Lancé par la Cosmetic Valley il y a trois ans, le projet Cosmétopée se veut l’équivalent dans le monde de la cosmétique de ce qu’est la « pharmacopée » dans celui de la pharmacie. Il s’agit principalement de recenser et de mettre en forme les propriétés cosmétiques des ressources botaniques de la planète, notamment en structurant des initiatives jusque-là dispersées. Un vaste projet donc, qui fait appel à de nombreux partenariats internationaux et qui doit aussi faciliter l’accès des industriels, notamment des PME, à ces ressources. L’industrie de la cosmétique étant, on le sait, sans cesse en quête de nouveaux ingrédients et actifs, en particulier d’origine végétale.

Protocole de Nagoya

Si le projet comporte un volet de recensement des pratiques et usages traditionnels des plantes en matière de beauté, il ne s’agit pas de piller les connaissances ancestrales. De ce point de vue, assure la Cosmetic Valley, le projet Cosmétopée s’inscrit dans le cadre du protocole de Nagoya 2010 sur l’utilisation des ressources génétiques de la planète, et contre la biopiraterie.

« Il faut savoir que 60% des matières premières végétales utilisées par le secteur des arômes et des parfums proviennent du monde sauvage, » précise Christain Moretti de l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

Recueil de données

En pratique, un important travail de bibliographie et de recherches sur le terrain est toujours à la source du travail de l’ethnobotaniste. Recueillir les informations sur les utilisations traditionnelles des plantes implique « de prendre en compte des informations liées à l’origine et la localisation de la personne interviewée, en effet, suivant les ethnies, une même plante sera utilisée de manière et pour des propriétés différentes, » explique Blandine Akendengué du Département de pharmacologie à la Faculté de Médecine de Libreville au Gabon.

Toutefois, le recueil des données traditionnelles et la sélection du matériel végétal ne constituent qu’une première étape. Par exemple, les saponines issues de la biodiversité africaine et asiatique sont bien connues pour leurs propriétés détergentes. Mais des travaux ont montré leur grande diversité structurale et biologique et que « certaines saponines sont actives sur le vieillissement cutané, au niveau dermique elles interagissent avec les stérols des membranes, » témoigne Marie-Aleth Lacaille-Dubois du Laboratoire de pharmacognosie à l’Université de Bourgogne. « Notre stratégie de recherche allie des disciplines complémentaires comme l’ethnobotanique, la phytochimie, la pharmacologie, » explique-t-elle.

Méthodes d’extractions innovantes

Le projet Cosmétopée comporte aussi un volet de développement de nouvelles méthodes d’extraction. Les avancées les plus récentes se trouvent dans le champ de la chimie verte.

La méthode des fluides supercritique en est un exemple. « Elle permet d’obtenir des fractions très concentrées, stabilise et met en évidence des composés difficiles. C’est un procédé très adapté pour les échantillons ayant de faible teneur en eau et conforme aux principes de la chimie verte » explique Éric Lesellier de l’Institut de Chimie Organique et Analytique d’Orléans.

D’autres méthodes nouvelles, telles que l’extraction par ondes sonores, l’extraction par micro-ondes, l’extraction par champs électriques pulsés, entrent également « dans l’objectif d’avoir des procédés d’extraction rapides, peu onéreux et respectueux de l’environnement » ajoutent Joël Doussot et Christophe Hano du Laboratoire de biologie des ligneux et des grandes cultures de l’Université d’Orléans.

Des activités biologiques objectivées

Les perspectives sont tout aussi intéressantes au niveau des méthodes d’objectivation.

Patrick Trouillas de la faculté de pharmacie de Limoges utilise les calculs de chimie quantique et de dynamique moléculaire pour évaluer les propriétés physico-chimiques en relation avec les activités antioxydantes des composés naturels. « Les simulations in silico ont un intérêt prédictif qui pourrait très rapidement être mis à disposition de problématiques industrielles. Nous pouvons déjà par le calcul comprendre la pigmentation de différents composés, » témoigne le chercheur.

« Avec nos modèles, nous sommes capables de mesurer la capacité des composés antioxydants à interagir avec les membranes, de quantifier cette interaction, de mesurer les effets de pénétration, de déterminer la fraction antioxydante responsable de l’activité, » explique de son côté Sandrine Morandet de l’Université de Technologie de Compiègne.

Sachant que selon Joël Doussot, « seulement 15% des 300 000 espèces végétales terrestres ont été étudiées au niveau de leur activité biologique », de larges horizons sont ouverts pour les acteurs de la cosmétique.