Autrefois pionnier de l’industrie cosmétique, la marque britannique a été placée en redressement judiciaire, et va fermer plus de 40% de ses magasins au Royaume-Uni, tandis que la plupart de ses filiales internationales ont ou devraient être mises en faillite. Selon Ecovia Intelligence, une société de recherche et de conseil basée à Londres, spécialiste des industries de produits éthiques, la disparition de The Body Shop donne un aperçu de la rapidité avec laquelle le développement durable s’est imposé aux marques.

L’effondrement de l’entreprise a été une surprise, car elle est venait tout juste de changer de propriétaire.. La société de capital-investissement Aurelius avait acquis The Body Shop auprès de Natura & Co. pour 207 millions de livres sterling (240 millions d’euros) en novembre 2023. Beaucoup considéraient pourtant Natura & Co comme un actionnaire idéal pour The Body Shop, l’entreprise brésilienne ayant placé la durabilité au coeur de son modèle. Sa marque phare Natura Brasil a ainsi été un précurseur de la gestion du carbone, du choix d’emballages écologiques et de l’approvisionnement éthique en matières premières. Natura & Co a néanmoins été contraint de revendre The Body Shop pour une fraction du prix payé à L’Oréal en 2017 880 millions de livres sterling (1,02 milliard d’euros).

Pourtant, souligne Ecovia, The Body Shop a longtemps innové en matière d’éthique. Elle été l’une des premières marques à faire activement campagne contre l’expérimentation animale. Elle a également été l’une des premières à introduire des emballages rechargeables. Elle a également été l’une des premières entreprises à s’approvisionner de manière éthique en ingrédients naturels grâce à son initiative de commerce équitable en 1987. Plus récemment, elle a été la première marque de beauté à utiliser des plastiques issus du commerce équitable dans ses emballages. En janvier de cette année, elle a été la première grande marque à faire certifier tous ses produits par la Vegan Society.

Alors, qu’est-ce qui est responsable de la débâcle de The Body Shop ? Ecovia Intelligence estime que la marque n’a pas perdu sa boussole éthique, mais est simplement restée immobile. Si The Body Shop a en effet été précurseur avec bon nombre d’initiatives dans les années 1980 et 1990. Mais entre-temps, l’industrie de la beauté a évolué. La durabilité fait désormais partie intégrante de la beauté, et les marques s’engagent presque toutes dans des initiatives écologiques ou éthiques. Bref, être éthique n’était plus suffisant.

La concurrence a joué un rôle important, indique Ecovia Intelligence. The Body Shop proposait initialement une gamme de cosmétiques naturels, fabriqués à partir de matières premières issues des quatre coins du monde. Mais les cosmétiques naturels sont désormais bien établis, et de grands détaillants comme Boots et Superdrug commercialisent même ce type de produits sous leurs propres marques.

La concurrence est également venue de marques rivales. Lush est allé encore plus loin en matière de cosmétiques éthiques grâce à ses campagnes écolos et ses produits naturels innovants. La marque britannique est une pionnière du zéro-emballage, avec des shampoings solides et des mascaras « nus ». Environ un tiers de ses produits cosmétiques sont vendus sans emballage. On peut affirmer que, peu après sa création en 1995, Lush a pris le relais éthique de The Body Shop.

Autre facteur explicatif, selon Ecovia Intelligence, l’évolution des préférences des consommateurs. The Body Shop offrait initialement aux consommateurs une expérience d’achat unique proposant des produits naturels nouveaux, des huiles essentielles et des coffrets cadeaux éthiques. Les cosmétiques naturels sont désormais monnaie courante, tandis que les marques grand public revendiquent également d’agir pour l’environnement. Lors de leurs achats, les consommateurs éthiques ne s’intéressent plus uniquement à la naturalité des ingrédients naturels, mais tiennent également compte de l’impact des emballages, de l’empreinte carbone, des causes sociales et des enjeux environnementaux soutenues par les marques. On peut se demander si la marque Body Shop évoque quoique ce soit pour les jeunes consommateurs, en particulier les Millennials et la génération Y.

Pour Ecovia Intelligence, la débâcle de The Body Shop met en évidence à quel point la concurrence est devenue rude sur le sujet de la durabilité des cosmétiques.