Avec Bossa, lancé au Brésil pour Noël 2020, puis en France en mars 2021, Granado voulait célébrer ses 150 ans avec un parfum aussi emblématique que Carioca qui, cinq ans plus tôt, avait marqué l’apogée du travail de reconstruction de la marque autour de son berceau historique dans le centre de Rio de Janeiro.

Une plage loin des clichés

« Là où Carioca évoque le jardin botanique de Rio, à l’intérieur de la ville, Bossa raconte une promenade au bord de l’eau sur les grandes plages d’Ipanema et de Copacabana », explique Cécile Zarokian, sa créatrice.

Floral et solaire, Bossa s’éloigne toutefois des notes lourdes souvent associées aux plages tropicales. Les notes de tête vives (citron, mandarine, petitgrain) viennent contrebalancer les senteurs plus florales et douces du cœur (frangipanier, musc). « Je ne voulais pas un succédané de notes monoï et noix de coco lourdes, j’avais très peur de tomber dans les clichés de la petite française qui découvre le Brésil », souligne Cécile Zarokian. Pour capter l’odeur de la ville, elle s’est ainsi longuement promené dans le quartier d’Urca, au pied du Pain de Sucre, où l’odeur de l’océan est porté par une brise douce et fraîche. Créé en pleine pandémie de Covid-19, Bossa se veut aussi joyeux et positif, porteur d’allégresse : un écho aux Cariocas et à leur légendaire joie de vivre.

« Le projet a avancé très rapidement, dès la première rencontre avec l’équipe de Granado je suis repartie avec des briefs. Puis la marque a beaucoup apprécié l’originalité de ma création, jugée à la fois innovante sur le marché brésilien et accessible au plus grand nombre », témoigne Cécile Zarokian.

Car Bossa, à l’image de Carioca, son prédécesseur, devait résoudre une équation complexe : représenter Rio pour être un cadeau parfait pour les touristes visitant le Brésil, mais sans être caricatural afin de séduire également les clients Brésiliens très attachés à cette marque historique.

Interrogée par Alessandra Tucci, fondatrice de Paralela Escola Olfativa, partenaire de Cinquième Sens au Brésil, Sissi Freeman, Directrice Marketing de Granado, expliquait le choix de Cécile Zarokian par l’importance que la marque accorde à l’innovation : « Nous avons invité Cécile sur ce projet avec d’autres parfumeurs de sociétés de composition. Elle a réussi du premier coup, elle est parvenue à traduire parfaitement ce que nous voulions avec Bossa, une légèreté qui vient de la mer, qui vient de Rio. Nous voulions une note noix de coco bien élaborée dans notre collection depuis longtemps ».

Une parfumerie de haute qualité

« Depuis plusieurs années, Granado a engagé un véritable travail pour renouer avec ses racines mais aussi pour monter en qualité, avec la volonté de créer une parfumerie brésilienne qui parle à une clientèle internationale », précise Cécile Zarokian.

Le groupe brésilien, soutenu par Puig entré au capital en 2016 et qui possède également la marque Phebo, emblématique de l’art du parfum dans le pays, prend ainsi le temps de laisser macérer ses jus, une pratique incontournable de la parfumerie française traditionnelle mais peu pratiquée au Brésil. Pour répondre aux attentes d’une clientèle locale de plus en plus exigeante, flacons, capots et étuis sont également particulièrement soignés. L’illustration de l’étui, à peine retouchée par les graphistes de Granado, est directement issue des archives de la marque.

De quoi renforcer encore l’histoire d’amour entre le Brésil et le parfum. Le pays est le second marché mondial en volume, au coude-à-coude avec les États-Unis, et le troisième ou quatrième en valeur, selon les fluctuations des taux de change. Si les contraintes économiques pèsent fortement sur leurs achats, les Brésiliens ont une excellente connaissance des parfums internationaux, maintenant très bien distribués dans toutes les grandes villes du pays.

Même la parfumerie de niche, commence à gagner en popularité ! Si la plupart des marques internationales de ce segment restent encore inaccessibles pour l’immense majorité des consommateurs, des acteurs locaux proposent leur propre interprétation du concept, à l’image du groupe Boticário qui, en avril, a lancé O.U.I., une ligne de haute parfumerie conçue en France et produite au Brésil.

Et les investissements en qualité des marques brésiliennes portent leurs fruits : en 2020, en plein Covid, les ventes de parfum dans le pays ont ainsi progressé de 8,4%, selon l’Association brésilienne de l’industrie de l’hygiène personnelle, de la parfumerie et des cosmétiques (ABIHPEC). « Les Brésiliens sont de plus en plus surpris par l’offre des marques nationales de parfums qui, en plus d’offrir une très haute qualité, ont effectué des investissements constants en innovation ces dernières années », indique João Carlos Basilio, président de l’ABIHPEC.

Avec Bossa, Granado a été la première grande marque brésilienne à faire le choix de travailler avec un parfumeur indépendant français. Toutefois, le parfum, décliné en une multitude de produits (savon, gel douche, bougie…) a été entièrement fabriqué au Brésil. « Pour la fabrication du jus, j’ai fait appel à mon partenaire local Vollmens qui, en pleine crise sanitaire, a été capable de faire venir au Brésil les matières premières qui n’étaient pas disponibles sur place, comme le citron d’Argentine, la mandarine d’Italie, ou certaines molécules de synthèse que je souhaitais spécifiquement », raconte Cécile Zarokian.

Si le lancement en France, qui devait être soutenu par un pop-up store aux Galeries Lafayette des Champs-Élysées, a été perturbé par le troisième confinement qui a contraint à la fermeture des points de vente physiques du 3 avril au 3 mai 2021, les ventes de Bossa semblent à ce jour être à la hauteur des attentes de la marque. Selon Alessandra Tucci, experte en parfumerie, en stratégie et en innovation, créatrice de la société de formation Paralela Escola Olfativa à São Paulo au Brésil, il s’agit en tout cas du « floral solaire qui manquait au marché brésilien ».