Pour beaucoup de ces nouvelles marques, le constat de départ est simple : « Pourquoi aller chercher au bout du monde des ingrédients exotiques alors que l’on a ici des matières premières extraordinaires et souvent inexploitées ?  »

Valoriser la biodiversité locale

« J’ai grandi avec un verger au fond du jardin, il n’y a rien de meilleur qu’un fruit tombé de l’arbre et la pomme, notamment la pomme à cidre de Normandie est extrêmement riche en polyphénols. Or la France est l’un des principaux producteurs avec le plus de variétés, » explique Fanny Marouani, créatrice de Pomarium, ligne bio qui valorise toutes les propriétés de la pomme.

« La France est pleine de ressources,  » assure de son côté Julie Ducret, à l’origine de Pulpe de Vie, marque bio à base de fruits frais installée en Provence et déjà chérie des japonaises. « Par éthique et pour limiter l’empreinte carbone, je me suis obligée à respecter un périmètre de 350 km maximum pour sourcer mes produits, » explique-t-elle. Une philosophie intransigeante qui concerne les fruits frais mais aussi tous les autres ingrédients : huile d’olive, cire d’abeille, miel, eaux florales, ocres du Lubéron …

Constatant l’attrait grandissant des marques pour le sourcing de proximité, le laboratoire d’extraction végétale ID Bio a lancé en 2012 une gamme baptisée Terroir en beauté, valorisant une matière première certifiée bio originaire des régions françaises : salicorne des marais Charentais, bluet des Vosges, carotte d’Alsace, quetsche de Lorraine … La gamme compte déjà 18 références et 6 en développement. « Les marques, grandes et petites, sont aujourd’hui prêtes à s’engager sur une origine régionale précise, ce que nous pouvons leur fournir. Nous avons beaucoup de demandes, tant sur la gamme standard que sur des extraits sur mesure, » assure Alexia Machado Forestier, responsable marketing et communication.

Une dynamique économique partagée

Au delà de l’exploitation des richesses botaniques régionales, les marques peuvent aussi s’appuyer sur l’image de régions fortement évocatrices. C’est ainsi que Stéphanie Seznec a fondé Britanie avec la volonté de mettre en avant l’art de vivre breton tout en soutenant le développement local. « Cela encourage la région à travailler ses ressources, ce qui ne vient pas forcément à l’esprit en cosmétique, » explique Arnaud Fourel créateur Nominoe, cosmétiques élaborés sur la richesse du biotope breton. Une démarche éthique mais pas toujours économique, « nous payons beaucoup plus cher les emballages fabriqués en Bretagne » reconnait Stéphanie Seznec, « mais c’est un gage de qualité auquel nous tenons  ».

Avec une quinzaine de partenaires locaux en moyenne, ces marques préfèrent privilégier la relation de proximité avec leurs fournisseurs, qu’ils soient pourvoyeurs de matières premières, de packs ou formulateurs. Une relation souvent perçue comme garante de la qualité et de la traçabilité des produits. Julie Ducret a poussé la logique jusqu’au bout et fait maintenant figurer en image, sur les emballages Pulpe de Vie, ses 25 producteurs de fruits. « C’est une logique de parler vrai  » affirme t elle.

La marque corse Solyvia soutient partiellement le financement de la production de certaines plantes, s’assurant ainsi sa part de récolte. « Quand on veut utiliser l’image d’une région, il est logique de s’investir pour cette région, » explique Christophe Fouilleron, l’un des ses créateurs. Un investissement qu’il déplore de ne pas partager avec les grandes marques. « La Corse et sa biodiversité ont le vent en poupe dans les grands groupes qui, malheureusement, viennent se servir sans pour autant créer d’emplois locaux. » Réuni avec 8 autres marques corses, il rejoint en 2012 Corsica Cosmetica, premier groupement cosmétique de l’île, créé à l’initiative de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Corse du Sud pour préserver et valoriser son atout beauté. « Nous avons mis en place une charte de bonne conduite pour protéger les plantes rares comme l’immortelle ou la myrte de toute exploitation abusive et imposer des quotas ».

Du régional au global

Ces produits régionaux surfent sur le besoin d’authenticité, d’ancrage et de proximité de consommateurs désireux de donner un sens à leurs achats. Ils sont également porteurs d’une puissance affective considérable, flattant tour à tour le sentiment d’appartenance ou le besoin d’évasion. Le sourcing local est perçu comme un acte de solidarité et comme un gage de qualité. Et lorsque, à l’image de la Provence, la région bénéficie d’une forte image touristique et d’un capital sympathie important au delà des frontières, elle peut aussi devenir un atout important à l’étranger. « L’accueil est particulièrement bon en Asie, les Japonais, grands admirateurs de Napoléon connaissent la Corse et apprécient sa naturalité, elle fait de plus en plus partie de leur destination de voyage, » assure Christophe Fouilleron. Le made in régional s’exporte bien.