Regiane de Oliveira Sousa, représentante commerciale de 38 ans de São Paulo, a profité à fond du télétravail : ces six derniers mois, elle a enchaîné peeling, réduction mammaire, liposuccion et harmonisation du visage. « Des amies à moi ont elles aussi profité du fait d’être en télétravail pour faire ces chirurgies », révèle-t-elle à l’AFP.

« Quand on reste chez soi, on a plus de temps pour se regarder dans le miroir, parce qu’on n’a plus cette vie agitée, où on se déplace sans arrêt », raconte cette jeune femme blonde, qui s’apprête à recevoir une injection d’acide hyaluronique dans les lèvres, dans une clinique d’un quartier chic.

Coût de l’opération : 3.800 reais brésiliens (environ 600 euros), soit près de quatre fois le salaire minimum au Brésil.

« Augmentation significative »

Sa chirurgienne, Cintia Rios, fait état d’une « augmentation significative » des opérations, «  environ 40% par rapport à ce qui se faisait avant (la pandémie) ». « J’ai dû allonger mes horaires et j’ai embauché trois employés, la beauté n’est pas en crise, Dieu merci ! », poursuit-elle.

Selon elle, les otoplasties (chirurgie des oreilles décollées) sont très prisées en raison du port du masque « qui les fait ressortir » : « d’habitude, c’est plutôt pour les enfants de 8 ou 9 ans, mais cette année, beaucoup d’adultes le font ».

Boom de l’esthétique des lèvres

Mais « les lèvres sont aussi mises en valeur, parce que, lors des visioconférences du télétravail, on se voit en permanence sur l’écran », renchérit sa patiente.

La clinique de Cintia Rios est en plein boom, alors qu’elle avait dû fermer de mars à mai, à cause des mesures de restriction prises par les autorités locales au début de la pandémie.

« On avait l’impression que ce serait la fin du monde », dit Thiago Aragaki, orthodontiste, qui, en plus de sa spécialité, réalise des actes esthétiques simples, notamment des injections de botox, dans son cabinet d’un quartier populaire de l’est de São Paulo. « En juin, on a rouvert, avec toutes les précautions nécessaires. Certaines patientes ont arrêté de venir, mais nous avons vu de nouvelles demandes », notamment en ce qui concerne les injections dans les lèvres, explique-t-il.

C’est justement ce qu’est venue faire Rita Monteiro Meireles, 34 ans, qui a vu dans le confinement une opportunité pour utiliser l’argent épargné et se lancer dans la série d’opérations esthétiques dont elle rêvait depuis son divorce, il y a trois ans.

« Je n’aimais pas mon visage. Et puis, dès que j’ai fait une bichectomie (opération pour creuser les joues), j’étais la personne la plus heureuse du monde », raconte-t-elle. Rita sourit en regardant dans un petit miroir son nouveau visage, avec les lèvres encore gonflées après l’injection.

Pour Henriette Morato, docteure en psychologie de l’Université de Sao Paulo (USP), la chirurgie esthétique peut servir de « palliatif », dans une époque d’angoisse et d’incertitudes. « C’est comme un simulacre d’un plus grand contrôle sur sa propre vie, pour changer ce qui est encore possible », poursuit-elle.

« Année atypique »

Toutefois, même si certaines cliniques comme celle de Cintia Rios ont vu le nombre d’opérations augmenter, « tout n’est pas si rose », pour Denis Calazans, président de la Société Brésilienne de Chirurgie Plastique, notamment en raison de la fermeture des cliniques pendant de nombreuses semaines.

« C’est une année atypique. On devrait avoir des chiffres inférieurs à ceux d’avant la pandémie » pour l’ensemble du secteur, même si des cliniques proposant des actes plus simples ont tiré leur épingle du jeu. Selon lui, le télétravail et des économies sur certaines dépenses comme les sorties et les voyages ont permis aux Brésiliens aisés « d’investir en eux-mêmes ».

Le Brésil est le leader mondial des chirurgies plastiques, avec 13,1% du marché, selon les chiffres de la Société Internationale de Chirurgie Plastique (ISAPS). Mais quand on prend en compte l’ensemble des actes esthétiques, y compris les simples injections, il reste derrière les États-Unis.