Exister sur un marché concurrentiel

De fait, avec 330 millions de consommateurs et un budget cosmétique moyen annuel de 190 dollars par habitant (pour un marché total de 89 milliards de dollars en 2018), les États-Unis continuent d’attirer les convoitises : « C’est un marché très concurrentiel, avec des produits qualitatifs proposés à prix compétitif par les leaders locaux [1], appuie Laura Landry, conseillère Art de Vivre & Beauté à Montréal et spécialiste de la côte Est des États-Unis. Un tiers du marché des cosmétiques est consacré aux produits premium (avec des tendances fortes sur les dermo-cosmétiques ou les colorants capillaires). Il faut donc arriver avec une bonne assise financière pour pouvoir investir sur la distribution et le marketing ».

Un travail sur la notoriété donc, mais aussi sur le positionnement innovant du produit : car les États-Unis n’échappent pas à leur réputation de prescripteurs de tendances. « Sur les deux côtes américaines, des phénomènes comme la Clean Beauty ou la Beauty Tech – et, dans une moindre mesure : le CBD Beauty (Cannabidiol) [2] en Californie - forment un tissu d’innovations à surveiller », confirme Lucie Bruno. Lors des derniers CES de Las Vegas, un corner Beauty Smart a fait son apparition sous l’impulsion de grands groupes comme Johnson & Johnson ou Neutrogena. À San Francisco par ailleurs - où L’Oréal a ouvert son Tech Incubator il y a quelques années - on recense de plus en plus de services associés Beauty Tech (par exemple : la recommandation personnalisée de produits dermatologiques en fonction des données de la peau). Ces services visent à enrichir l’expérience client avec toujours plus de conseil individualisé.

L’engouement clean beauty

« Mais l’opportunité numéro un pour les entreprises françaises, c’est probablement la Clean Beauty », résume Laura Landry. De la côte est à la côte ouest, elle a pu observer l’implantation de marques comme Nailmatic, Manucurist ou encore Bastide, Melvita, Alès ou Yonka, et, à chaque fois, l’intérêt des distributeurs s’est manifesté pour l’image terroir et bio du Made in France. « Bien sûr, la cosmétique à la française est surtout associée à un positionnement luxe et haut-de-gamme. Mais le phénomène de la Clean Beauty crée un appel d’air qui pourrait profiter à des entreprises plus petites : fabricants de cosmétiques durables, entreprises spécialisées dans l’ingrédient ou dans le packaging… c’est le moment d’en profiter ! »

Car les leaders du secteur s’engagent de plus en plus dans le mouvement : en 2019, le groupe L’Oréal a ainsi lancé la marque intrapreneuriale Seed Phytonutrients [3] sur le sol américain, et plus récemment le groupe s’est associé à Business France pour le programme French Beauty Booster : « Leur volonté est d’identifier les pépites françaises, confirme Lucie Bruno, et ce programme d’immersion [4] pourrait faciliter les opportunités de rencontres ».

Exporter aux États-Unis
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Aux États-Unis où la croissance globale du secteur cosmétique s’établit à 3,4% depuis cinq ans, la bonne santé du secteur Clean Beauty (avec des prévisions de croissance annuelle de 11% sur la période 2018-2026) fait forcément des envieux. « Quand on les interroge, 59% des consommateurs américains répondent qu’ils sont intéressés à tester une nouvelle marque si celle-ci est estampillée Clean Beauty. Et, même si les ventes de cosmétiques naturelles et biologiques ne représentent pour l’instant que 6% des ventes, on peut s’attendre à davantage pour le secteur Clean… car celui-ci ne se résume pas aux concepts bio et végétal », témoigne Lucie Bruno.

« Clean Beauty »… La définition est effectivement plus large : elle engloberait ainsi les produits qui limitent les ingrédients chimiques, mais aussi ceux qui consomment moins de ressources, ou encore ceux qui s’engagent à davantage d’éthique dans les relations client-fournisseur… « Le concept est un peu hétéroclite, et il s’accompagne nécessairement d’un bon storytelling autour du caractère sain du produit, car 86% des américains déclarent lire les ingrédients de leurs produits donc c’est une population très informée, confirme Lucie Bruno. Mais, contrairement à d’autres pays, il n’y a pas de pouvoir du label ou de l’origine bio d’un produit : la Clean Beauty reste davantage une tendance qu’une norme ». Seule exception : en Californie, le label « cruelty free » envers les animaux reste un standard élémentaire…

Retail first

Le marketing et la distribution s’imposent dès lors comme le nerf de la guerre : « Si la Clean Beauty s’est développée aussi rapidement avec des marques comme Tata Harper ou Drunk Elephant, c’est parce qu’elle a bénéficié de l’essor des réseaux de distribution spécialisés, confirme Laura Landry. Parmi eux, on peut citer Credo Beauty (ouvert en 2015) ou The Detox Market (lancé en 2010 par Romain Gaillard, un français). Et des sites e-commerce très influents dans le domaine comme Goop [5], Follain ou Shen Beauty ».

Tous segments confondus, ce rôle d’accélérateur du distributeur est d’ailleurs un élément-clé à prendre en compte quand on souhaite développer une stratégie d’export aux États-Unis : « Beaucoup d’entreprises envisagent souvent l’export aux États-Unis sous l’angle de la côte Est. Mais de nombreux distributeurs opèrent sur l’ensemble du territoire et souhaitent donc avoir accès à une chaîne logistique réactive, qu’il s’agisse du transport de marchandises ou d’accès à l’information sans trop de décalage horaire : l’implantation sur le territoire américain est donc largement recommandée », conseille Lucie Bruno.

Car si le e-commerce se développe de plus en plus (13,5% de la distribution), l’emprise des grands retailers que sont des groupes comme Walmart ou Target reste encore très forte dans les territoires du Midwest américain. Tout comme des chaînes plus spécialisées comme Sephora ou Ulta. « Et la spécificité américaine si vous cherchez à décrocher un distributeur, c’est le ciblage par statistiques ethniques : sur certains produits cosmétiques, il peut y avoir des stratégies différenciées… une démarche qui peut parfois surprendre », signale Laura Landry.

Un challenge de notoriété

Réservoir de consommation et vitrine internationale, les États-Unis continuent donc d’attirer avec des droits de douane assez bas pour les produits cosmétiques (inférieurs à 6%) et une réglementation FDA alignée sur les standards européens. La procédure d’enregistrement y est en outre limitée aux seuls produits présentant des caractéristiques médicales, comme la crème solaire ou les shampooings antipelliculaires par exemple.

« Mais attention, sous cette apparente ouverture, il ne faut pas minimiser le challenge représenté par l’aventure américaine, » avertit Laura Landry. « Le marketing doit être bien ficelé, à commencer par la stratégie digitale : aux États-Unis, même une PME doit réunir plusieurs milliers de followers… ». Et des éléments vitrine comme le site internet ou l’ambassadeur de marque doivent être adaptés à la culture américaine : concision des textes et des visuels pour le site internet, choix d’un influenceur local ou d’un partenariat pour développer la marque (ex : s’inspirer de collaborations insolites telles que Nailmatic x MoMa).

« La notoriété de la marque sera toujours un facteur décisif de succès sur le sol américain », conclut Lucie Bruno. « Au final, c’est un marché majeur et concurrentiel mais qui a l’avantage de la stabilité : quand il y a eu la crise de 2008, on s’est rendu compte que le budget cosmétique des ménages ne diminuait pas. C’est probablement cette solidité associée à l’enjeu d’image d’une présence sur le sol américain qui pousse autant d’entreprises à tenter l’aventure…  »

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