Ces minuscules et omniprésentes particules de plastique, pour la plupart invisibles, ont déjà été trouvés presque partout ailleurs sur Terre, dans les profondeurs des océans aux sommets des plus hautes montagnes, dans les sols, dans l’air, et la chaîne alimentaire. Mais c’est la première fois que leur présence dans le sang humain est démontrée.

Du plastique dans 80% des échantillons

Une étude néerlandaise [1] publiée jeudi dans la revue Environment International a examiné des échantillons de sang de 22 volontaires anonymes en bonne santé et a trouvé des microplastiques dans des concentrations quantifiables pour 17 d’entre eux (presque de 80%).

La moitié des échantillons de sang présentait des traces de PET (polytéréphtalate d’éthylène), l’un des plastiques les plus utilisés au monde, notamment pour la fabrication de bouteilles. Plus d’un tiers contenait du polystyrène, utilisé pour les contenants alimentaires jetables et de nombreux autres produits. Du PE (polyéthylène) et du PMMA (poly méthacrylate de méthyle) ont également été détectés (respectivement dans 23% et 5% des échantillons)

La moyenne des concentrations totales pour chaque donneur était de 1,6 µg de particules de plastique totales/ml d’échantillon de sang.

« Pour la première fois, nous avons été capables de détecter et de quantifier » de tels microplastiques dans du sang humain, explique Dick Vethaak, écotoxicologue à la Vrije Universiteit d’Amsterdam. « C’est la preuve que nous avons des plastiques dans notre corps - et nous ne devrions pas », a-t-il dit à l’AFP, jugeant nécessaire d’autres recherches sur l’impact possible sur la santé.

Origine à déterminer

« Où cela se retrouve-t-il dans notre corps ? Est-ce qu’il peut être éliminé ? Évacué ? Ou est-il retenu dans certains organes, peut-être en s’accumulant, peut-il même passer la barrière hématoencéphalique ? », s’interroge le scientifique à propos du plastique dans le corps humain.

Les voies d’absorption des particules de plastique détectées dans le sang humain passent probablement par les muqueuses (par ingestion ou par inhalation). L’absorption cutanée de particules fines est peu probable, sauf si la peau est endommagée. Selon les auteurs de l’étude, les microplastiques détectés pourraient ainsi avoir pénétré dans l’organisme par de multiples voies : l’air, l’eau ou la nourriture, mais aussi via des produits d’hygiène ou des cosmétiques (dentifrices ou rouges à lèvres, par exemple), ou même via de l’encre de tatouage.

Par ailleurs, « il est scientifiquement plausible que les particules de plastique puissent être acheminées jusqu’aux organes via la circulation sanguine », ajoutent-ils.

Des résultats solides malgré un échantillon réduit

L’étude a été financée par l’Organisation néerlandaise pour la recherche et le développement de la santé ainsi que par Common Seas, une ONG britannique dont l’objectif est de réduire la pollution plastique.

Cette étude prouve « sans équivoque » qu’il y a des microplastiques dans le sang humain, estime Alice Horton, spécialiste des contaminants anthropiques au Centre national d’océanographie britannique. « Elle contribue à prouver que les particules de plastique ne se sont pas seulement répandues dans tout l’environnement, mais qu’elles colonisent aussi notre corps », a-t-elle précisé auprès de Science Media Center.

Selon Fay Couceiro, enseignante en biogéochimie et pollution environnementale à l’Université de Portsmouth, malgré la petite taille de l’échantillon et le manque de données sur le niveau d’exposition des participants, l’étude est « robuste et résistera à un examen minutieux ». Elle a également jugé nécessaire de conduire de nouvelles recherches. « Après tout, le sang relie tous les organes de notre corps et si le plastique est là, il pourrait être n’importe où en nous ».