L’engouement pour une salle de bain « zéro déchet » qui s’affranchit de produits d’hygiène liquides aux emballages volumineux, le plus souvent en plastique, se traduit aujourd’hui par une proposition de plus en plus fournie de formats poudre.

Les solutions apparaissent soit sous forme de poudres libres ou compactées à réhydrater dans un flacon (900.care, Juliette) pour reconstituer un produit liquide à garder, soit sous forme de poudres libres à utiliser directement avec un peu d’eau, comme la gamme Perlucine, les shampoings et démaquillants Yodi ou encore les masques soins du visage conditionnés en gélules végétales unidoses de Laboté.

Dans tous les cas, le format accompagne une nouvelle gestuelle simple et pratique, qui capte le consommateur soucieux de réduire son empreinte carbone tout en préservant la qualité et la sensorialité de ses soins quotidiens.

Toutes les solutions sont permises

Dans cette mouvance, la version libre de la poudre semble avoir la faveur des derniers lancements. « La poudre libre présente l’avantage d’éviter une étape de mise en forme, comparativement aux formes compactes, et de se dissoudre à priori plus facilement et plus rapidement dans l’eau au moment de la reconstitution. Dans la mesure où elle a vocation à être diluée pour devenir un produit d’hygiène liquide que l’on garde, elle devra nécessairement comporter des conservateurs », explique Stéphanie Reymond, fondatrice et dirigeante de Squarexpert, agence de conseils techniques et marketing pour l’industrie cosmétique. La version libre à diluer à chaque utilisation peut, en revanche, s’affranchir de cette contraire.

Parmi les derniers lancements, les tout nouveaux gels douche JU. À la fleur de coton, d’oranger, à la vanille ou à l’amande, ils entrent dans la salle de bain sous forme de sachets de poudre à diluer. Un flacon pompe en verre sécurisé est fourni lors de la première commande, accompagné de trois sachets poudre de 25g aux différents parfum, qui permettront, une fois dilués avec de l’eau du robinet de reconstituer un gel douche liquide à garder dans la salle de bain. Très fluide, la poudre se mélange facilement pour formuler un produit adapté à toute la famille.

Les doses conditionnées dans du papier et pour partie dans un léger film plastique recyclable, sont ensuite expédiées sous simple enveloppe et peuvent se conserver jusqu’à 3 ans. « Nous voulions faire bouger les choses en commençant par proposer le gel douche, un produit généralement constitué à 90% d’eau. JU ne garde que les 10% actif sous forme de poudre, composée à 99% d’ingrédients d’origine naturelle », explique Karline Hamain, fondatrice de la marque Juliette.

Sur cette lancée, la marque prévoit le développement d’une gamme complète d’hygiène adulte et enfant, avec en février prochain un dentifrice qui, sur le même concept se présente en sachet de 8g de poudre à hydrater dans un flacon pompe adapté. Pour accompagner sa démarche la marque s’est rapprochée des Laboratoires Gilbert basés en Normandie et spécialisés dans l’univers de la santé et de la beauté, qui prennent en charge la fabrication des produits. Les Laboratoires Gilbert sont entrés au capital de la start-up lors du tour de table de 2 millions d’euros bouclé en septembre 2021.

« Il y a encore peu d’acteurs spécialisés sur le marché. La formulation et le conditionnement sont assez techniques », précise la fondatrice de la marque.

Renforcer l’étape industrielle

Effectivement, comme le confirme Stéphanie Reymond, la fabrication de ces formats poudre rencontre encore quelques freins.

« D’un point de vue formulatoire, le choix des tensio-actifs sous forme solide est encore relativement restreint, surtout si l’on veut combiner des critères de naturalité, de certification Cosmos et de bonne tolérance de la peau », assure-t-elle. « D’un point de vue production, c’est le conditionnement qui est délicat. Du fait de la volatilité des poudres, il peut y avoir des risques liés à la manipulation de ce type d’ingrédients - explosivité de certains mélanges, risques d’inhalation et de contacts avec l’épiderme - dont on doit s’affranchir », ajoute la spécialiste.

La marque Step One, lancée en 2019 à Aurillac dans le Cantal, s’est justement construite avant tout sur la technique, en déposant dès 2017 un premier brevet sur sa méthodologie de production. Elle propose aujourd’hui une large gamme de 21 références : gels douche/gels lavant corps et cheveux, visage ou mains et shampoings, toujours sous forme de poudres à diluer dans un flacon, et de doses recharges en sachets papier PLA compostables. La marque, très active à l’export, notamment dans les pays nordiques, vient de sortir en janvier 2022 le premier déodorant en poudre à reconstituer (6 g) dans un flacon roll-on 50 ml avec bille verre et rechargeable à l’infini.

« Nous avons été les premiers à définir un complexe formulation + production. Aujourd’hui nous avons une forte demande de produits à façon sur notre technologie », explique Héloïse Fontaine, fondatrice de la startup.

Pour faire face à cette demande, le laboratoire envisage d’aborder une étape d’industrialisation plus importante, notamment avec l’appui de l’ADEME (la société étant lauréate de l’appel à projet EETE dans le cadre du plan France Relance). « L’idée est de pouvoir s’ouvrir aux grands comptes de plus en plus intéressés par cette démarche », souligne l’entrepreneuse.

De son côté, l’entreprise Lessonia, fabricant d’ingrédients et de produits cosmétiques, et spécialiste des poudres depuis son origine, a également choisi de miser sur le renforcement de son outil industriel et s’est doté d’une machine de conditionnement dédiée à la cosmétique en poudre.

« Les produits poudre nécessitent un équipement industriel et un savoir faire que le métier de la cosmétique n’a pas forcément. Les problématiques ne sont pas les mêmes, il y a des questions de mélanges, de granulométrie, de densité, de tenue. Sur la partie conditionnement, un injecteur pour poudre n’est pas du tout la même chose qu’un injecteur fait pour du liquide », précise Charles-Henri Morice, directeur de l’innovation.

Par ailleurs, le responsable pointe du doigt des contraintes règlementaires non adaptées pour le moment à ce nouveau marché et à ses caractéristiques bien spécifiques. « Qu’est ce que l’on considère comme un produit fini, la poudre ou le produit reconstitué ? » interroge-t-il. « Le fait que le produit se transforme complexifie tout. Il y a là un vide règlementaire qui nous oblige à jongler. Concernant les conservateurs par exemple, nous devons avoir une quantité suffisante dans le produit fini reconstitué mais à l’inverse, selon le règlement cosmétique européen, il y a une limite à ne pas dépasser dans le produit sec. Il faut donc trouver le bon pourcentage dans le poudre qui doit être suffisant pour le produit reconstitué », explique Charles-Henri Morice.

En dépit de sa jeunesse, la catégorie des produits cosmétique/hygiène en poudre impose donc des ajustements justifiés par la demande. Une étape transitoire qui devrait lui assurer un bel avenir.