« Si un ingrédient d’origine animale n’est pas halal, ou s’il contient de l’alcool, il n’est pas seulement interdit de le consommer, il est aussi considéré comme impur : on ne peut pas se l’appliquer sur le visage ou sur la peau », explique le Cheikh Ali Achcar sur le petit stand de Halal Certification Services (HCS), un organisme de certification halal basé en Suisse, au salon in-cosmetics, qui se tenait la semaine dernière à Paris.

Les cosmétiques halal pourraient représenter 6% du marché global de la cosmétique en 2019. Photo : © Davizro / Itsock.com

Outre l’éthanol, la liste des produits interdits par l’islam comprend surtout des dérivés animaux (le porc ou les sous-produits du porc, les animaux morts ou mourants avant l’abattage, le sang et ses sous-produits, les animaux carnivores, les oiseaux de proie, les animaux terrestres sans oreilles externes, etc.).

En pratique, plusieurs substances peuvent poser problème aux consommateurs musulmans désireux d’étendre leur respect de la loi islamique aux produits cosmétiques. Les ingrédients éventuellement problématiques comprennent : l’allantoïne, l’ambre gris, le collagène, l’élastine, la gélatine, le suif et les dérivés du suif, la bave d’escargot, l’extrait de cochenille, etc.

« La majorité des consommateurs ne savent pas si les produits contiennent ou non des ingrédients dérivés d’animaux. Alors quand ils voient qu’un produit est certifié halal ils l’achètent,  » explique Ali Achcar. « Et comme certains industriels utilisent différents types de produits sur un même site, nous devons nous assurer qu’il y ait une séparation nette entre ces activités, pour éviter toute contamination croisée  », ajoute-t-il.

Pour l’industrie cosmétique, HCS fixe des prix allant de 1.500 à 2.000 euros pour l’analyse des ingrédients par sa propre équipe scientifique, sans compter d’éventuels frais de déplacement en cas d’inspections d’usines.

Un marché de 20 milliards de dollars

Il y a quelques années, la cosmétique halal était un marché de niche exploité par quelques PME, en particulier dans certains pays musulmans d’Asie du Sud-Est comme l’Indonésie, la Malaisie et Singapour. Mais la taille de ce segment grossit rapidement : il pesait déjà quelque 20 milliards de dollars (18 milliards d’euros) en 2014 et devrait doubler d’ici 2019, pour représenter 6% du marché global de la cosmétique, selon le cabinet d’analyses TechNavio.

Le phénomène est amplifié par le fait que « certains pays mettent en place des réglementations tendant à rendre obligatoires des certificats halal sur les produits finis en cosmétique », explique Monica Ducruet, responsable des questions de réglementation des ingrédients cosmétiques chez Givaudan en France.

Des grands groupes ont commencé à s’adapter : L’Oréal a ainsi expliqué à l’AFP avoir fait certifier halal «  des centaines de matières premières  » et ses lignes de production concernées pour l’immense marché indonésien, qui compte 200 millions de musulmans.

« Le fait que les produits halal peuvent être tracés tout au long de la chaîne de valeur est important (pour les consommateurs) en termes de garantie de qualité  », selon le numéro un mondial de la chimie, l’allemand BASF, qui a fait récemment certifier halal 145 de ses ingrédients fabriqués en Allemagne et destinés à des produits de beauté et d’hygiène.

« Le problème que l’on a c’est le manque de reconnaissance entre les différents organismes certificateurs. Certains pays, comme l’Indonésie, ont établi des listes de certificateurs halal agréés, mais c’est difficile d’avoir un certificat reconnu dans plusieurs pays  », selon Mme Ducruet. Il y a, par exemple, cinq grands certificateurs halal en Allemagne et des systèmes étatiques dans certains pays, comme en Turquie et en Iran, ce qui rend essentiel pour les marques de bien connaître leurs marchés cibles avant de lancer le processus de certification.