Jean-Marc Germain, CEO et Ingrid Joerg, COO, Constellium

Le patron du spécialiste de l’aluminium, qui a réalisé 7,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2024, appelle à ce que ce matériau soit exclu du dispositif devant entrer en vigueur en 2026 et qui concerne aussi l’acier, le ciment, l’hydrogène ou l’engrais. À défaut, des « ajustements massifs sont nécessaires », dit-il dans un entretien à l’AFP, plaidant que « l’Europe ne produit pas assez d’aluminium ».

« Il est important de dire que tout ce qui peut être fait pour aider la décarbonation, c’est bien. Mais de notre point de vue le CBAM [1] fait exactement l’inverse dans le secteur de l’aluminium », explique-t-il.

Pour Jean-Marc Germain, en effet, ce nouvel instrument européen relève typiquement de « la catégorie où le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

Baisse de compétitivité européenne

Il estime que le mécanisme aura pour conséquence directe une augmentation des coûts pour les producteurs européens. « Même en admettant que la compensation sur les importations marche, ça veut dire que tout ce qu’on essaie d’exporter devient plus cher. Je fais des produits pour l’aéronautique, pour l’automobile, des produits d’emballage... Ils vont devenir plus chers, ça va être reflété dans mes prix à mes clients et quand mes clients exportent, ils vont être moins compétitifs qu’avant. Et on augmente nos coûts de l’électricité, déjà trois fois plus élevé en Europe que dans les pays où on se compare, Chine ou États-Unis ».

L’industrie européenne devrait ainsi mécaniquement perdre en compétitivité, ce qui veut dire « moins exporter », « avoir moins de clients » et perdre des emplois.

Risques de contournement

Le PDG de Constellium estime également que les mécanismes aux frontières peuvent être contournés.

« Par exemple, la Chine pourrait dire qu’elle exporte vers l’Europe l’aluminium produit grâce à l’énergie hydroélectrique, et qu’elle garde pour elle celui qui est produit avec le charbon. On peut aussi faire passer par un pays tiers ou transformer un peu plus le produit. Et qu’est-ce que ça fait pour les émissions ? Rien du tout. Ça ne les réduit absolument pas », expose-t-il.

Même si son entreprise réussit bien en Europe, avec « des produits à forte valeur ajoutée », « de bonnes équipes », et « de la R&D », ce nouveau mécanisme est, selon Jean-Marc Germain, « encore un sac de cailloux sur le dos à transporter ».

Dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée, cet élément supplémentaire, qui pourrait représenter un coût de « quelques millions en 2026, un peu plus en 2027 », risque d’affaiblir l’entreprise.

Jean-Marc Germain quittera son poste de PDG de Constellium fin 2025, après près d’une décennie à la tête de l’entreprise ; il sera remplacé le 1er janvier 2026 par Ingrid Joerg, actuellement directrice des opérations.