Davantage d’espace en retail
Chez Isetan Shinjuku – l’institution et le premier grand magasin à promouvoir les parfums - j’ai pu constater à l’entrée un pop up spécial Olfactive Studio, proche du corner haute parfumerie de Guerlain ou Dior (leurs collections particulières) ou des stands Byredo et Jo Malone.
Dans le tout nouveau @Cosme à Harajuku , j’ai découvert le dernier étage consacré aux fragrances, aussi bien aux marques mainstream ou méga niches de grands groupes (Lancôme, YSL, Maison Margiela), qu’aux marques japonaises issues des grands groupes (Baum, de Shiseido ; Decorté, du groupe Kosé ; ou Three, de Pola) ou plus niches (Osaji , J-Scent).
Puis en arrivant dans le tout nouveau et magnifique mall d’Azabudai Hills, l’espace Nose Shop qui fait aussi la part belle aux marques de niche (telles que Amouage, Essential Parfums, ou Laboratorio Olfattivo) avec une conseillère très pointue.
Et enfin l’espace ultra luxe de Ginza 6 toujours oriente Beauté, mais qui accueille des stands comme Dyptique , ou deux marques de J parfums du groupe Kosé : Flora Notis ( lancé par Jill Stuart ) ou la ligne Kimono de Decorté.
Clairement la distribution s’est ouverte à la parfumerie, sur un marché plutôt « skin » saturé. Selon Yasuko Yoshioka, représentante de la J.F.A (Japan Fragrance Association), la parfumerie de niche est apparue depuis une dizaine d’années, répondant aux attentes accrues d’une nouvelle génération de fragrances lovers « lassée de la notion de parfum accessoire de mode ». Le phénomène s’est accru après les années Covid, avec le besoin de bien-être et le succès pendant le confinement du geste indirect de parfumage chez soi (succès de Dyptique par exemple) ainsi que l’émergence des réseaux sociaux …
Nouvelles expériences retail
Les grands groupes internationaux l’ont bien compris et investissent en grands magasins ou boutiques standalones spectaculaires de leurs marques « méga- niche » déjà bien établies, comme l’officine Buly (LVMH), Byredo (Puig), Maison Margiela (L’Oréal) ou Jo Malone (Estée Lauder).
Installations spectaculaires pour voyages olfactifs chez Jo Malone, exposition d’artisans japonais avec un bar à Kyoto pour le Labo… L’ expérience est à l’honneur pour des contenus très riches de marques et des storytelling relayés avec pédagogie sur les réseaux de plus en plus friands et connaisseurs.
Les autres marques importées se frayent un chemin dans cette nouvelle distribution spécialisée ou par les réseaux sociaux … On retrouve l’ensemble des acteurs français, italiens, ou anglo-saxons, l’Europe et surtout la France véhiculant l’image forte des savoir-faire traditionnels, et d’histoire en terme de parfumerie, de Caron à Essential Parfums, en passant par Nobile 1942 ou Ella K.
Difficile de chiffrer la part de cette parfumerie de niche sur un marché parfums qui connait une belle croissance de 7.7% en 2024, mais reste loin derrière la catégorie phare du skin care. Il représenterait 585 millions de dollars US, selon Euromonitor, soit environ 14% du skin care et 2% du marché total de la beauté. Notons que les données publiées par le Ministery of Economy, Trade and Industry (METI) ne comptent pas de famille « parfumage maison » (bougies ou diffuseurs ), une catégorie pourtant en pleine expansion au Japon.
Des concepts hybrides originaux
Alors est-ce un vrai et profond changement de comportement, avec de nouvelles habitudes pour les jeunes générations ? Vraie question pour demain, surtout lorsque l’on voit certains groupes japonais qui se lancent en parfumerie avec des concepts originaux, liés à la peau ou à la notion de bien-être …
Jill Stuart évoque les lifestyle collections, « transforming the now in happiness », Decorté avec sa collection Kimono, basée sur le concept de Sumehara (respecter l’espace d’autrui en portant une fragrance subtile), tandis que les essential scents de Three sont basées sur les huiles essentielles (les bienfaits de la nature apaisante), pas très loin des bénéfices de la nouvelle EDT Meditation de Ayura qui utilise de l’encens pour, « restaurer la paix intérieure ».
La fragrance Baum de Shiseido, prolonge l’univers skin care de la marque dans la catégorie mind care, tandis que Sensai propose une fragrance qui se mêle à la peau comme de la soie pure …
Quant à Ipsa, marque innovante du groupe Shiseido, elle vient de lancer le concept de « skin fragrance gel », une nouvelle sensation proposée en deux gammes : awake pour se rafraichir et rest pour la relaxation.
De son côté, Nose Shop propose un bar à senteurs dans le quartier branché de Aoyama, avec pour claim : You can easily enjoy the scent with a moderated fragrant specification.
Et surtout nous voyons des marques japonaises très pointues avec un style à part, revendiquant haut et fort les racines et la tradition japonaises, et souvent populaires sur les réseaux sociaux. Pour n’en citer que quelques-unes : J-Scent, Kitowa, Kohshi, Osaji, Aiam, Canoma, Edit(h).
Notons que Edit(h) et Osaji ont ouvert des espaces expérientiels en lien avec leurs ingrédients. Osaji propose ainsi un atelier dédié au « cacao incense » au Kako-a à Kamakura, et Edit(h) propose de son côté un bar de dégustation de thés.
Sans oublier les K fragrances qui ont aussi le vent en poupe sur les réseaux sociaux : on peut citer entre autres Sisology, Nonfiction, et Tamburins avec une boutique étonnante à Tokyo parmi beaucoup d’autres ( ceci pourrait être un autre article )
Le point commun de toutes ces lignes ? De petits contenants (moyenne 30/50 ml mais surtout essor des 8/10 ou 12 ml pour tester), élargissement très rapide au corps (crème ou compact, charm, mains, lèvres … ou au geste indirect de parfum d’ambiance (diffuseur, bougies). La marque Shiro, très présente avec ses nombreuses boutiques lifestyle et une offre de parfums complète, illustre parfaitement cette tendance.
Dans ce domaine où la délimitation entre parfum d’ambiance et parfums personnels peut sembler ténue, deux marques très pointues — Retaw et @Aroma — ont lancé des concepts de parfumage dignes de vrais parfumeurs, avec des boutiques en nom propre, du vrai conseil et une offre produits très large.
Peut-être des précurseurs de nouveaux gestes pour un marché en gestation et les consommateurs asiatiques qui souhaitent renouer avec leur tradition profonde et se réapproprier leurs gestes de parfumage ?
En termes de fragrances les goûts évoluent des hespéridés et floraux doux aux notes ambrées, musquées et cuirées, avec des ingrédients locaux tels que les Yuzu, Hinoki, Noi rose, le thé, ou les nites de Kinmokusai (l’olivier local).
Et oui le parfum au Japon devient un marché prometteur et créatif sur lequel il faudra compter. Un marché à observer de près car il peut devenir pilote pour toute l’Asie !
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Les grandes tendances et dernières innovations en matière de développement de parfums seront présentées et débattues à l’occasion du prochain Fragrance Innovation Summit, le 26 novembre à Paris. Programme détaillé : www.fragranceinnovation.com |




















