En 2015, le marché mondial de la beauté pour hommes (hors produits de rasage, savons, dentifrices et parfums) représentait 17,4 milliards d’euros, 30% de plus qu’en 2011, selon le cabinet d’études Euromonitor. Cependant, cela représente toujours moins de 10% du marché total des cosmétiques. Un marché d’avenir qui le restera ?

Pourtant Karine Schrenzel, co-dirigeante du groupe français de vente en ligne spécialisé ShopInvest, a le sourire : son pôle de cosmétiques masculins devrait connaître une croissance de 65% cette année. Selon elle, «  un homme a deux barrières » face aux produits de beauté, « il n’a pas forcément envie de passer un samedi après-midi à flâner dans les boutiques de cosmétiques, et il a une certaine pudeur, que le web permet complètement d’effacer.  » Sur ses deux sites spécialisés en la matière, MenCorner et Comptoir de l’Homme, les produits les plus plébiscités sont des huiles à barbe, des autobronzants, des colorations pour cheveux, des crèmes minceur ou dépilatoires. « Ces produits sont très surpondérés sur internet,  » ajoute-t-elle, alors qu’en magasins les classiques déodorants, gels douches, shampooings et autres produits de rasage dominent.

Aux États-Unis, puis en Europe, de nombreuses marques indépendantes haut de gamme pour hommes sont apparues ces dernières années. Photo : © Sjale / Istock.com

Pour se démarquer de la grande distribution et d’Amazon, les boutiques en lignes spécialisées misent sur les créneaux de niche. Les grands groupes ont souvent des marques avant tout féminines, avec des gammes masculines venues par la suite. Des marques originales, créées dès le départ pour les hommes, « ont vraiment une carte à jouer », estime Karine Schrenzel.

En Occident, les hommes ont longtemps été réfractaires aux produits de beauté. Mais aujourd’hui, « il n’y a plus de tabou masculin sur le bien-être  », surtout chez les jeunes, estime Michèle Verschoore, spécialiste en dermatologie cosmétique chez L’Oréal et auteure d’un Guide de la beauté au masculin, paru début 2016.

Aux États-Unis, puis en Europe, de nombreuses marques indépendantes haut de gamme pour hommes sont apparues ces dernières années, en particulier dans le domaine du soin de la barbe, affectionnant souvent un design dandy et rétro, comme les britanniques Captain Fawcett ou Apothecary 87. Lames et Tradition s’inscrit dans la même veine. Lancée il y a un an et demi, cette petite marque française vend notamment des huiles à barbe estampillées naturelles et made in France, principalement à des professionnels. « On a été rentable dès notre première année  », se réjouit Stéphane Couty, son fondateur.

Didier Arthaud, fondateur de la marque 66°30, est sur un créneau au développement plus lent, les crèmes de soin visage pour hommes, bio de surcroît. Il sera rentable cette année, pour la première fois depuis le lancement de sa marque en 2009. « On est sur la niche de la niche », car « globalement les hommes sont moins sensibles au bio que les femmes », en ne l’associant pas à l’efficacité qu’ils recherchent avant tout dans les cosmétiques, estime-t-il.

L’entrepreneur met en garde ceux qui verraient les cosmétiques pour hommes comme un nouvel Eldorado. « Les mentalités vont beaucoup moins vite que les marketeurs.  » Et les grands distributeurs sélectifs, tels Sephora, Nocibé ou Marionnaud, privilégient les poids lourds du secteur comme Biotherm, Clinique ou Clarins, relève-t-il.

Mais certains réussissent à tirer leur épingle du jeu. Et, ici comme ailleurs, quand un acteur indépendant commence à devenir intéressant, il finit souvent par être mangé par un gros poisson. Cet été, la marque américaine Dollar Shave Club, qui vend en ligne par abonnement des rasoirs et des produits de soin pour hommes, a été ainsi avalée pour un milliard de dollars par le néerlandais Unilever (Axe, Rexona, Dove...), leader mondial des cosmétiques pour hommes (hors rasage) devant le français L’Oréal.