pour des projets clefs en mains. Cela change la façon de travailler. Il faut avoir une multitude de projets disponibles immédiatement. La rencontre entre un créateur, un designer et un projet est devenue plus rare, sauf pour le haut de gamme, qui reste encore attaché à la singularité.  »

Le phénomène a aussi été amplifié par la croissance du nombre de standards disponibles sur le marché et la progression de leur qualité. « Si l’on combine à cela, l’étendue et la variété croissante des possibilités de customisation, on arrive finalement à tirer son épingle du jeu et à proposer des petites séries d’une qualité qui aurait été impossible il y a quelques années. Je crois que cela contribue beaucoup au développement des marques de niches en parfumerie. »

Révolutions technologiques et sociales

Pour Valérie Pasmanian, l’autre grande évolution du métier de designer, est liée à l’évolution technologique. «  À tous les niveaux les bonds technologiques sont considérables. Aujourd’hui, les matériaux utilisables pour fabriquer un packaging ce sont multipliés. Le pétrole n’est plus la ressource évidente. On dispose même de capteurs solaires souples, on peut envisager toutes sortes d’habillage pour les produits, avec des emballages fonctionnels d’un nouveau type. » Mais tout n’est pas transposable immédiatement, une technologie a besoin de mûrir, surtout pour une industrie relativement conservatrice comme celle de la beauté. « Ce sont ceux qui sauront adapter ces innovations aux codes du luxe et de la beauté qui tireront leur épingle du jeu. »

D’autant que ces bouleversements se produisent dans une société qui s’interroge sur son devenir. « Plus qu’une crise, c’est une mutation vers d’autres systèmes que nous vivons. La population vieillit, le pouvoir d’achat diminue dans les pays développés, les inégalités augmentent. » Innovation et marketing doivent logiquement intégrer ces nouveaux paramètres, « tenir compte des besoins réels, des sacrifices que sont prêts à consentir les consommateurs, des arbitrages qu’ils feront. »

Même si le constat est connu, Valérie Pasmanian considère que peu de conséquences en ont encore été tirées. « Par exemple, à l’heure d’internet, qu’est-ce qui justifie que les produits vendus en ligne soient proposés dans le même packaging que les produits proposés en magasin ? Est-ce nécessaire, est-ce légitime, est-ce judicieux ?  »

Des questions pertinentes, et des réponses qui sont loin d’être simples. « Le design est un casse-tête. Le produit doit être beau, mais pas trop cher, techniquement réalisable et le moins polluant possible… » Pour elle, « synergie et coopération entre tous les acteurs, » sont les moyens les plus efficace de résoudre cette équation.