La capitale serbe a changé au fil des années mais la minuscule boutique de la parfumerie Sava semble intemporelle, avec ses fioles et ses pipettes transmises de père en fils. Pour les Jovanov, ce travail est une passion même s’il ne leur permet pas tout à fait d’en vivre. « On est restés, par tradition, par amour, par affection et par volonté de faire un travail qui à certains moments ne fournit pas suffisamment de sources de revenus », dit à l’AFP le patron, Nenad Jovanov, 71 ans, en mélangeant une eau de toilette dans une arrière-salle semblable à un laboratoire.

La parfumerie est née durant la Seconde guerre mondiale mais elle ne prit son nom actuel qu’une décennie plus tard, quand les autorités communistes yougoslaves avaient autorisé l’entrepreneuriat privé. Les années 1950 et 60 ont représenté « l’âge d’or » des parfumeries artisanales de Belgrade, se rappelle Nenad Jovanov.

Mais l’ancienne Yougoslavie s’est ensuite ouverte aux importations et les parfums issus de la production de masse ont fini par éclipser l’artisanat. Les sanctions infligées à Belgrade dans les années 1990 au moment de l’explosion sanglante de la Yougoslavie ont encore accentué le déclin.

Des flacons sans marque

« Une à une, elles ont commencé à fermer. À la fin, il n’y avait plus que nous », ajoute le parfumeur.

Lorsque le client arrive dans la minuscule échoppe lambrissée de bois, Nenad ou son fils Nemanja, qui travaille dans l’industrie du cinéma, l’aide à s’orienter parmi les étagères remplies de flacons en verre.

« Nous n’avons pas de noms de marque. Nos bouteilles n’ont pas de nom. Nos emballages n’ont pas de nom. On a simplifié notre packaging et notre intérieur pour que les clients puissent découvrir par eux-mêmes leurs préférences », explique Nemanja.

Les parfumeurs s’enquièrent des préférences du client, entre notes florales, boisées, fruitées ou encore la gamme des agrumes, avant de l’asperger à l’aide d’un pulvérisateur à l’ancienne.

Les gens sont encouragés à aller se balader pour permettre au parfum d’évoluer au contact de la peau. La plupart des ingrédients viennent de France, berceau de la parfumerie mondiale.

La boutique survit grâce à une clientèle d’habitués mais aussi à l’intérêt croissant des touristes pour ce « musée vivant » comme l’appelle Nenad.

Si le flux des touristes s’est tari avec la pandémie de Covid-19, la maladie ayant privé - au moins temporairement - de nombreux malades de leur odorat, la prise de conscience de l’importance de ce sens a fortement progressé. « Il peut nous transporter dans d’autres endroits, dans d’autres époques », dit Nenad.