Premium Beauty News - Quel a été le rôle du tissu industriel cosmétique durant ces derniers jours de crise ?

Christophe Masson - À partir de la deuxième partie du mois de mars notre économie s’est ralentie fortement avec l’arrivée de la pandémie en Europe. On a pu voir alors le rôle qu’a joué notre filière sur la fabrication du gel hydroalcolique. Les plus grands noms de la filière se sont mobilisés pour produire ce gel mais aussi, et c’est un point important à souligner, beaucoup de TPE et PME qui, localement, ont spontanément alimenté les hôpitaux, les EPHAD, les centres de soins.

Ensuite, pour que l’effort collectif aille plus loin, la Cosmetic Valley a lancé un appel à production auquel ont répondu plusieurs dizaines d’entreprises. Nous avons ouvert une hotline et mis en relation les hôpitaux et les fabricants. C’était important car les uns et les autres ne savaient pas à qui s’adresser.

Premium Beauty News - Est ce que cela a modifié les liens, la coopération entre acteurs ?

Christophe Masson - Sur le gel hydroalcoolique les industriels ont très vite été confrontés à une problématique d’approvisionnement en matières premières ou articles de conditionnement.

À ce moment là, il y a effectivement eu de nouvelles manières de fonctionner, une nouvelle dynamique de solidarité dans notre industrie. Les entreprises qui étaient en ralentissement d’activité et qui avaient du stock, l’ont mis à disposition de ceux qui pouvaient produire. Cela a créé une chaine vertueuse. De son côté, la Cosmetic Valley a facilité cette démarche. Nous avions lancé il y a quelques années une plateforme, Impact Plus, dont le but était de mettre en relation les usines ayant des rebuts de matières premières ou de conditionnements avec des utilisateurs potentiels, comme les startups qui peuvent avoir besoin de petites quantités. Nous avons donc rendu la plateforme accessible gratuitement à l’ensemble de la filière française et ce sont plus de 200 entreprises qui ont utilisé cet outil pour se déclarer soit en tant que fabricant en demande, soit pourvoyeur de stocks.

Il y a eu un véritable fonctionnement collaboratif de filière et une volonté forte de nos entreprises et de leurs salariés de s’impliquer dans cette dynamique.

Premium Beauty News - Comment envisagez-vous « l’après » ?

Christophe Masson - Il est difficile de donner des chiffres aujourd’hui sur la situation économique des entreprises mais la bonne nouvelle vient de l’Asie qui redémarre. C’est un signe fort qui nous permet de nous projeter dans l’après. L’inquiétude est à l’ouest, les États-Unis s’enfoncent dans la crise et l’on sait à quel point c’est un marché important pour notre industrie de la cosmétique.

Premium Beauty News - Cela remet-il en cause la chaine de valeurs et notre dépendance aux marchés internationaux pour la production ?

Christophe Masson - Sur le sujet de notre dépendance, il faut relativiser. Nous ne sommes pas dans la situation d’autres secteurs tels que la pharmacie où il y a une dépendance critique. Cette crise montre toutefois la nécessité d’amplifier le travail que l’on mène avec les industriels en accompagnant les TPE et PME pour qu’elles montent en compétence, qu’elles innovent, pour que le made in France soit toujours plus synonyme de qualité, de sécurité et d’innovation. C’est un élément essentiel pour nous différencier et préserver notre leadership.

La relance de notre économie passera aussi par des dynamiques collaboratives, solidaires, et responsables comme celles qu’on a pu voir pour la fabrication du gel. Cela rejoint la nécessaire évolution de notre industrie vers encore davantage de RSE. La filière française est en avance sur ce sujet à l’échelle internationale et cela constituera une valeur forte et un élément de différenciation du made in France.

Premium Beauty News - Quels sont les enjeux financiers et le futur pour la filière ?

Christophe Masson - Nous exportons dans le monde entier et si la consommation est ralentie, ce business ne fonctionne pas, même si nos entreprises sont compétitives sur la scène internationale. (ndlr : la cosmétique se place à la deuxième place des secteurs exportateurs nets de l’économie française - source : Douanes Françaises 2019).On peut craindre aussi de perdre des parts de marché si notre relance est plus tardive et plus lente que celle de nos amis asiatiques. C’est un élément d’inquiétude. Il faut vraiment travailler d’ores et déjà sur des modalités de relance de notre économie.

La Cosmetic Valley met en relation les entreprises avec les autorités publiques, accompagne le report des charges et des crédits, de trésorerie garantis par l’État. Notre rôle est de faciliter le parcours du combattant du chef d’entreprise.

Nous devons aussi et surtout préparer la suite, c’est à dire convaincre l’État et les collectivités territoriales de considérer la cosmétique française comme une filière stratégique qu’il faut aider à faire repartir vite. Il est essentiel de mettre en place une dynamique de relance de cette filière principalement constituée de petites entreprises fortement exportatrices.