L'UFC-Que Choisir a déposé plainte à Paris contre neuf fabricants - Photo : ©...

L’UFC-Que Choisir a déposé plainte à Paris contre neuf fabricants - Photo : © solidcolours / Istock.com

L’UFC-Que Choisir a analysé 16 produits alimentaires et cosmétiques de consommation courante à la recherche de nanoparticules de dioxyde de titane, mais aussi de dioxyde de silicium ou d’oxydes de fer et de zinc (colorants). Résultat, selon l’association de défense des consommateurs, « 100% des produits analysés contiennent des nanoparticules  ». En revanche, seuls trois produits en font mention sur l’étiquette.

Name and shame

Appliquant la méthode du name and shame (qu’on pourrait traduire par « mise au pilori »), l’association a dévoilé les noms des produits concernés, parmi lesquels figurent les M&M’s Peanuts (Mars), le dentifrice Aquafresh triple protection+blancheur (GlaxoSmithKline), le déodorant Sanex Natur protect 48h (Colgate-Palmolive), ou encore le stick à lèvres nourrissant Avène Cold Cream (groupe Pierre Fabre). L’UFC-Que Choisir a également déposé plainte à Paris contre neuf fabricants [1], qu’elle accuse d’avoir sciemment dissimulé la présence de ces substances.

Le dioxyde de titane dans le collimateur

Les associations de consommateurs s’inquiètent depuis longtemps de la présence de ces nanoparticules dans les produits de consommation. La publication en janvier 2017 d’une étude affirmant que l’ingestion chronique (par voie orale) de dioxyde de titane (TiO2) favoriserait la croissance de lésions précancéreuses chez le rat a renforcé ces craintes. [2]

Identifié par l’industrie alimentaire sous le code E171, le Dioxyde de titane, est un additif utilisé pour blanchir et intensifier la brillance de confiseries ou de certaines pâtisseries. Il est également utilisé par l’industrie pharmaceutique et en cosmétique, notamment dans les dentifrices ou les crèmes solaires.

Méthodes de test contestées

Pour répondre aux inquiétudes des ONG, le gouvernement avait annoncé fin août le renforcement des contrôles de la DGCCRF (répression des fraudes).

Les résultats de ces contrôles ont montré que 87% des 40 produits cosmétiques et 39% des 74 produits alimentaires testés contenaient des nanoparticules. Mais « un seul produit mentionnait, sur son étiquetage, la présence de tous les nanomatériaux identifiés  », selon le Ministère de l’Économie. « La procédure est en cours pour demander aux fabricants de ces produits de se mettre en conformité », a indiqué à l’AFP Alexandre Chevallier, directeur de cabinet adjoint à la DGCCRF, assurant que l’enquête se poursuivrait en 2018. À ce stade, les autorités de contrôle s’abstiennent toutefois de toute procédure judiciaire.

En effet, ce n’est pas parce que l’on trouve des nanoparticules dans un produit que celles-ci ont été introduites volontairement par les fabricants. De nombreuses substances contiennent naturellement des nanoparticules. « C’est pourquoi la réglementation européenne n’impose l’étiquetage de leur présence que sous deux conditions  », souligne Anne Dux. « Il faut qu’elles soient fabriquées intentionnellement, c’est-à-dire qu’elles soient présentes à plus de 50% dans un ingrédient, et elles doivent être insolubles ou bio-persistantes », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Si la DGCCRF se targue d’avoir « mis au point des méthodes d’analyses novatrices », la question de la détection des nanoparticules est très complexe. Certaines techniques, comme l’analyse au microscope électronique peuvent briser des agrégats de molécules et faire apparaître des nanoparticules là où il n’y en avait pas. D’autres peuvent avoir l’effet inverse. Certaines analyses de la DGCCRF ont ainsi été incapables de détecter la présence de carbon black sous forme nano dans un produit qui le mentionnait sur son étiquetage !

Réactions embarrassées

Les réactions des entreprises concernées sont contrastées. Il faut dire que le sujet est complexe à traiter. Pour éviter les problèmes certains préfèrent donc renoncer à l’utilisation du TiO2. « Nous sommes bien conscients de cette problématique soulevée par UFC-Que Choisir », a réagi le groupe Casino, assurant avoir engagé une démarche avec le fournisseur d’un additif présent dans l’arôme de sa soupe pour le supprimer. « Ceci sera effectif dans les prochaines semaines », précise le groupe.

Mars Chocolat France a assuré que ses produits respectaient « toutes les règlementations en vigueur », tout en soulignant que son plan de sortie du TiO2, décidé pour répondre aux préférences des consommateurs pour des ingrédients plus naturels, était sa « priorité ».

De son côté, la marque Avène (Groupe Pierre Fabre) a demandé à l’UFC-Que Choisir des précisions sur la méthodologie utilisée lors des tests. « Notre stick à lèvres Cold cream ne contient pas de nanomatériaux au sens de la réglementation européenne sur les cosmétiques, ainsi qu’en attestent les certificats qui nous ont été délivrés par nos fournisseurs de matières premières », précise Avène.

En résumé, les plaintes de l’UFC-Que Choisir sont peut-être davantage révélatrices des failles des méthodes d’analyse que d’un supposé manque de transparence de l’industrie. Cela explique probablement pourquoi, la DGCCRF n’a pas, de son côté, jugé utile d’engager des poursuites. Les autorités de contrôle ont accès aux dossiers techniques des produits qui doivent contenir toutes les informations sur les ingrédients utilisés et leurs fournisseurs. À ce jour, il semble que le contrôle de ce dossier reste le meilleur moyen de détecter une éventuelle fraude.