Premium Beauty News - Quelle est votre vision du marché du packaging cosmétique aujourd’hui ?

François Tassart - À long terme, globalement les tendances sont positives en volumes comme en valeurs. Toutefois, à court terme, nous devons faire face à des turbulences sur certains segments de produits ou certains marchés, ce qui génère de grandes disparités.

En Chine, le marché est stable et cela se répercute sur le soin et sur le luxe. Le marché du parfum est toujours en croissance, surtout en Amérique du Nord et en Europe, mais il faut prendre en compte le stockage opéré dans les années 2021-2022. Sur le segment maquillage, le masstige se comporte bien alors que la catégorie prestige subit encore le ralentissement de l’Asie. Concernant le marché des capillaires, il est très dynamique en Amérique du Nord et du Sud, ce qui a beaucoup d’impact sur notre activité tubes. Idem pour la catégorie oral care, très forte en Europe et en Asie. Voilà les fondamentaux de croissance et concernant Albéa, nous avons tendance à performer malgré ces écarts.

Premium Beauty News - À quoi attribuez-vous vos bonnes performances ?

François Tassart - Premièrement, à notre engagement RSE depuis plus de 20 ans. Nous venons de publier notre sixième rapport annuel de développement durable mais entre autres, nous sommes toujours Ecovadis Gold et avons doublé l’utilisation de PCR en 2023.

Deuxièmement, à notre capacité d’innovation. Nous avons 150 personnes dédiées à ce sujet et déposons environ trente brevets par an.

Troisièmement, à notre agilité et notre capacité de réduction des temps de développement et de production, grâce à une forte présence mondiale. Nos 34 sites industriels nous permettent de livrer plus vite nos clients et d’accompagner les clients locaux qui sont en croissance en Amérique du Nord, en Indonésie et même France.

Et quatrièmement, à notre compétitivité, avec de gros investissements pour améliorer l’ensemble de notre équipement industriel et la formation de nos collaborateurs. Nous avons donc une parfaite exécution opérationnelle sur l’ensemble des points géographiques.

Premium Beauty News - Dans quelle mesure les enjeux environnementaux continuent d’impacter votre stratégie ?

François Tassart - Nous poursuivons notre feuille de route RSE vers nos engagements à échéance 2025. Un de ces engagements était d’atteindre 10% d’utilisation de plastique PCR, nous allons le dépasser. Nous avons aussi fortement augmenté notre portefeuille de solutions recyclables, que ce soit dans le tube (90%), et dans une moindre mesure dans la partie Cosmetics & Fragrance (C&F).

Nous travaillons surtout sur la suite en préparant activement la feuille de route 2025/2030 et en intégrant les éléments de la nouvelle directive CSRD [1] sur la traçabilité et la transparence. À cet effet, Albéa est membre fondateur du consortium TRASCE, aux côtés de grandes marques internationales et de fournisseurs majeurs de l’industrie cosmétique. Cette initiative poussée par Chanel a pour objectif de mutualiser les démarches de traçabilité dans le secteur cosmétique avec une méthodologie commune.

Premium Beauty News - Et en termes d’investissements qu’est-ce que cela implique ?

François Tassart - Nous avons déjà beaucoup investi en 2023, et cela s’accélère en 2024 puisque nous consacrons plus de 7% de notre chiffre d’affaires à l’optimisation de notre outil industriel. Avec par exemple, l’extension de notre usine chinoise à Huai’an pour la métallisation et l’injection, l’extension de la capacité à Brampton au Canada pour la production du Greenleaf, un tube totalement recyclable qui va servir le marché de la beauté et du dentifrice. Nous avons aussi de nouvelles lignes pour la fabrication de l’EcoTop, un tube dont la tête et le bouchon ne font qu’un, allégé de 40% et recyclable. L’industrialisation pour plusieurs diamètres est en cours.

