Premium Beauty News - La crise liée à la pandémie de Covid-19 est sans précédent. Comment a réagi IL Cosmetics ?
Jean-François Harpès - Je m’étonne de l’absence de préparation de nos pays face à une crise qui a commencé en décembre en Chine. Les deux à trois mois écoulés avant que l’épidémie se répande hors d’Asie n’ont pas été mis à profit par nos gouvernements pour prendre les mesures préventives adaptées. Pourtant, l’exemple de Taiwan montre l’efficacité d’une réaction précoce et adéquate.
En ce qui concerne IL Cosmetics, nos contacts avec nos clients et fournisseurs asiatiques nous ont aidé à voir venir le risque plus tôt et à nous préparer. Notre priorité a été de protéger nos employées. Nous avons, à partir de mi-mars, mis en place toute une série de mesures préventives : quarantaine, télétravail partout où c’est possible, contrôles de température, port de masques que nous avons directement importés de Chine, espacement et séparations de protection entre les postes, procédures de désinfection et d’hygiène renforcées, contrôles de présence de traces de Covid.
Grâce à la motivation et au dévouement de nos équipes, toutes ces mesures ont été mises en place en un temps record dans nos usines de vrac, de conditionnement, nos laboratoires et nos bureaux. Cela nous a permis d’éviter toute contamination en interne et de continuer de travailler en permanence.
Premium Beauty News - IL Cosmetics a aussi apporté sa contribution à la lutte contre l’épidémie.
Jean-François Harpès - Nous avons fabriqué des solutions hydro alcooliques pour les hôpitaux au Luxembourg. Nous avions des stock d’alcool disponibles, ce qui était un avantage. Comme d’autres entreprises du secteur, nous avons adapté nos chaînes pour répondre à l’urgence.
Premium Beauty News - Quelle est la situation actuellement pour les différents sites d’IL Cosmetics ?
Jean-François Harpès - Nous avons continué à être opérationnels tout au long de la période de confinement dans nos trois usines, au Luxembourg, en Pologne et en Bulgarie. Seule notre R&D a été affectée, notamment parce qu’il a fallu réorganiser les tests avec nos panels de consommateurs, afin qu’ils puissent se faire à domicile.
Premium Beauty News - Quelle est votre vision de la situation économique à court terme ?
Jean-François Harpès - Si nos capacités de production n’ont pas été affectées, il va de soi que la demande a été impactée par la fermeture de très nombreux points de vente. Les commandes livrées ont été stockées par les marques, il va maintenant falloir écouler ces produits.Mais les occasions de consommation manquées ne seront pas rattrapées et les mois de consommation perdus ne pourront pas être récupérés. Nous anticipons donc un ralentissement de l’activité. Sur la base des échanges que nous avons eu avec nos clients, on peut s’attendre un recul du marché de -10% à -20% en 2020. Mais je pense que nous retrouverons un niveau de consommation proche d’avant crise dès 2021.
Notre chance est que nous sommes très forts dans des zones relativement moins touchées. En Allemagne, aux Pays-Bas et dans plusieurs pays du nord de l’Europe, la distribution n’a pas été complètement interrompue. De même, l’Asie représente une part significative de nos ventes et la crise a été moins violente en Chine, au Japon et en Corée.
La situation d’IL Cosmetics est très saine. Nous avions mis en place des mesures de rationalisation importantes qui ont déjà porté leurs fruits et nous avions anticipé une très forte croissance pour 2020. Au final, nous pourrions clôturer avec un chiffre d’affaires stable ce qui, compte tenu des circonstances, sera un très beau résultat et un atout.
Premium Beauty News - Quelle sera l’influence de la pandémie sur les différentes catégories de maquillage ?
Jean-François Harpès - Les premiers chiffres des distributeurs ouverts pendant la crise confirment que les catégories ongles et yeux sont à la hausse alors que les produits pour les lèvres et le visage ont baissé. Cette tendance devrait se poursuivre, ces dernières catégories s’accommodant plus difficilement du port du masque.
Une crise est aussi un puissant stimulateur d’innovation ! Pour répondre aux nouveaux besoins nous avons ainsi développé en temps record des produits désinfectants autour de nos lignes de maquillage.
Notre processus de création, qui place le retour consommateur au cœur de la validation des formules, est aussi un atout. Nous avons très rapidement mis en place un système de tests at home afin de pouvoir garder notre dynamique pour la recherche et le développement et ainsi continuer à alimenter nos clients en innovations.
Premium Beauty News - Quel sera l’impact sur les acteurs de la sous-traitance cosmétique ?
Jean-François Harpès - La baisse de la consommation - sur une voire plusieurs années - aura évidemment un impact. Les sociétés en situation difficile avant la crise vont avoir du mal à survivre, le mouvement concentration des sous-traitants va s’amplifier.
Cela signifie probablement de nouvelles opportunités de croissance externe qui nous permettront de continuer la diversification que nous avons entamée il y a déjà quelques années. Nous venons du vernis, nous sommes en forte croissance sur les catégories yeux et lèvres, nous sommes intéressés par des catégories complémentaires ou des marchés que nous ne servons pas encore.
Premium Beauty News - Les consommateurs semblent avoir de fortes attentes pour l’avenir, en termes de durabilité, d’éthique, de relocalisation des productions. Comment voyez-vous la sortie de crise ?
Jean-François Harpès - Ce qui est certain, c’est que ces deux derniers mois ont changé les habitudes de consommation. Mais ils serait présomptueux de prétendre savoir dès aujourd’hui quelles dimensions prendra la consommation d’après crise.
De façon très générale la sécurité des produits va rester une préoccupation essentielle. Cette tendance peut se décliner sur la formulation, les process de production, les applicateurs : tous les fabricants ont conscience que c’est un sujet non négociable sur lequel on attend toujours plus de leur part.
L’éthique et le respect de l’environnement sont et resteront des sujets importants.
La crise a ainsi montré les fragilités des supply chains mondiales très complexes. De ce point de vue, il y aura probablement poursuite du mouvement de relocalisation qui avait déjà été engagé avant la pandémie, notamment pour répondre aux besoins de réactivité et d’agilité. On était arrivé à une limite du système. Il serait toutefois naïf de penser que l’on s’oriente vers un retour en arrière complet, la qualité, l’efficacité et les coûts de productions demeurent des éléments primordiaux. En ce sens, je ne crois pas au morcellement de la production en un très grand nombre de petites usines. La tendance vers la concentration va se poursuivre.
Premium Beauty News - En conclusion, qu’aimeriez-vous dire aujourd’hui à vos clients ?
Jean-François Harpès - À demain ! Nous sommes 100% opérationnels et nous sommes impatients de vous présenter nos dernières innovations via l’un de nos prochains webinars !