Premium Beauty News - Comment est née Chloé Eau de Parfum Naturelle ?

Karole Stanislas - Cette nouveauté s’inscrit dans la démarche de développement durable qui anime Chloé depuis quelques années. Et plus particulièrement depuis un an, avec l’arrivée de la nouvelle Directrice de Création, Gabriela Hearst, qui prône une mode éthique et responsable. Le dernier défilé de la marque lors de la Fashion Week en témoigne. Par ailleurs, ce parti-pris puise aussi dans l’ADN de Chloé, une marque qui a toujours cultivé une féminité naturelle et authentique (“the most naturally feminine fashion brand”).

Premium Beauty News - Ce lancement reflète-t-il une quête de naturalité chez les consommateurs ?

Karole Stanislas - Ce projet traduit d’abord ma vision holistique de la consommation. Mais aussi ma conviction que le public recherche des produits plus “clean” ou naturels. La crise sanitaire a aussi favorisé l’aboutissement de ce projet, achevant de convaincre les maisons de composition. Car il a fallu se battre pour imposer ce lancement, l’industrie était réticente, notamment pour des raisons techniques liées au sillage et à la tenue du parfum. Cela dit, si je crois cette tendance réelle, aucune étude ne le démontre véritablement. C’est, de plus, variable d’un pays ou d’un marché à un autre. Mais il suffit d’observer les linéaires de beauté pour s’en convaincre.

Premium Beauty News - Quel regard portez-vous sur la tendance du naturel en parfumerie ?

Karole Stanislas - Je pense que le naturel est aux yeux des consommateurs un gage de confiance, notamment en termes de santé, à tort ou à raison d’ailleurs. Mais cette tendance se heurte à deux écueils : d’une part, à un fort lobby de l’industrie, et d’autre part au fait qu’il s’agit d’un choix coûteux. Je pense qu’il faut parvenir à un équilibre en termes de formulation. Les études sur le sujet sont nombreuses et contradictoires. On condamne d’un côté les perturbateurs endocriniens issus de la pétrochimie. De l’autre, les ressources naturelles ne sont pas inépuisables, d’un point de vue écologique. C’est pourquoi les maisons de composition développent des matières renouvelables ou des ingrédients issus de l’upcycling. La chimie verte est à mon sens une réponse à ce sujet complexe, très actuel chez Coty.

Premium Beauty News - Quel brief avez-vous donné au parfumeur Michel Almairac pour cette nouveauté ?

Karole Stanislas - Derrière le brief, il y avait une volonté de réinterpréter le parfum signature en lui apportant une nouvelle facette, avec cette contrainte créative. Il était essentiel que le parfum dégage olfactivement cette naturalité, comme une évidence. À travers des facettes vertes notamment, qui expriment cette idée de nature, de jardin en fleurs.

Premium Beauty News - Cette eau de parfum se compose d’ingrédients « 100% d’origine naturelle ». Pouvez-vous nous en dire plus d’un point de vue technique ?

Karole Stanislas - Le parfumeur Michel Almairac a travaillé à l’aide de belles matières naturelles, (rose, cédrat, néroli et cèdre), issues de l’agriculture biologique et de filières écoresponsables. Il y avait une volonté de transparence de la marque à ce sujet. Cette formule comprend également des isolats, ces molécules extraites à l’aide d’un processus chimique à partir d’une plante, à condition qu’elles contiennent plus de 50% de carbone renouvelable. Je n’étais pas impliquée dans le processus créatif, mais les matières renouvelables que les maisons de composition - en l’espèce, Robertet- ont développées récemment, étaient aussi un enjeu.

Premium Beauty News - Vous êtes la première grande marque à proposer une eau de parfum « naturelle ». S’agit-il d’un tournant décisif pour l’avenir de la parfumerie ?

Karole Stanislas - L’engouement pour cette parfumerie existe, mais je ne suis pas certaine qu’elle devienne une tendance à part entière dans le sélectif. Les parfumeurs sont, certes, de plus en plus sollicités pour ce type de projet, ce qui témoigne d’une attente du public. Mais je ne pense pas que toutes les grandes marques soient prêtes à franchir le pas. C’est un sujet délicat, qui se heurte au fort lobby de l’industrie et au manque de transparence entourant la formulation. Le choix de matières naturelles, qualitatives, est en outre onéreux.

La tendance du “naturel” est déjà bien ancrée dans le secteur du beauty care ou de la parfumerie de niche. Elle fait aujourd’hui ses premiers pas dans le sélectif, s’inscrivant dans une prise de conscience écologique globale. En effet, les initiatives fleurissent chez les grandes marques pour employer des matériaux plus “clean” ou écoresponsables. Reste à voir comment la chimie verte peut redessiner la parfumerie de demain.