Il faut noter également qu’à chaque changement de matière, de l’ABS au PET par exemple, nous devons revoir l’ensemble de notre processus industriel. Nous investissons aussi sur la logique du rechargeable avec le TWIRL, un pot en plastique ou verre avec une cupule de 50 ml recyclable, également disponible en version 200 ml.

Les investissements servent aussi la décarbonation de nos usines. En France, comme en Italie, avons supprimé le gaz et sommes passé à 100% en pompes à chaleur et électricité verte !

Premium Beauty News - Quelles sont les stratégies de développement pour les activités Tubes, d’une part, et Cosmetics & Fragrances, d’autre part ?

François Tassart - Concernant l’activité Tubes, Barbara de Saint Aubin, CEO d’Albéa Tubes, et moi-même, souhaitons opérer une transformation mondiale de l’organisation. Plutôt que l’organisation régionale actuelle, nous voulons avoir demain une organisation autour des deux marchés majeurs du tube, d’un côté la beauté, et de l’autre le healthcare, oral care inclus, et la pharmacie. Cela se justifie par le fait que ce sont des clients qui n’ont pas les mêmes besoins. En beauté, nous produisons à 80% du tube extrudé, alors que pour les dentifrices, c’est à 95% du tube laminé. Ce ne sont ni les mêmes technologies, ni les mêmes attentes, ni les mêmes problématiques. Nous souhaitons nous focaliser sur les besoins de nos clients, pour être encore plus réactifs sur deux marchés qui ont des vitesses différentes. Par exemple en termes d’écoconception, en beauté l’utilisation de PCR s’élève déjà à plus de 8%. C’est moins le cas pour le dentifrice, en revanche, nous avançons sur la recyclabilité avec le Greenleaf.

Concernant l’activité C&F, nous cherchons à développer la production locale. L’idée est d’accélérer la régionalisation ou d’avoir des modèles hybrides entre l’Asie et l’Europe, pour une meilleure agilité et compétitivité auprès de nos clients locaux.

Globalement, nous devons aussi assurer des synergies entre chacune des activités, donc l’objectif est de renforcer la collaboration entre les équipes tubes et C&F pour toutes les initiatives stratégiques (commercial, achat, RSE, data, RH, etc…).

Premium Beauty News - Albéa s’est récemment séparé de son partenaire full service Innovative Beauty Group, pour quelles raisons ?

François Tassart - IBG a fait différentes acquisitions ces dernières années qui l’ont conduit à changer de business model et donc à trouver un partenaire financier, en l’occurrence Fremman Capital, qui puisse accompagner et accélérer son développement. Néanmoins, nous travaillons toujours en synergie avec IBG, qui reste un partenaire privilégié en full service. Nous pouvons fournir des solutions techniques aux projets et sommes complémentaires.

Premium Beauty News - Quels sont les leviers de croissance du groupe Albéa pour les années à venir ?

François Tassart - Nous étudions des zones où il y a du potentiel de croissance et où cela peut avoir du sens. La Chine reste un moteur important du groupe. C’est un marché où l’on est en croissance sur tous les segments et il reste positif sur le long terme. Nos usines sur place restent chargées avec des marques locales et pour nos marchés grands comptes à l’export. Le fait que toute la conception de moules soit locale est un atout.

Nous regardons aussi fortement l’Amérique latine où il y a une croissance importante pour la cosmétique, du Mexique à l’Argentine en passant par le Brésil. Nous étudions les opportunités internes notamment au Mexique où nous sommes bien positionnés avec trois sites de production, et potentiellement aussi les possibilités de croissance externe.

Même chose pour la Pologne où avons déjà trois sites. Enfin, il y a l’Asie du Sud-Est pour les marques locales. Le premier pays étant l’Indonésie où nous sommes bien positionnés avec trois usines, mais il y a aussi le Vietnam, la Thaïlande.

Enfin, les perspectives de croissance sont aussi dans les ruptures technologiques, activement travaillées par notre service R&D.