Premium Beauty News - La division Cosmetic Rigid Packaging du groupe Albéa vient d’être renommée Cosmetics & Fragrances. Pourquoi ce changement ?

François Tassart - Principalement par souci de clarté pour nos clients. Ce nom représente nos marchés plutôt que le rendu de nos emballages et permet de mieux nous identifier au sein de l’industrie.

Premium Beauty News - Que représente cette division aujourd’hui ?

François Tassart - Le maquillage (rouges à lèvres, mascara, etc.) reste notre principal marché, même si la catégorie soins (pots, flacons…) a beaucoup progressé au cours des dernières années. Nous fabriquons aussi des capots de parfums, avec une offre made in France pour le secteur prestige. Au total, cela représente un chiffre d’affaires de 450 millions de dollars, réalisé dans 14 sites et 8 pays. Nous couvrons l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie, via l’Indonésie et la Chine.

Dans le domaine du packaging beauté, nous sommes l’acteur avec la couverture géographique la plus large et l’expertise technique la plus variée. Cela nous permet de servir aussi bien des leaders mondiaux que des marques locales et des indie brands. En Indonésie, par exemple, 50% de l’activité de nos usines est dédiée aux marques locales.

Premium Beauty News - Comment cette activité a-t-elle évolué depuis le début de la pandémie ?

François Tassart - Globalement le phénomène a été le même que dans d’autres secteurs : une accélération de tendances qui préexistaient.

En résumé, on nous demande des emballages toujours aussi désirables mais de plus en plus vertueux, livrés en conformité avec toutes les exigences de sécurité, dans des délais rapides et des volumes qui peuvent varier très rapidement. Ces derniers points, rapidité et flexibilité, ont d’ailleurs pris une importance considérable : il y a aujourd’hui une énorme demande d’agilité !

Nos principaux clients veulent un time-to-market réduit et que nous soyons capables de gérer ce qu’on appelle les effets TikTok, qui peuvent brutalement tirer la demande de façon incroyable sur certaines références. Pour cela, il faut fonctionner avec des stocks intermédiaires ou des usines capables de tripler la production d’une référence dans de très courts délais.

Depuis septembre 2021, la demande mondiale est repartie en force, sur des tendances supérieures à celles de 2019, à l’exception des rouges-à-lèvres dont le redémarrage a été plus tardif. La demande de parfums a explosé, et avec l’entrée massive des consommateurs chinois sur ce marché, elle devrait continuer à croître de façon très importante.

Enfin, nous observons une logique de régionalisation des approvisionnements. Cette « relocalisation » s’observe en Europe comme en Asie, pour des raisons d’agilité mais aussi de contraintes logistiques. Le manque de capacités dans le fret maritime et l’engorgement des ports ont entraîné une explosion des prix et un allongement des délais, qui incitent les clients à acheter localement.

Premium Beauty News - Comment gérez-vous les tensions sur les approvisionnements ?

François Tassart - C’est un véritable défi ! Nous pensions avoir passé le gros des difficultés en 2021 quand la vigueur de la reprise a fait flamber les prix des matières premières, des transports et de l’énergie. Nous avons rencontré tous nos clients, pour exposer la situation, décomposer les hausses de nos coûts, et justifier les répercussions sur nos prix. Car je rappelle que les matières représentent près de 30% de nos coûts ! Leurs réponses ont été plutôt raisonnables. Mais la guerre en Ukraine a relancé les spirales haussières.

Tout cela nous oblige à sécuriser nos approvisionnements en augmentant nos stocks. Grâce à ces mesures et à notre réseau mondial, nous n’avons connu aucune rupture et je voudrais saluer ici l’extraordinaire travail des équipes. Mais évidemment, cela a un coût : environ 30 millions de dollars d’impact sur notre cash en 2021. Or le cash c’est cequi nous permet de continuer à investir en parallèle. Heureusement, certains clients sont prêts à nous accompagner pour sécuriser leurs approvisionnements.

Premium Beauty News - Quel est l’impact sur la transition durable du packaging beauté ?

François Tassart - Contrairement à ce qui s’était produit en 2008, il n’y a pas eu de remise en cause des efforts de durabilité. Au contraire, la demande de solutions nouvelles, d’emballages plus vertueux, de transparence n’a fait qu’augmenter ! L’enjeu est de faire rimer responsabilité et désirabilité, et d’accélérer cette transition.

Premium Beauty News - Comment s’organise cette transition chez Albéa ?

François Tassart - Nous avons pour objectif de produire des emballages 100% recyclables en 2025, même s’ils sont d’abord réutilisables. Dans notre segment d’activité c’est un véritable défi car nous fabriquons des produits très variés, souvent de petite taille, avec beaucoup de composants et des matières différentes.

Nous innovons plus que jamais, pour créer des emballages mono-matières (tubes de rouges-à-lèvres, boitiers de maquillage, etc.), des solutions de recharge, et utiliser des matériaux recyclés ou innovants. Nous repensons nos procédés de fabrication, testons l’injection et la décoration de nouvelles matières, préparons la substitution des matières premières qui risquent de devoir disparaître (SAN, POM), sécurisons au contraire celles dont l’utilisation va augmenter. Ce ne sont pas des changements anodins, ils ont des conséquences techniques (moules adaptés, expertises nouvelles). Beaucoup d’investissements vont être nécessaires dans un laps de temps réduit pour effectuer ces changements tout en garantissant la sécurité des approvisionnements, la conformité des produits et la qualité. Beaucoup de travail reste à faire pour arriver à une économie circulaire et nous devons impérativement accélérer tous ensemble.

Assurer cette mutation tout en maintenant le niveau de satisfaction et de désir des consommateurs, c’est protéger la réputation de nos clients. C’est un vrai partenariat. Aujourd’hui, même pour du luxe, l’emballage ne représente pas plus de 3% du prix d’un produit. Il y a un véritable enjeu de partage de la valeur dans cette transition !

Premium Beauty News - En trois mots comment voyez-vous l’avenir du packaging make-up et parfum ?

François Tassart - Responsable, agile, fiable. C’est sur ces sujets que nous travaillons le plus avec nos clients !