La norme ISO 16128 s’efforce d’harmoniser les définitions des produits cosmétiques biologiques et naturels et de leurs ingrédients. Photo : © Best Photo Studio / shutterstock.com

Comme toutes les normes ISO, l’objectif était de dégager un consensus entre les différentes parties prenantes pour satisfaire au mieux les attentes des marques et des consommateurs. La norme tente de poser des définitions et des bases de calcul communes, reconnues internationalement, pour déterminer le niveau minimum d’ingrédients biologiques et naturels requis dans la composition des produits cosmétiques portant ce type de revendications.

Résultat d’un compromis, la norme a été critiquée par les labels historiques qui ont exprimé leur désaccord sur plusieurs points.

Par la voix de sa directrice Valérie Lemaire, le groupe Ecocert Greenlife - premier certificateur mondial en matière de cosmétique naturelle et biologique qui s’appuie principalement sur le cahier des charges du label européen COSMOS - conteste notamment trois points : la définition des ingrédients naturels, et le calcul des pourcentages minimums requis en matière d’ingrédients biologiques et d’ingrédients naturels.

« C’est une norme de calcul et pour faire ces calculs, il a fallu faire des définitions, or nous ne sommes pas d’accord sur les définitions », explique tout d’abord Valérie Lemaire.

Pour Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires de la FEBEA, « la norme ISO 16128 représente un consensus international, cela ne peut pas se limiter à la position de différents labels privés européens ». Pour l’industrie, la norme présente l’avantage d’une norme internationale offrant une référence mondiale sans pour autant ses substituer aux cahiers des charges à vocation nationale ou régionale des différents labels.

Le premier point de désaccord concerne la définition des ingrédients naturels. Cette dernière indique que selon les cahiers des charges du label COSMOS, un ingrédient naturel ne peut pas être qualifié comme tel à partir du moment où il provient d’une plante ayant subi une transformation génétique.

Sur ce point, la norme ISO 16128 précise que « les OGM ne sont autorisés que dans les régions du monde qui les permettent.  » En théorie, ils ne devraient donc pas être autorisés dans l’Union Européenne. Pourtant, selon Valérie Lemaire, il est courant que les fabricants d’ingrédients en France ou en Europe se fournissent de plantes en provenance de régions du monde où les OGM sont autorisés. « Aujourd’hui, le maïs et le soja sont quasiment toujours en provenance des États-Unis, donc 100% OGM, les ingrédients qui en sont issus pourront pourtant être qualifiés de naturels », ajoute-t-elle. En revanche, les ingrédients biologiques ne devraient pas être concernés, ne pouvant être labellisés bio en Europe s’ils proviennent d’une plante OGM.

Le second point d’achoppement concerne le calcul du pourcentage d’ingrédients d’origine biologique.

Anne Dux précise que « la norme ne permet pas à un industriel de dire que son produit est biologique, mais plutôt de garantir que ce dernier intègre un certain pourcentage d’ingrédients biologiques ». Pour ce faire, la norme prévoit de calculer le ratio des ingrédients biologiques introduits au début du processus de fabrication du produit.

Ce calcul au début du processus de fabrication interroge Valérie Lemaire. Elle considère que le mode de transformation du produit n’est pas pris en compte pour valider l’indice biologique. « Un fabricant peut très bien partir d’un ingrédient certifié bio et ajouter un solvant ou des molécules pétrochimiques. Une fois la formule transformée, la molécule biologique est complètement modifiée et sera mixte. Cet ingrédient qui pourtant ne respecte plus les principes de l’agriculture biologique va pouvoir être valorisé dans un pourcentage d’ingrédients d’origine biologique », explique-t-elle.

Une problématique qu’elle perçoit également pour le calcul de l’origine naturelle tout comme les allégations qui peuvent en découler. C’est le troisième point d’inquiétude.

« Aujourd’hui n’importe quel produit du marché peut se pourvoir d’un pourcentage d’origine naturelle, par exemple les tensio-actifs sont sur base végétale, mais il y a de la transformation, de la pétrochimie parfois pas du tout verte derrière. C’est donc l’ouverture à ce qu’il y ait des allégations sur tous les produits et que le consommateur s’y perde », explique-t-elle.

« Un procès d’intention », répond Anne Dux qui voit au contraire dans la norme l’occasion d’une simplification pour des consommateurs souvent confrontés à la diversité et la contradiction des labels.

La solution passe-t-elle par un meilleur contrôle des allégations environnementales, à l’image de ce qui existe en France ? Ce point semble en revanche faire consensus.