Jérémy Pessiot, fondateur et dirigeant d’Afyren

Le remplacement des molécules de parfumerie venues de la pétrochimie par leur pendant 100% naturel obtenu par la chimie verte reste pour l’instant de l’ordre du confidentiel. Produites en petite quantité, le coût élevé freine le développement de ces solutions naturelles à grande échelle.

« Il n’y a pas pour le moment de marques établies avec de gros volumes qui revendiquent du tout naturel avec des ingrédients issus de la chimie verte, en revanche il peut y avoir des contraintes données par le client pour leur utilisation, mais le coût de la formule va être multiplié par 3 ou 4 », assure le parfumeur Antoine Lie.

Très impliqué dans cette recherche de naturalité des parfums, le créateur se tourne donc vers de nouveaux acteurs venus d’autres horizons industriels, actuellement en phase de développement de précurseurs réactifs naturels qui seront produits en grand volume et donc à un coût plus abordable.

Valorisation de coproduits agroalimentaires

C’est le cas du français Afyren qui valorise la biomasse végétale pour créer des molécules habituellement synthétisées à partir de pétrole. « Notre solution est de valoriser des coproduits agro-industriels pour aboutir à des molécules qui existent déjà de façon synthétique à partir de pétrole », explique Jérémy Pessiot, fondateur et dirigeant d’Afyren.

Ces coproduits viennent de l’agro-industrie, notamment sucrière. Afyren récupère la pulpe de betterave ou les mélasses de sucrerie qu’elle met en fermentation, pour produire des acides organiques qui, eux-mêmes, serviront à la fabrication de molécules pour différentes industries comme la nutrition humaine et animale, la cosmétique et bien sûr les arômes et parfums.

La particularité de cette entreprise créée en 2012, est qu’elle prépare une production à grande échelle de ces produits naturels et respectueux de l’environnement. Elle lancera à la fin de l’année la construction de son usine en France qui fournira à terme 16.000 tonnes d’acide organique par an. Un volume industriel qui rendra les molécules issues de cette technologie beaucoup plus compétitives et placera Afyren au rang de leader mondial dans ce domaine.

« Nous avons réussi à copier la nature par biomimétisme et à en faire un procédé industrialisable, 100% naturel, sans déchets, avec toutes les logiques d’économie circulaire. De plus, nous produirons 7 acides carboxyliques en même temps alors qu’il faut 7 usines ou process différents pour les faire normalement à partir de pétrole. Enfin, notre procédé réduit de 70% les émissions de CO2 par tonne produite », ajoute Jérémy Pessiot.

En attendant cette étape industrielle, Afyren travaille déjà avec les maisons de parfum sur la production de solutions en plus petite quantité. En parfumerie, ces molécules interviennent principalement pour des notes fruitées et dans la famille des esters, fruits d’une combinaison d’un alcool et d’un acide.

« C’est une famille que l’on peut reproduire à partir du moment où l’on a les deux constituants en naturel. Il y a énormément d’esters en parfumerie, ce sont des molécules peu coûteuses donc très utilisées. Il est donc très intéressant de pouvoir la substituer. De mon côté je travaille à la garantie de l’équivalence olfactive par rapport à la version de synthèse », précise Antoine lie.

Vers des matières inédites

« Les acteurs comme Afyren vont utiliser leur force de frappe liée à leur taille, pour pouvoir mettre à disposition des parfumeurs des produits qui vont être de plus en plus compétitifs en prix, mais d’autres programmes de recherche sur de nouveaux ingrédients inédits sont en cours », poursuit le parfumeur.

L’idée est de travailler sur la combinaison d’ingrédients naturels existants, associés aux réactifs issus de la chimie verte. Le résultat pourrait cette fois apporter au marché de nouvelles matières olfactives, inconnues et en grande quantité.

« Cet autre aspect de la recherche en création est très excitant et nous permet de penser que la chimie verte a un grand avenir en parfumerie. Toutes ces initiatives favorisent la transition pour une parfumerie de plus en plus verte » assure Antoine Lie.